27 janvier 2019

Interview d'Elsa Flageul, auteure de À NOUS REGARDER, ILS S'HABITUERONT (Éditions Julliard)

Bonjour Elsa !

Pourriez-vous vous présenter en quelques mots, svp ? Qu’est-ce qui vous fait vibrer ? En bref, qui êtes-vous ?
Je suis une écrivain qui essaie de vivre sa vie, dans tous les sens du terme. De la vivre vraiment. En écrivant, en travaillant pour la gagner, en allant au cinéma, en aimant mes enfants, mon amoureux, mes amis, ma famille. J’essaie d’être la personne que je voulais être.

Quand avez-vous commencé à écrire ? Quel a été votre déclic ?
J’ai commencé à écrire il y a quinze ans, seulement. Je dis « seulement » car je n’ai pas toujours écrit. En revanche, j’ai toujours lu, beaucoup. Adolescente je rêvais plus de cinéma et de théâtre. Et puis, j’ai connu un très gros chagrin d’amour, le premier, à 25 ans. Et du jour au lendemain, je me suis mise à écrire un roman, comme si écrire était la seule façon d’exister à nouveau, de me relever. Depuis ce jour, j’écris. L’écriture a pris tellement de place dans ma vie, dans mon être que je me demande désormais comment j’ai pu vivre sans écrire.

Exercez-vous une autre profession ? Si oui : Laquelle ? Comment gérez-vous les deux ?
Oui je suis médiatrice scientifique auprès d’enfants dans une bibliothèque de musée, à Paris, à temps partiel. Le reste du temps, j’écris. En ce moment, j’écris l’adaptation pour le cinéma de mon avant-dernier roman Les mijaurées, qui va être porté à l’écran par Anna Novion. Ces deux versants de ma vie professionnelle sont tout à fait étanches pour moi. Je sépare sans aucun problème.


Je me suis longtemps plaint de devoir gagner ma vie en faisant autre chose qu’écrire, comme si l’énergie que je mettais dans cet autre travail gâchait celle dont j’ai besoin pour écrire. Ce n’est plus ce que je pense aujourd'hui. Devoir gagner ma vie autrement qu’en écrivant, dans des proportions raisonnables évidemment, m’ancre dans un aspect social, concret de la vie, que l’écriture sous n’importe quelle forme, offre moins. C’est aussi une façon de ne plus penser au texte que je suis en train d’écrire, de le laisser reposer, de force presque, c’est une façon de le mettre à distance plusieurs heures par semaine. Je reviens parfois à lui avec plus d’énergie, plus d’envie encore que quand je l’ai laissé. Quand au contraire je n’en peux plus ou quand je suis perdue, je suis contente d’avoir une bonne excuse pour le lâcher !

Une lecture fondatrice ?
Il y en a plusieurs. Jeune adolescente, j’ai été marquée par les romans de Maupassant comme Une vie ou Bel ami, ainsi que ses nouvelles comme La parure qui m’a marquée. Puis j’ai découvert les romans d’apprentissage avec Flaubert, Stendhal, puis Stefan Zweig, Marguerite Duras et enfin Annie Ernaux avec Passion Simple, au tout début de ma vie d’adulte, de jeune femme. Ça m’a éblouie. Et enfin l’écriture de Koltès au théâtre, de Copi ensuite, qui m’ont ouvert les voies d’une oralité que je ne pensais pas possible, dont je ne soupçonnais pas l’existence.

Quelles sont vos principales sources d’inspiration ?
Les émotions, celles que l’on vit, ou que vivent ceux qu’on aime. Celles aussi que l’on voit dans les films, je suis très influencée par le cinéma que j’ai étudié à l’université, celles que l’on ressent dans les livres, que l’on éprouve en écoutant de la musique, devant une toile qui nous touche. Je suis très sensible aux personnes, à ce qu’elles dégagent, à ce qu’elles racontent, ça me passionne, vraiment. D’ailleurs, je retiens tout ce qu’on me dit ou presque, j’ai une mémoire d’éléphant et je crois que c’est à cause de ça : tout ce que je vois, ce que je sens, me marque. Je le garde au cas où. Tout peut servir. Tout peut être matière à écrire, un jour.

