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05 juin 2019

Interview de Pic ( Denis Lelièvre)


Biographie
Denis Lelièvre, alias Pic, né à Paris en 1961, est un auteur de bandes dessinées, illustrateur et sculpteur.
Début 1980, il fonde le groupe MIX MIX avec des amis du lycée du sud de Paris François Villon : Zou (Nicolas Thuret), Bratt' (Philippe Leconte) et Ata π Pé? (Jean-Marie Pêcheux).

Les Mix Mix enchainent par un 30/40 éponyme chez FUTUROPOLIS, (époque Cestac et Robial), puis par un Comix encarté dans Zoulou n°2 chez ACTUEL : Guedji, une histoire d’Afrique de l'ouest.
Parisiens, ils s'illustrent dans le Street Art et apparaissent dans les deux premiers livres sur le sujet en France : Pochoirs à la Une, éd. Parallèles et Le Livre du Graffiti de Denis Riout -1990 - éd. Alternatives.

Pic publie un X chez Futuropolis : Une farce pour deux dindons puis un album de 45 tours de magie en bandes dessinées pour Spirou avec les personnages Pic et Zou, chez Albin Michel Bandes Dessinées.

Il participe à de multiples journaux, de Hara Kiri à Fripounet, comme du Psikopat à France Football, en passant par les Allumés du Jazz... et à de nombreux albums collectifs.

L'Asiathèque lui confie l’illustration d’une Méthode de Chinois 2me niveau pour l'enseignement universitaire.
Il illustre quelques albums de la collection Mouche à l'École des Loisirs.

Il aborde la sculpture mais exclusivement par la voie de l'objet utilitaire le plus souvent d'inspiration BD ( et uniquement à but lucratif ;)
Il a exposé dessins et sculptures au sein d’ART CITÉ et aux RDV d’ART chez Christiane Peugeot.

Il est l’auteur de plusieurs séries de badges pour différents éditeurs.

Il monte sa propre marque de patchs brodés pour laquelle il édite aussi d’autres auteurs de B.D.

Pic rencontre l’auteur texan Gilbert Shelton avec qui il dessine à partir de 1992 six comix de la série Not Quite Dead, avec Géant Vert (traduits en français par icelui, compilés en 4 tomes chez Tête Rock - Paris).
Il en fait les mises en couleurs. À partir de ce moment, Gilbert Shelton le bombarde coloriste de ses propres réalisations : pochettes de disques, bandes dessinées : Les Fabulous Freak Brothers et Wonder Wart Hog (Super Phacochère) et d'une couverture pour le mythique ZAP Comix (#15 chez LAST GASP).

Pic a publié près de 500 pages de la série de bandes dessinées Pic et Zou depuis 1998 dans SPIROU, l’hebdomadaire franco-belge, et a écrit quelques livres illustrés d’activités pour enfants chez Casterman.

En 2015, il illustre pour Mama Éditions le guide de jardinage Le Bio Grow Book de Karel Schlefhout et Michiel Panhuysen, traduit en six langues, puis Le Guide de la coloc bio de Vincent Ravalec.

En 2019, il devient le premier auteur BD de Mama Editions et inaugure la collection Graphics avec Jardiner Bio, première BD pratique sur le jardinage biologique (ouvrage librement adapté du Bio Grow Book).

Interview
Quand avez-vous commencé à dessiner ?
Comme tous les enfants, très jeune. Mes parents ont gardé des grandes fresques de scènes de rues, avec en arrière-plan les affiches électorales et revendicatives qu'on voyait sur les murs à l'époque, comme un "Yankee go home" (guerre au Vietnam), donc déjà très chargées et pleines de détails en arrière-plan...
Et ma mère a retrouvé une punition qu'on m'avait infligée à 8 ans parce que "je dessinais sur mon carnet de vocabulaire" (à conjuguer à tous les temps de l'indicatif)

Quel a été votre première collaboration en tant que dessinateur ?
Réelle collaboration ? la première à 9 ans avec Nicolas Thuret (Zou) avec qui nous fonderons le groupe MIX MIX en 1984 et créerons les personnages Pic et Zou que je poursuis encore aujourd'hui dans SPIROU.
Nous nous étions découverts fans du Lucky Luke de Morris puis nous dessinions sur la même page des aventures en bandes dessinées que nous jouions à la récré.
C'est ça que vous voulez dire par "collaboration" ?

A 15 ans, en 1976, première vraie publication (20 pages, mais dont j'étais le seul auteur) dans AMANITE, un Comix produit par Henry Seydoux et Jean-Marc Eldin, deux fabuleux déconneurs parisiens, à peine plus âgés que moi. Bonne compagnie éditoriale dans cette revue : Puig Rosado, Kiko (l'auteur de Foufi), Philippe Leconte, Marie-Marthe Colin, Philippe Angeles, Alex...
C'est donc l'occasion de ma première Convention de BD à Paris et je rencontre Lauzier, Fred, Moebius, Cabu qui me portraitise, Charlie Schlingo qui vendait ses Comix autoproduit du Havane Primesautier (mon père, venu en secret pour ne pas me gêner, va fortement sympathiser avec lui et lui acheter toutes ses publications !) Le groupe punk du Crapeau Baveux sortait leur mythique n°4 (le kaki) et avaient sous leur stand un seau rempli de foie de veau qu'ils balançaient partout ...
Souvenirs lointains...

