28 juin 2019

Chronique littéraire : Double 6 par Emmanuel Trédez (Didier jeunesse).

Résumé 
Bagarreur et frimeur un jour, timide le lendemain... Qui est vraiment Hadrien ? Quand deux policiers font irruption en cours de maths, c’est la panique : le collégien a disparu et ses copains doivent témoigner ! Capable de jouer ses décisions sur un coup de dés, le garçon semble cacher bien des secrets... et il n’a pas fini de nous surprendre.



L'auteur


Emmanuel Trédez est un éditeur et auteur.
Après des études de gestion, il se lance dans l’édition en 1993. Cinq ans plus tard, il devient éditeur de livres documentaires pour la jeunesse. Cette année-là, il publie aussi son premier livre.
Pendant 17 ans, il a édité des livres documentaires pour la jeunesse tout en écrivant, pour le plaisir, des textes de fiction.
Depuis 2015, il consacre l’essentiel de son temps à l’écriture. Il écrit des livres pour tous les âges, dans des genres aussi différents que l’album, le roman, la BD ou le livre documentaire.
Il est l'auteur de la série "Mes premières enquêtes" chez Auzou (2016-2017), des romans, dont "Ali Blabla" chez Didier jeunesse (2017), ou encore de l’album "Couleur colère" chez Flammarion (2018).
Certains de ses romans comme "Hercule, attention travaux !" (2001), "La carotte se prend le chou" (2008) ou "Qui veut le cœur d’Artie Show ?" (2014), publiés chez Nathan, lui ont valu plusieurs prix littéraires.
Marié et père d'un fils (2001) et d'une fille (2003), Emmanuel Trédez vit à Cachan, près de Paris.

Notre chronique
Un grand merci à Net Galley et son challenge pour cette belle découverte ! Il s’agit d’un roman pour jeunes de 9 à 12 ans qui nous parle d’amour, de tricheries, de deuil, de secrets, tout en finesse. Deux adolescents pas comme les autres (et finalement tellement comme les autres) qui, un an après le décès de leur mère, se débattent dans une situation dont ils sont les responsables mais qui commence à les dépasser… Une disparition qui transforme le roman en quête de la vérité pour tous (police et jeunes réunis). Du suspense, de l’amitié aussi, une écriture fluide et belle. 
Un très chouette roman jeunesse que nous recommandons sans hésitation !

Interview

Comment est né Double 6 ?
L’idée générale, que je ne peux préciser sans « divulgâcher » le roman, m’est venue alors que je réfléchissais à un autre livre qui aborde un peu le même sujet, mais d’une façon très différente. Cette idée m’a sans doute été inspirée par un film de David Cronenberg qui m’avait marqué, dans les années 1980… Je l’avais mise dans un coin de ma tête et j’y repensé au moment de me lancer dans un nouveau projet…
L’idée d’écrire un roman choral s’est imposée assez vite : Dans Double 6, on découvre peu à peu le héros à travers les voix, parfois discordantes, de ses camarades de classe. L’une des difficultés de l’« exercice » est d’arriver à singulariser ces voix, à faire exister ces personnages – j’y ai travaillé, mais ai-je réussi mon pari ? Les lecteurs le diront.
Double 6 raconte l’enquête au collège de deux policiers sur la disparition d’un adolescent. Ce n’est pas à proprement parler un roman policier, mais il repose sur le suspense (mais qu’est devenu Hadrien ?) et la surprise (même si le lecteur peut deviner certaines choses) : les interrogatoires se succèdent et les révélations aussi.
Enfin, comme dans deux autres romans pour la même tranche d’âge, Ali Blabla (chez Didier jeunesse également) et Qui veut le cœur d’Artie Show ? (chez Nathan), je me suis amusé à mêler à la narration des poèmes, en particulier des haïkus.

