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07 juillet 2019

Les acteurs de la littérature : adaptation de Hamlet et la piété filiale de Jules Laforgue par Kevin Gouabault


Un spectacle comme un coup de poing. On en sort sonné. Sonné, mais troublé, perturbé, émerveillé. Kevin Gouabault, acteur unique et magistral, nous entraîne dans un maelström qui ne l’épargne pas lui-même. Soldat démobilisé et rendu blessé au monde, il se bat désormais contre des spectres, ceux des morts, passés et à venir, car le thème central de la pièce est bel et bien, à l’instar de Shakespeare, celui de la mort.
« J’ai peut-être vingt ans, trente ans à vivre, et j’y passerai comme les autres ; quelle misère, ne plus y être ! » hurle l’acteur, citant Laforgue directement.
Adapté avec talent d’une nouvelle par l’acteur, le texte garde et transcende un délire bien présent déjà dans le texte original :
« Il n’y a plus de jeunes filles ; toutes des gardes-malades ; j’oublie les petites poupées adorables, les vipères et les petites oies à duvet pour oreillers ! », c’est que Laforgue, mort dans la fleur de l’âge, à mangé du fruit de l’inconscience, ses textes, comme sa poésie ne s’embarrassent plus des conventions, il est un anarchiste littéraire, un libertaire profondément  inadapté à son époque, comme l’est ce soldat, marqué par les horreurs de la guerre.
Et pourtant ! Oui, pourtant, que de prosodies, de rythmes dans la nouvelle d’origine, non pas involontaires, mais assumés avec humour : « Les décatis bouquets des galas éphémères » pour l’alexandrin par exemple. Cependant, c’est le délire qui prévaut. Un délire morbide et rebelle. L’homme doit s’insurger : c’est son destin. Car la vie telle qu’on la subit souvent est trop absurde. Laforgue cite Shakespeare pour justifier son propre délire : « La démence est partout, et sans cérémonie, frappe l’humble marchand et l’acteur de génie ». Kevin Gouabault utilise cette dimension et donne un nouveau souffle à une pièce universelle, archétypique et noire comme l’âme de bien des êtres humains. Pierre Olivier Scotto apporte par d’habiles mises en abyme une touche essentielle à cette performance, à ce débordement implacable d’énergie salutaire.
Un spectacle bouleversant, puissant, qui continue de nous interroger longtemps après avoir quitté la salle obscure et envoûtante du théâtre de Nesle.

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Gabriel et Marie-Hélène.