Avez-vous des habitudes d’écrivain ?
J’en ai moins qu’avant, je me suis un peu détachée de mes habitudes d’écrivain. Je me sens plus libre aujourd’hui dans l’exercice de l’écriture. Il n’empêche qu’il me faut du silence et de la solitude. Et je ne peux pas écrire deux textes en même temps. Pour le reste, je m’adapte.

Quels sont vos meilleurs souvenirs d’auteur ?
Le jour où j’ai appris que j’allais être publiée, chez Julliard. C’était totalement magique, l’endroit, le moment, la nouvelle que j’espérais, mais que je n’attendais pas si tôt. C’est un moment fondateur parce qu’il marque le début de ma vie d’auteur, et de ma vie tout court. J’ai l’impression que ma vie a vraiment commencé à ce moment-là.

Des parties de ce roman sont-elles autobiographiques ?
Oui, la trame de ce roman, la naissance d’un enfant prématuré vient de ma propre expérience. Mon fils est né prématuré. Pour autant, ce roman n’est pas autobiographique. Le fait que j’ai traversé cette épreuve avec mon fils m’a donné, je pense, une forme de légitimité pour écrire dessus, écrire avec. Je n’aurais pas osé sinon. Mais je l’ai traité comme un formidable catalyseur de ce qu’est mettre un enfant au monde, devenir mère, devenir père, être parents et plus seulement un couple. La prématurité d’un enfant densifie, accentue ce qui se pose, à mon sens, à toute naissance. C’était pour moi l’occasion d’écrire sur ces questions essentielles en sublimant ce que j’avais vécu, en m’en détachant aussi par le prisme de la fiction, en le tordant, en le réinventant pour mieux le comprendre, pour mieux le transmettre, aussi.

Auriez-vous des anecdotes à partager avec mes lecteurs sur l’écriture de ce roman ou / et sur vos rapports avec vos lecteurs ?
Les rapports avec les lecteurs ont beaucoup changé depuis les réseaux sociaux. On les décrie souvent et à raison, il y règne une violence parfois difficile à supporter, mais ils ont aussi ouvert la voie à une communication beaucoup plus directe avec les lecteurs, un échange possible qui a brisé un mur entre l’auteur et son lecteur, qui a levé le voile sur une opacité, sur un brouillard. Grâce aux réseaux sociaux, les lecteurs et lectrices se sont incarnés, les auteurs aussi. Des noms, des prénoms, des visages, des endroits, des professions. Je trouve ça fabuleux, réjouissant. C’est une récompense immense de se savoir lu, et par qui, et comment.

Etes-vous en train d’écrire un nouveau roman ?
Pas encore, j’ai besoin d’un peu de temps entre deux romans. Et puis je suis en ce moment sur l’écriture du scénario des Mijaurées. Mais j’ai des idées qui flottent dans ma tête. Un jour, je vais me jeter sur l’une d’entre elles et voir ce qu’elle a dans le ventre : Peut-elle faire un roman ? Crée-t-elle suffisamment d’émotions, de désir ? Amène-t-elle des mots ?

Le (traditionnel) mot de la fin ?
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront. » 
       René Char

Et enfin et surtout, MERCI.


Pour en savoir plus, notre chronique.

8 commentaires:

  1. Interview intéressante. J'aime beaucoup ce passage : "ils ont aussi ouvert la voie à une communication beaucoup plus directe avec les lecteurs, un échange possible qui a brisé un mur entre l’auteur et son lecteur, qui a levé le voile sur une opacité, sur un brouillard."
    C'est vraiment le ressenti que j'ai également !

    RépondreSupprimer
  2. C'est une très belle interview !

    RépondreSupprimer
  3. Wahou, une interview pleine d'émotions je trouve, cette jeune femme m'a beaucoup touché et je vais me pencher sur son roman sans attendre !

    RépondreSupprimer
  4. Voilà une auteure que je ne connaissais pas mais dont le tableau dépeint me plait particulièrement. Le nom est noté, les titres de romans aussi, merci Marie Hélène =)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je t'en prie !!! Excellentes lectures ! Tu ne seras pas déçue !

      Supprimer

Bonjour !
Votre commentaire sera bientôt en ligne.
Merci d'échanger avec nous !
Gabriel et Marie-Hélène.