En effet, lorsqu’on lit ou qu’on écoute un haïku –puisqu’il est fait pour être dit- on est frappé par ce moment de beauté saisi sur le vif, mais aussi par la sensation d’étrangeté qui en émane. C’est que, contrairement au français, la langue japonaise n’utilise pas les articles, d’où cette impression de vers superposés, voire empilés comme les strates d’un sol.
Toute poésie est bien sûr un défi à traduire, et particulièrement celle-ci, profondément ancrée dans la culture japonaise, celle des lettrés et des philosophes bouddhistes et Zen. Pour mieux comprendre ce problème, on peut citer le célèbre haïku de la grenouille :
Un vieil étang etLe dernier vers de cette poésie contient, en japonais, une assonance qui évoque le son de la grenouille entrée au contact de l’eau. Intraduisible. Et l’on pourrait multiplier les exemples.
Une grenouille qui plonge
Le bruit de l’eau
Pourtant cette poésie nous parle. Pourquoi ?
Le haïku est une triade souvent organisée ainsi : Un vers évoque un animal (cheval, singe, etc…), un autre un végétal (cyprès, bambous, hibiscus), et le dernier vers, le temps qu’il fait (pluie, brouillard, tempête).
C’est que le poète est un marcheur. Il chemine autour du Mont sacré des japonais, le Fujiyama. Et il observe. Tout un jour, c’est long pour celui qui gravit heure après heure des pentes escarpées. Mille sensations l’envahissent. Mais il est à l’écoute, car c’est la raison de son voyage, un voyage intérieur, dicté par la douleur due à la perte d’un être cher. Et il choisit, il choisit les mots les plus forts, passés au tamis de ses efforts sur la montagne. Cette force, nous la ressentons. Nous la goûtons. Nous pouvons même la renouveler, en psalmodiant le haiku comme un mantra.
Le haïku résonne aujourd’hui en nous d’une manière à laquelle n’avait sans doute pas pensé notre poète. Son minimalisme naïf, mais puissant, qui renvoie à l’essentiel, s’inscrit dans la démarche de ceux qui –de plus en plus nombreux- voient nos Sociétés comme des machines pillant sans état d’âme les ressources de notre planète. La nature est notre cocon. Bashô la respecte infiniment. Et, plusieurs siècles plus tard, nous aussi devons la respecter, car elle recèle bien des réponses à nos angoisses. Bashö, meurtri, y cherche un nouveau sens à sa vie.
C’est ce que nous cherchons tous.
Pour conclure :
Si vous avez apprécié cette chronique, n'hésitez pas à consulter celles-ci :
En outre, pour les lecteurs de L'élève au cœur de sa réussite, cette chronique est un clin d'œil ! (Voir page 73, chapitre 4, la classe inversée).
Un modeste haïku de ma composition :
RépondreSupprimerDe beaux yeux noisette
des effluves de parfum
un rêve de sylphe.
Merci !!! :)
SupprimerSuperbe !