08 juillet 2018

Chronique : Ida d'Irène Némirovsky (Folio) - suivi de La comédie bourgeoise

Irène Némirovsky

Romancière russe d'expression française. Elle est née le 24 février 1903 (11 février selon le calendrier julien) à Kiev et est morte le 19 août 1942 à Auschwitz. Auteur à succès dans la France des années 1930 et oubliée après la Seconde Guerre mondiale, elle est le seul écrivain à qui le prix Renaudot ait été décerné à titre posthume, en 2004, pour son roman inachevé Suite française.

Issue d'une famille juive fortunée mais désunie, Irène Némirovsky reçoit une éducation imprégnée de culture française. Lorsque ses parents, fuyant la Révolution russe, s'installent à Paris, elle y mène une vie mondaine et insouciante, avant d'épouser Michel Epstein, émigré russe juif dont elle a deux filles, Denise et Élisabeth. Sa vocation s'affirme précocement. Après le succès de David Golder en 1929, elle ne cesse plus d'écrire, tant par passion que par nécessité financière. Elle tarde à se rendre compte que son amour pour la France et sa place dans le paysage littéraire ne la préserveront pas des lois antijuives du régime de Vichy et de l'occupant allemand : arrêtée en juillet 1942 dans le Morvan, elle meurt du typhus après quelques semaines de détention à Auschwitz ; son mari y est déporté et tué en novembre.

Leurs filles survivent à la Shoah mais ne trouvent que bien plus tard le courage de faire revivre l'œuvre de leur mère. En 1995, elles confient toutes ses archives à l'Institut mémoires de l'édition contemporaine. La transcription du manuscrit de Suite française par Denise Epstein entraîne la redécouverte du reste de son œuvre.

Les nouvelles et romans assez courts d'Irène Némirovsky relèvent d'un réalisme volontiers satirique. Usant du point de vue interne comme de l'ironie, elle fait de la compréhension des êtres sa priorité, autour de trois thèmes récurrents : le conflit mère-fille, sa propre mère lui inspirant des figures maternelles détestables ; la peinture, selon une vision de droite, des corruptions de l'entre-deux-guerres ; l'affairisme auquel sont poussés, par ambition voire atavisme, des personnages juifs plus ou moins stéréotypés — représentation alors récupérée, à son corps défendant, par les antisémites.

La mémoire de la Shoah influence la relecture de son œuvre dans les années 2000. Partie des États-Unis, l'idée que ses récits trahiraient une forme de « haine de soi juive » crée une polémique, évacuant les autres aspects de son écriture. Cependant les spécialistes d'Irène Némirovsky s'accordent sur le fait que ses rapports avec la communauté juive et le judaïsme étaient plus subtils que ce que peuvent laisser croire certains de ses textes. (Source)

Les paillettes, les plumes et les strass, les bouquets de fleurs, les hommes fous d'amour, l'ivresse des applaudissements... tel est le quotidien de la belle Ida Sconin, célèbre meneuse de revue parisienne. Mais le temps passe impitoyablement et il devient de plus en plus difficile de faire illusion. L'auteur de l'inoubliable Suite française nous offre deux nouvelles d'une douloureuse lucidité, deux destins de femmes cruels et intimistes. (résumé de l'éditeur)

Notre chronique

Ida

Cette nouvelle évoque la thématique du succès, avec ses bonheurs - la gloire - et l’inévitable revers de la médaille : vieillissement et chute de son piédestal. Cette évolution de la carrière est particulièrement cruelle pour les danseurs et, en l’occurrence, pour les danseuses, qui en général dès l’âge de trente ans doivent laisser la place à une nouvelle génération. Bien qu’elle se déroule dans le music-hall, cette histoire montre avec réalisme et finesse que la notion de star existe bel et bien même dans ce milieu de revues plus ou moins dénudées. Le ressenti est le même pour Ida, adulée de son public, que pour une danseuse d’opéra. Et lorsque se présente la relève, Cynthia, jeune beauté pleine d’ambition, la chute est cruelle. Pour la danseuse vieillissante, le temps a passé à son insu, comme souvent pour beaucoup d’entre nous. L’échéance paraissait lointaine, presqu’infinie, mais elle arrive, et elle fait des ravages. Une très belle nouvelle, admirablement écrite comme tous les textes d’Irène Némirovsky, morte en déportation.

La comédie bourgeoise

Dans cette nouvelle, l’auteure évoque un milieu dont elle connaît bien les travers puisqu’elle en est issue. De Balzac à Mauriac (sans parler du cinéma avec Claude Chabrol), les turpitudes, les conventions et les hypocrisies de cette classe sociale qui s’est imposée politiquement dès le dix-neuvième siècle, sont admirablement résumées, comme dans ce texte court mais redoutablement efficace. Quelle que soit la situation et en dépit des sentiments l’ordre et la morale doivent régner dans cet univers, sans partage et sans exception, pour que les possédants qui détiennent le pouvoir puissent continuer à imposer un modèle social et à mettre en avant des privilèges représentatifs d’un but - en général illusoire - à atteindre pour les classes les plus démunies… Nul ne doit déroger au modèle, sous peine d’être exclu. Et Madeleine en fera l’amère expérience. Un texte parfaitement écrit sur la société bien-pensante et sur les codes immuables qu’elle impose de génération en génération pour perpétuer sa domination.  

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Gabriel et Marie-Hélène.