Elisabeth Mangano, cadre dans une
grande entreprise semi-publique, est plutôt en bonne santé. Physique et morale.
Elle possède suffisamment d'énergie, de qualifications, d'entregent,
d'insouciance même (il en faut) pour produire ce qu'elle considère comme du bon
boulot. C'est pourquoi les discours creux de sa nouvelle chef ne sauraient
l'accabler. Ils sont une perte de temps, certes, mais enfin l'on s'en
accommode. Les discours creux, de toute façon, font partie du jeu social et,
par là même, de la scène professionnelle.
Toutefois, la nouvelle chef ne se
contente pas d'ainsi remuer en vain les mots dans sa bouche. Elle s'occupe, en
plus de cela, de pointer des difficultés là où il n'y en a pas, de passer sous
silence des problèmes bien réels, de déstabiliser des individus qu'elle a dans
le nez, d'œuvrer pour sa carrière au moins autant mais surtout un petit peu
plus que pour l'intérêt commun.
C'est plus qu'Élisabeth n'en peut
supporter. Mais dans la vie professionnelle comme dans la vie en général, il
n'est pas toujours très recommandé, pour sa propre tranquillité, de dire tout
haut les turpitudes du maître. Entre parler et se taire, Élisabeth devra jouer
serré. Comme aussi s'interroger, au fond d'elle-même, avec d'autres également,
s'interroger, profondément, terriblement, jusqu'au vertige, sur la question de
savoir s'il est tellement nécessaire de s'inféoder, dans la vie professionnelle
comme dans la vie en général, à des maîtres.
Notre chronique
Roman magistral sur le monde de l’entreprise. Humour
pince-sans-rire, réflexions profondes sur un monde dans lequel il semble
difficile de vivre, a priori…. Et pour tout vous dire, ça ne donne pas envie de
s’y retrouver ! Toute la bêtise humaine semble rassemblée dans une galerie
de portraits à la limite de la caricature, nous parlons des chefs, des « managers »
qui n’ont de cesse d’invoquer leur supériorité hiérarchique pour expliquer
leurs décisions souvent sans queue ni tête ou tout bonnement leurs absences de
décisions… Des comportements humains, trop humains, qui nous désolent, mais qui
participent de la réalité, une réalité qu’on peut dénoncer, mais qui s’inscrit
dans une sorte de fatalité. Absurdité du monde décrite par Camus. Sisyphe poussant
sa pierre, brisé par des efforts ne menant à rien. Toute la réalité du monde
dans lequel nous vivons, un monde impitoyable décrit avec verve, un monde souvent
aberrant, et qui semble contre-productif, alors que réussir est vital pour
toute entreprise… Tous ces conflits de personnes sans véritable raison d’être,
nuisent fatalement au bon fonctionnement des entreprises. Alors quid ?
Un roman fort qui nous fait réfléchir sur la vie quotidienne, le sens de la vie, la vie professionnelle dans toute sa splendeur, le monde des petits chefs aux discours creux, un monde qui nous semble insupportable et que pourtant la plupart des gens doivent subir pour vivre…
Un roman fort qui nous fait réfléchir sur la vie quotidienne, le sens de la vie, la vie professionnelle dans toute sa splendeur, le monde des petits chefs aux discours creux, un monde qui nous semble insupportable et que pourtant la plupart des gens doivent subir pour vivre…
L'auteure
Jeanne Rivoire est née en 1972 à Alger. Elle a publié des textes dans des revues littéraires (Inculte) et un roman aux éditions Jacqueline Chambon ("Suicide et inversement").
Interview
Quand as-tu commencé
à écrire ?
À 20 ans, j'ai gardé pour la première fois ce que j'écrivais
(et que j'avais l'habitude, jusque-là, de déchirer, par crainte que quelqu'un
ne tombe dessus et ne le lise...). C'est quelques années plus tard que j'ai
passé le cap d'envoyer des textes à des revues.
Quelles sont tes
principales influences ?
Quand j'ai découvert Albert Cohen, j'ai su qu'il existait
une possibilité, pour un écrivain, d'être lyrique sans être mièvre. Ça a mis
fin d'un coup à une espèce de court-circuit qui gênait mon écriture. Je me suis
mise à écrire avec mes émotions tout autant qu'avec ma rationalité. Je pouvais
brusquement verser dans l'enfance tout en me maintenant dans l'âge adulte.
Verser dans le délire (mystique, pourquoi pas ?) tout en demeurant calme et
détachée. J'ai eu l'impression que des ailes me poussaient. Ensuite, j'ai aimé
de Lydie Salvayre quelque chose de ressemblant : un sérieux (ou un
"quant-à-soi", ou une intellectualité) glissant tout d'un coup dans
le drôle et le délirant. De Salvayre je suis passée à Bégaudeau, dont j'aime
tout. À Valérie Mréjen. À ... (un bon en arrière dans le temps) Nathalie
Sarraute. Et à d'autres.
Un livre qui t'a
marquée plus que les autres ?
Le Rouge et le Noir. Julien Sorel veut se mêler à la
bourgeoisie et en même temps il ne le veut pas. Tout le livre raconte cette
ambivalence, qui ressemble un peu à la mienne.
Quelle lectrice es-tu
?
Je suis tout le temps en train de chercher du temps pour
lire et en trouve peu. Je lis des romans français et des documentaires
(traitant par exemple de psychologie ou de questions politiques).
Des réactions de
lecteurs et lectrices qui t'ont particulièrement touchée lors de la publication
de ton premier livre ?
À la publication de mon premier roman, j'ai reçu la lettre
d'un lecteur qui disait précisément pourquoi il avait aimé le livre. Et tout le
plaisir que j'ai ressenti à la lecture de ce courrier provenait de cette
prévision. (Je crois que lorsque l'on écrit, l'on aime que nos textes soient
aimés, mais l'on aime surtout savoir comment et pourquoi...).
Un mot de la fin ?
Dans mon roman Tous les hommes sont rois (début
d'une citation de José Saramango, dont la suite est : "toutes les femmes
sont reines et princes les travaux de tous"), l'on suit une femme dans son
quotidien professionnel. Ce roman aborde une question à caractère social (ou
politique) : le travail, et par ailleurs il explore une vie dans sa dimension
la plus quotidienne et la plus ordinaire. J'ai un goût pour les romans se
situant à cette intersection entre le social (ou le politique) et l'intime.
Pour aller plus loin : Suicide et inversement
article
Second article
Troisième lien
Dossier de presse
Retrouvez les chroniques des ouvrages des Éditions Nouvelle Bibliothèque
* Terminus
* So long, Alice
* Killarney 1976
* Amer Noir : le jour où j'ai tué Staline
* La petite fiancée de la Grande Guerre
* Grand froid
* Le legs
* Le feu secret
* Spiral(e)
* Le feu secret (nous donnons la parole à d'autres lecteurs !)
* La trilogie psychiatrique
* Le voyage d'une seconde
* Opération forêt des abeilles
Dans cette interview réalisée avec Marie-Hélène Fasquel, j'ai répondu à des questions plutôt généralistes (car Marie-Hélène, à cette date, n'avait pas encore lu mon roman), mais bien tournées, pas anecdotiques, et qui m'ont fait réfléchir à ma pratique littéraire.
RépondreSupprimerChouette parce que justement j'aime bien ça, moi, réfléchir.
Encore un grand merci à Fahrenheit 452 pour l'abondance des informations fournies: lien sur d'autres chroniques et articles, dossier de presse, vidéos, y'a tout ce qu'i faut.
RépondreSupprimerDe rien ! Bises
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