Quand écrivez-vous ? Avez-vous un rituel d’écriture ? de petites manies d’auteur ?
À l’époque pas si lointaine où j’étais salarié d’une maison d’édition, je devais profiter du moindre moment de liberté pour écrire : le soir, le week-end, pendant les vacances… Enfin… le peu de temps libre que me laissaient ma famille et mes autres loisirs. J’avais pris l’habitude d’écrire n’importe où et n’importe quand !
Aujourd’hui, je continue à m’adapter aux circonstances : Je suis « sans bureau fixe » – je parle de la pièce comme du meuble. Dans la petite maison de banlieue parisienne où j’habite, je ne dispose pas, hélas, d’un espace à moi où poser le buste de mon écrivain préféré – j’aurais pu dire que j’écrivais sous l’œil bienveillant de Balzac ou de Hugo ! – ou bien accrocher des photos de paysages ou des reproductions de tableaux inspirants… Pour écrire, je suis bien partout : j’aime le silence de la maison déserte, mais j’apprécie aussi l’agitation du café. Amené à me déplacer régulièrement dans les établissements scolaires ou dans les salons, je travaille également dans le train.
En général, je me mets au travail vers 9 heures. Je m’installe dans la cuisine, une pièce lumineuse mais ô combien dangereuse avec son réfrigérateur et son placard à gâteaux ! S’il fait beau, comme aujourd’hui, je travaille dans le jardin. Le plus souvent, j’écris directement sur mon ordinateur. Quand je sors, c’est toujours avec un petit cahier pour noter des idées. Je n’ai pas de stylo fétiche : je me contente d’un Bic 4 couleurs, comme dans ma jeunesse.
Pas de musique de fond pour accompagner mes séances d’écriture – et donc pas de BO à publier, comme cela se fait beaucoup aujourd’hui. Pas de Facebook connecté en permanence – il faut un minimum de concentration dans ce métier ! –, mais un peu, quand même, pour rompre la solitude.
Juste besoin d’une machine à café à portée de la main…

Quel a été votre plus grand bonheur littéraire ?
Parmi mes plus grands souvenirs de lecture, il y a Le Comte de Monte Cristo et Le Seigneur des anneaux : deux gros livres d’aventures que je n’arrivais pas à lâcher quand ma mère m’appelait pour dîner.
Je pense aussi à deux ouvrages plus ardus – La Route des Flandres de Claude Simon et Belle du Seigneur d’Albert Cohen – qui, avant de me procurer ce grand bonheur littéraire, m’ont donné du fil à retordre : j’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois pour entrer dans l’univers de ces auteurs et apprécier leur style. Comme quoi, il faut parfois de la persévérance pour apprécier certaines œuvres !   
Je pense enfin à Jacques le Fataliste, de Denis Diderot, à La vie mode d’emploi, de Georges Perec, à Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand (ma pièce préférée, j’y ai déjà fait plusieurs clins d’œil dans mes livres). Plus récemment, j’ai eu deux gros coups de cœur pour Au revoir là-haut, de Pierre Lemaître, le Goncourt 2013, et pour Martin Eden, un « classique » de Jack London.

Quel retour / ressenti de lecteur vous a le plus ému ? Pourquoi ?
Les enfants de primaire et de début de collège, à qui s’adressent la plupart de mes romans, ont parfois du mal à exprimer ce qu’ils ont aimé dans les livres, alors je prends ce qu’ils m’offrent : des sourires jusqu’aux oreilles, des yeux qui brillent, des rires qui fusent… Un « c’était trop bien » ou un « j’ai adoré votre livre », ça me va bien aussi.
Les réactions des adultes me tiennent à cœur car si mes textes s’adressent d’abord aux enfants, ils ont souvent plusieurs niveaux de lecture. Alors quand une enseignante ou une bibliothécaire me dit qu’elle riait toute seule, au lit, en lisant Le macaron est sur les dents (mon dernier « polar parodique »), je suis comblé.
Comme beaucoup d’auteurs, j’ai besoin d’être compris et rassuré !

