23 avril 2018

Chronique : Deux hommes de bien de Pérez-Reverte.

Comme tout le monde, j’ai dévoré la série de cape et d’épée du capitaine Alatriste (Tiens, j’en ferais bien une chronique, c’est tellement formidable !), et lu plusieurs romans de cet écrivain navigateur, escrimeur, qui connaît bien l’aventure puisque ancien reporter de guerre.
Mais mon préféré, c’est celui-là.

On y retrouve tout ce qui fait la richesse de cet auteur : le sens de l’intrigue, l’érudition, l’humour et des personnages parfaitement campés. L’histoire elle-même est tellement extravagante que Pérez-Reverte prend bien soin de nous expliquer qu’il en a retrouvé les traces dans les archives de l’Académie Royale d’Espagne, noble institution à laquelle il appartient, l’équivalent de notre Académie Française.
En plein dix-huitième siècle, quelques années avant l’explosion révolutionnaire, les membres honorables de cette Académie se réunissent et décident d’envoyer deux des leurs en France afin d’acquérir l’intégralité de l’Encyclopédie, joyau des Lumières, phare de la connaissance de l’époque (un projet inédit et incroyablement audacieux !).
Ils réussissent à obtenir – par on ne sait quel miracle ! - l’autorisation royale  mais doivent se débrouiller pour financer l’expédition sur leurs propres deniers. S’ensuit un récit picaresque, où l’esprit du grand Cervantes - dont Pérez est un fervent admirateur - plane à tous les coins de page. Notre auteur n’est pas plus tendre avec la France, qu’il décrit par le menu - en particulier la misère et les injustices flagrantes - qu’avec son pays dont il montre sans aménité l’esprit engoncé dans une morale religieuse stérilisante.
Pour pimenter le récit il y a bien sur les bons, nos deux académiciens et les méchants à la solde des anti progressistes. Pièges, traquenards, duels, tout est mis en œuvre pour faire échouer nos héros dans leur entreprise. Mais certains académiciens (à l’instar de Pérez) cachent un passé qui n’est nullement bureaucratique. Surnommé l’Amiral, l’un des académiciens est un ancien marin qui a fait les cent coups, et cette aventure est l’occasion pour lui de retrouver avec bonheur les fibres de sa jeunesse, sentiment que partage certainement notre auteur qui a soixante-sept ans. Cette histoire telle que je la résume suffirait à nous contenter amplement, si Pérez n’y avait en plus ajouté une idée risquée mais captivante : intercaler chaque chapitre historique avec le récit de ses pérégrinations contemporaines à la recherche des documents nécessaires pour étayer son roman. Quand je dis risqué, il n’y a en réalité guère de risque pour un auteur aussi reconnu ! Et c’est manifestement avec cette confiance que donne la célébrité que Pérez adopte cette formule qui - on le comprend - pourrait rompre le fil du récit et le rythme de la narration. Or, il n’en n’est rien !
Car nous avons droit à une deuxième histoire, parallèle, aussi passionnante que la première. Pérez - pour mieux les imaginer - parcourt en voiture les routes (chemins devenus parfois autoroutes !) suivis par ses protagonistes en calèches. Quelquefois il retrouve des lieux d’époque. Ses amis bouquinistes de Paris l’alimentent en traités anciens qu’il achète à prix d’or, peu importe : il est bibliophile ! Les relevés de Google Map sont même mis à contribution !
Six cents pages captivantes, particulièrement pour tous ceux qui aiment le siècle des Lumières, creuset des idées nouvelles. L’abbé Bringas, personnage réel, tient un rôle important dans cette histoire, car représentatif de ces révolutionnaires, intellectuels frustrés, qui, selon Reverte : ont su prendre leur tour quand la révolution est arrivée, avec, bien souvent, une soif de sang…

1 commentaire:

  1. J'ai ce livre mais je ne l'ai pas encore lu... Il a l'air très bien, j'espère que je trouverais le temps de le lire !

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Gabriel et Marie-Hélène.