Dans le cadre artistique, tu as des opportunités de collaborations avec des auteurs,
Professionnellement, c'est le plus souvent avec des éditeurs qu'il faut collaborer (ou avec des clients).

Puis en 1992, incroyable : Gilbert Shelton me demande de collaborer avec lui sur sa série Not Quite Dead qu'il avait débuté seul dans FLAG un comix parisien que nous dessinions et réalisions nous-même, photogravure, impressions, rédactions, distribution, encaissement !-) en belle compagnie aussi. FLAG a duré 10 numéros entre 1990 et 1992. Avec Pierre Ouin, Benito, Géant Vert, Phil d'Anagraphis, Alph, Cromwell, Riff Rebs, Shelton, Leconte, Zou, Max, Jano, Hunt Emerson, Mezzo, P'titLuc, Allegria, Willem, Arno, Chester, Joan, Ata, Cartier, Shawn Kerry, Blanquet, El Diablo, Ben Radis, Harty, Chantreau, Ran PCP, Legree, Gaël, KumKum, Bud, Armstrong, Paul Mavrides, Alteau, Dorey, Adao Iturrusgarai, Fu Manchu, Luc Quelin, Peter Pontiac...
J'ai même fait de la sculpture pour Flag.
Désolé pour ces indigestes name-dropping, mais la BD, surtout underground, ce sont des petites chapelles. Par exemple, j'ai lu les toutes premières planches de JUL (celui de la "bravitude" de Ségolène) dans Yellow, le comix de Jacko, un copain poitevin du Géant Vert...

Du coup, avec Shelton, nous "collaborons" encore aujourd'hui sur Not Quite Dead, (après 6 comix US - 4 albums en français) et comme je fais souvent ses couleurs, ça m'a permis de collaborer à la couv' du ZAP comix n°15.

Comment est-ce que le projet de faire une BD à partir de l'ouvrage The Organic Grow Book est né ?
C'est la commande des éditeurs de Mama Éditions : Michka Seeliger-Chatelain et Tigrane Hadengue.
J'avais fait des illustrations pour le Bio Grow Book (Couverture - Poster panorama - et une trentaine d'images), grâce à Christian Gaudin qui était surbooké et m'avait refilé le boulot, et mon style avait plût à leur lectorat jeune.


Je n'ai pas assisté à la genèse du truc.
Michka et Tigrane auraient discuté avec les auteurs hollandais : Karel Schelfhout, le vrai jardinier, et Michiel Panhuysen, l'écrivain-journaliste du monde des plantes et du bio, du moyen de faire "un Bio Grow Book sans textes", plus facile d'accès pour les cultivateurs les plus jeunes que le gros pavé scientifique de 600 pages, ont-ils pensé.
C'est donc logiquement devenu le projet d'une bande dessinée puisque c'est mon métier de base (si on peut dire).

Cette BD est (comme l'ouvrage d'origine) fabuleuse : il a dû être difficile de faire des choix ?
Ce que vous dites là est très flatteur !
Ce compliment s'adresse surtout à l'album qu'on m'a demandé d'adapter en bandes dessinées : la source, la base, le scénario !
Le plaisir que j'ai eu à le faire peut transparaître, évidemment, et le fait que ce genre (la vulgarisation scientifique) est un exercice que je connais bien.
Très vite, pour ne pas avoir à faire des choix difficiles, l'approche exhaustive de l'adaptation en planches de BD s'est imposée à moi :
On ne peut pas traiter superficiellement les sujets abordés et on ne peut pas enlever un chapitre au Bio Grow Book.
Le nombre de page prévue pour la BD a donc augmenté et j'ai passé le mal de tête à mes éditeurs.
Tout le jeu (et les choix) consistait à rester fluide en composant les pages. C'est primordial d'avoir des pages rythmées, et que les fins de pages tombent pile.
J'ai essayé d'éviter de faire se succéder des dessins techniques légendés et commentés, le truc totalement indigeste ; comme les listes de produits nutritionnels bio, là j'ai pas pu faire mieux, par exemple...
J'ai choisi d'en rajouter au chapitre de la permaculture, car ce mot dont on ne peut expliquer rapidement le sens, mérite un exposé conséquent.
Le Bio Grow Book le survolait car ce n'était pas son sujet et qu'il faut un livre entier pour l'expliquer.
La transcription exacte du sujet "permaculture" traité dans le Bio Grow Book représente trois cases sur la double-page que j'y ai consacrée !
Et je l'ai bien senti en termes de travail "scénaristique", au niveau des recherches et de l'écriture !
J'ai décortiqué deux grands livres sur le sujet (cités dans Jardiner Bio p.81) et des heures de Wikipedia.
Mais quitte à aborder ce sujet dont tout le monde parle, j'ai pensé qu'il fallait en profiter pour en donner une explication bien complète, surtout pour un public jeune.
Devant la réaction d'un des auteurs, le journaliste Michiel, qui ne retrouvait pas dans mon découpage "une bande dessinée type Astérix ou Tintin", (je communiquais par mail chaque page scénarisée-découpée aux auteurs et éditeurs, au fur et à mesure), je lui ai fait comprendre que ça prendrait trop de pages.
Mais un jour je me suis laissé aller sur UNE page (la 52), à ne pas synthétiser de trop et à laisser un doux rythme s'écouler (comme dans un classique album de bandes dessinées).
Michiel m'a tout de suite écrit que ça lui plaisait. Je lui ai répondu que moi aussi, mais que cette page représentait HUIT LIGNES seulement de leur Bio Grow Book ! Donc, que pour arriver à couvrir leurs 600 pages, il me fallait procéder différemment.