Quelles sont vos autres passions ?
En dehors du cinéma, du théâtre et de la lecture – je lis pas mal de bandes dessinées et de romans policiers –, je fais de la musique : je joue de l’alto dans un quatuor à cordes. Nous répétons une fois par semaine et donnons quelques concerts chaque année. Cela suppose de travailler régulièrement son instrument.
J’aime beaucoup le sport et m’intéresse à l’actualité sportive. Je pratique le tennis de table, pour le plaisir, et la salle de sport ou la piscine pour me maintenir en forme : c’est important lorsqu’on est vissé sur sa chaise à longueur de journée !

Quels sont vos projets d’écriture ?
Je vais bientôt attaquer le dixième tome de la série Mes premières enquêtes, aux éditions Auzou, une série qui marche très bien et dont le neuvième tome, en cours d’illustration, paraîtra à la rentrée : Sur les traces de la licorne.
En ce moment, je suis plutôt dans une phase d’attente : ce n’est pas la plus agréable ! J’attends, avec un mélange d’espoir et d’angoisse, les réponses des maisons d’édition qui doivent statuer sur mes textes ; j’attends avec impatience les crayonnés de deux albums à paraître chez Didier et Larousse, et d’un livre documentaire chez Gallimard. Enfin, j’attends de voir comment mes livres de début d’année seront reçus par le public et la critique : Fiesta chez les vampires (chez Scrinéo) et Morsures en série (chez Nathan) pour les plus jeunes, Le macaron est sur les dents (aux éditions du Rocher) et Double 6 pour les plus grands. 

Quels conseils donneriez-vous aux futurs auteurs ?
Ça me paraît très délicat de donner des conseils à de jeunes auteurs quand on n’a pas soi-même trouvé la clé du succès – enfin, je ne me plains pas non plus !
Sur le plan de l’écriture, je conseillerais d’abord aux écrivains en herbe de… lire des livres. Pour le plaisir, mais aussi peut-être, puisqu’ils rêvent d’écrire, pour voir ce qu’il y a derrière les textes : quelles sont les intentions de l’auteur, quels choix il a fait pour raconter l’histoire… 
L’auteur en herbe doit réfléchir à ce qu’écrire représente vraiment. Est-ce qu’il est capable de faire passer l’écriture avant tout le reste (même les jeux vidéo !), d’aller au bout de son projet (et ne pas s’arrêter à la première difficulté), d’être prêt à retravailler et retravailler son texte (ne jamais se contenter de ce qu’on a écrit) ?
Ensuite, il y a la question de la publication.
Publier, c’est s’exposer. L’auteur doit être capable de supporter les critiques, il doit accepter qu’on ne parle pas de ses livres ou qu’on ne les voit jamais dans les vitrines des librairies : il doit se blinder ! Sinon il risque de mal le vivre. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire, même quand on a déjà quelques livres à son actif !
Enfin, il y a la question d’en faire son métier. Mais pour qu’elle ait vraiment un sens, il faut à mon avis déjà avoir publié.
Si j’ai la chance d’exercer ce métier formidable et de me consacrer à l’écriture, le métier d’auteur reste un métier très difficile parce que très incertain et très mal payé. Il faut savoir qu’en moyenne, un auteur jeunesse touche 50 centimes sur un album à 15 euros, 25 centimes sur un poche. Et les réformes qui se préparent ne vont pas dans le sens d’une amélioration du statut d’auteur et de ses revenus.
Ça a été un gros choc pour moi qui viens du salariat et étais habitué à toucher mon salaire à la fin du mois ! On peut travailler des mois sur un texte qui finalement ne sera pas retenu, pour de bonnes ou de moins bonnes raisons ; on peut publier un texte qui se vendra très mal ; enfin, on peut toucher quelques centaines d’euros pour un travail de plusieurs mois !
En tout cas, il ne pas faire ce métier pour gagner de l’argent sous prétexte qu’on a vu trois écrivains stars à la télé ! Ce n’est pas du tout la réalité du métier tel que l’exercent la plupart des auteurs.

Le mot de la fin ?
Je n’ai pas encore lu votre chronique, mais d’ores et déjà, je vous remercie de vous intéresser à mon travail et de me donner la parole sur votre blog.

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