21 mai 2022

Chronique littéraire : Le Livre bleu de Nebo de Manon Steffan ROS (Actes Sud Junior).

Résumé
Journal intime bouleversant où se mêlent les voix d’une mère  et de son fils ayant fait l’expérience d’une étrange fin du monde.

Après une catastrophe nucléaire, Dylan et sa mère Rowenna se sont retrouvés parmi les rares survivants, réfugiés dans leur petit hameau du Nord-Ouest du pays de Galles, près de la ville de Nebo.
Dylan était petit quand les lumières soudain se sont éteintes et que les oiseaux ont disparu, maintenant il a quatorze ans. Sans électricité, les commerces pillés, il a fallu se débrouiller, réapprendre à vivre à l’ancienne. Quand il regarde le fruit de son travail dans le jardin de leur maison, les serres qu’il a construites, Dylan se sent comme un homme. Il voudrait que rien ne change. C’est dans cette simplicité et cette rudesse qu’il s’est construit. C’est son monde. Il s’y sent bien. Pourtant, une multitude de questions subsistent pour lui sur ce temps d’avant – avant La Fin – dont sa mère qui n’en est pas nostalgique lui dit si peu. Alors il tente confusément de trouver des réponses dans les livres gallois – écrits dans cette langue que sa mère refuse aussi de lui parler – et même dans la Bible.
De son côté, et si elle ne se confie pas à son fils à l’oral, Rowenna couche sur le papier ses craintes, ses souvenirs et secrets du passé, dans un carnet à couverture bleue trouvé dans une maison abandonnée de Nebo. Dylan aussi se raconte dans ce Livre bleu. Chacun sait que l’autre ne le lira pas, telle est leur promesse.
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Notre chronique
C’est avec grand intérêt que j’ai lu Le livre de Nebo. Une dystopie, un roman d’anticipation, post apocalyptique, d’une grande finesse, qui met en exergue l’humanité profonde des protagonistes, leur sens de l’adaptation et dépeint un monde qui, en fin de compte, n’est pas si mal que ça : une vie calme, sans écran, en symbiose avec la nature. Pas de stress (à part celui de la survie), pas de vie à 100 à l’heure, où l’on ne disposait d’aucun moment pour penser à soi ou se poser, et réfléchir tranquillement. 
« Et la beauté des choses — elles sont tellement plus belles qu’avant. Et pourtant, non. Elles n’ont pas changé, mais on les voit, maintenant. »
Un monde de compassion, fait surtout de l’essentiel, qui semble parfois absent de nos vies mouvementées et trop pleines. 
« Nous vivions sans silence. Le son de la télé ou de la radio nous tenait constamment compagnie, mais dans notre manière de vivre il y avait un silence terrible, assourdissant. Une fois qu’on cesse d’écouter, on commence à entendre. Le rythme chaotique de la pluie contre la fenêtre. Le vent comme le chant d’une sirène ou les murmures d’un amant. Se réveiller le matin et savoir, sans même regarder, que la neige est tombée (…) »
Dans ce roman choral, deux voix, celles de Dylan, jeune adolescent, et de sa maman Rowena, se font écho, se complètent, et partagent avec nous, à travers l’écriture dans un carnet, leur expérience de cette fin du monde, qui est, finalement, une renaissance.
« Elle a trouvé ce carnet dans une maison de Nebo dont on a forcé la serrure. Il était dans le tiroir d’un petit bureau, dans le salon de quelqu’un. D’habitude, on ne vole que des choses vraiment importantes, des allumettes ou de la mort-aux-rats, ou bien des livres. Mais là, elle a pris le carnet et elle l’a tourné et retourné plusieurs fois dans ses mains avant de le mettre dans son sac. — Prends ça, elle m’a dit plus tard, une fois de retour à la maison. Pour écrire ton histoire. – Le Livre bleu de Nebo. »
Un récit dans lequel les racines, la langue maternelle (ici le gallois), les livres tiennent une place capitale et sont, en quelque sorte, un gage de notre humanité, des éléments qui nous aident à la conserver.
« Je crois que l’instinct nous pousse à sauver ce que l’on risque le plus de perdre. » David Thorpe, mai 2018. (Voisin de Rowena, au début du roman). 
Un plaidoyer pour la redécouverte de la beauté, de l’harmonie, de la paix du cœur. Même dans des conditions moins confortables — en apparence du moins.
Pour arrêter de s’étourdir. Ne plus être dans le divertissement, au sens fort du terme : tout ce qui, littéralement, nous détourne de notre solitude fondamentale, de notre rapport à la nature et au cosmos et surtout des questionnements sur le sens de la vie. Une histoire qui n’est pas dans rappeler certaines expériences récentes, d’ailleurs très diversement vécues. Prophétique ? Un grand livre.

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Gabriel et Marie-Hélène.