Quel plaisir ça a été de participer à cette aventure et de pouvoir expliquer comment respecter la terre sur laquelle nous vivons, et surtout pourquoi !
Le sentiment de faire une œuvre utile m'a bien soutenu.
Le Bio Grow Book d'origine a été un monumental travail d'équipe : Michka et Tigrane ont cru devenir fous à rassembler et organiser les premiers écrits de Karel et Mig et j'ai eu les premières feuilles en main en français pour imaginer quoi illustrer.
À l'occasion de cette relecture (sous les pétales de mon cerisier qui se déposaient entre les pages) j'ai eu l'honneur de participer un peu à son élaboration.
Ma légère connaissance de la langue batave nous a permis d'éviter un petit piège de traduction au sujet du "facteur sentinelle" et non "facteur gardien de but". (Deux mots synonymes en hollandais)
Le Bio Grow Book est un must qui a été très bien accueilli par la presse. La table des matières le démontre et j'ai tenu absolument à en garder le corps.
Ainsi, il ne me restait plus qu'à me laisser guider, enlever le niveau supérieur trop abstrait de chimie organique et rendre clair et attractif les dessins techniques et parfois fastidieux : par exemple le matériel spécifique du métier d'horticulteur.

J'ai appris la science des nœuds marins et en ai livré un beau spécimen dans Jardiner Bio (page 74) que j'ai étudié dans le Grand Livre des Nœuds de Lord Clifford Hashley : le "nœud que tous les enfants rêvent de savoir faire".
(Il y a aussi le "nœud d'arrêt du dragueur d'huites" dont le nom me plait encore plus, mais il n'est pas dans Jardiner Bio...:)

Donc je me suis senti à l'aise sur ce projet, beau support aux qualités spirituelles élevées, avec - en prime - des éditeurs qui m'ont non-seulement laissé m'en emparer, mais en plus qui trouvaient que c'était la meilleure chose qui puisse arriver au bouquin. (Deux ans de paix et de liberté, jusqu'au bouclage...)

Du coup, après avoir choisi le meilleur format pour caser cette masse d'informations tout et conservant la meilleure lisibilité, (mon format de prédilection mais aussi le moins segmentant en termes de classes d'âges), j'ai travaillé en leurs soumettant un découpage extrêmement abouti et très travaillé. Michka a été la complice et référence horticole, Juliette la meilleure relectrice et d'autres personnes externes à Mama qui ont énormément apporté à la qualité du livre, en particulier à éviter des pièges ou des inexactitudes provoquées par ma réécriture. (Encore une belle grande coopération !-)

Donc pour répondre à la question, difficile oui, mais pas tant au niveau des choix que de la méthode.
En bandes dessinées, le livre ouvert t'impose ce monde fini qu'est une double-page. (Surface visionnée) et la fin de chaque page doit (en théorie) être un "page-turner" ou une fin en soi.

Qu'aimeriez-vous dire aux lecteurs et lectrices de la BD ?
Achetez-en un pour l'offrir à une personne de qualité ! (rires)

Le mot de la fin ?
Deux mots, en fait :
Agissez maintenant.
et une citation :
"Vous devez être le changement que vous voulez voir dans ce monde" (Gandhi).


11 commentaires:

  1. Article très intéressant, merci pour cette découverte !

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  2. Voilà une interview que je trouve terriblement passionnante et qui m'a appris beaucoup !

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  3. En voilà une belle interview !

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  4. Une très belle citation pour clôturer cette interview très enrichissante!

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  5. Pic est vraiment un super auteur, gros coup de coeur pour ses bds !

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  6. Merci à toutes et tous, un bon feed-back fait chaud au cœur. Depuis, le livre a été chroniqué sur une belle émission de jardinage : https://www.mamaeditions.com/images/presse/JBBD/SilenceCaPousse_JBBD.mp4

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Gabriel et Marie-Hélène.