Pages

31 octobre 2024

Chronique littéraire : Traverser les montagnes, et venir naître ici de Marie Pavlenko (Les Escales).


Résumé de l'éditeur
Un roman poignant et lumineux qui raconte le deuil, la solidarité et l’espoir.
Astrid a tout perdu. À quarante ans, plus rien ne la retient, alors elle part. Elle achète sans l’avoir visitée une maison isolée dans la région montagneuse et sauvage du Mercantour. Parmi ses bagages, un carton marqué d’une croix rouge, ce qu’il lui reste de sa vie passée.
Soraya a tout laissé derrière elle. Sa Syrie natale, sa famille, ses amis, son insouciance. Elle traverse la montagne pour rejoindre la frontière française en se cachant de la police. Dans son ventre, une vie qu’elle déteste grandit.
Deux destins de femmes inoubliables. Deux douleurs indicibles qui se rencontrent et s’apprivoisent.

Notre chronique
Traverser les montagnes, et venir naître ici est un roman d’une intensité rare, dans lequel Marie Pavlenko entremêle les destinées d’Astrid et de Soraya, deux femmes brisées, chacune par une perte qui les dépasse. Astrid, quadragénaire en quête de solitude, abandonne sa vie citadine pour un repli dans les montagnes du Mercantour, lieu dont son mari lui a parlé et où elle espère panser ses blessures. 
« Avant. C’est fou comme ce petit mot de rien suscite un déluge de chagrin quand il surgit dans la tête. Avant, c’était simple, avant. Avant, elle avait une maison.
 Avant, elle était innocente et ne connaissait pas sa chance. »
Soraya, jeune réfugiée syrienne, cherche un refuge, un endroit où renaître, même si le poids de ses épreuves semble parfois insoutenable. 
« Ne pas penser à la guerre, aux rues cendreuses, aux maisons écroulées, aux trous dans les murs des immeubles, aux troncs d’arbres éclatés par les Kalach, les cris qui préviennent de l’arrivée d’obus, vite, vite, courir, se recroqueviller, ils leur tirent dessus, ils essaient de tuer leur peuple, les corps par terre, coupés en deux parfois, le sang partout qui coule et sèche, et le jour où leur voisin a débarqué en larmes : “Ils te cherchent, Muntassar, ils arrivent, pars vite avec ta femme et tes enfants, Dieu te garde, mon ami !” »
Ces deux voix que presque tout sépare se rencontrent. 
La poésie rassemble et, telle un fil rouge, soutient nos courageuses protagonistes.
Ce roman évite toute complaisance et nous emmène, par petites touches, dans un espace où les émotions sont palpables et les mots justes. L’auteure utilise la nature comme un écho, tranquille et impérieux, de la douleur humaine. Les paysages grandioses font presque office de personnages, et permettent à Astrid et Soraya de laisser apaiser les tumultes intérieurs qui les torturent.
L’auteure met en scène les étapes de leur rapprochement, un cheminement qui rappelle la force de certains récits de Marguerite Duras, dans lesquels les liens se construisent dans le non-dit, dans les gestes quotidiens. De cette rencontre naît un souffle de résilience, un appel à continuer malgré tout. Ce roman vibre d’humanité, et les douleurs s’apaisent autant que possible, lentement, au contact de la terre, dans la solidarité.
Deux histoires de deuil, de perte, d’incompréhension, de fatalité, d’envie d’en finir, mais en fin de compte une superbe rencontre. 
« Pourquoi le monde n’est-il pas fait d’Astrid, des Astrid hommes, femmes, petits, grands, gros, maigres, de toutes les couleurs ? Comme le monde serait doux. Il y en a d’autres, bien sûr, ses parents sont des Astrid, Ibtissam était une Astrid, il en existe dans tous les pays, sous toutes les latitudes. Soraya en a croisé plusieurs pendant son périple. Ce médecin bulgare qui a essayé de sauver Sherine, le vieil homme de Slovénie avec sa grange pleine de foin qui sentait si bon, où elle et Ibtissam sont restées une semaine, où elles ont mangé à leur faim. Mais combien, à côté, qui broient, démolissent, mentent, profitent, battent, violent ? Soraya refuse de l’utiliser, il est si dur, si tranché, ce mot. Pourtant, c’est celui qui dit son chemin. »
Ce récit de l’entraide, de l’amour de son prochain est une belle leçon de vie, ternie par l’incompréhension, le racisme, la bêtise humaine, et le drame.
« Les passeurs obligent souvent les gens à jeter leurs cartes SIM quand ils franchissent une frontière, ils ont peur d’être repérés. Ses parents ont-ils avancé depuis la dernière étape en Bulgarie ? Sont-ils toujours vivants ? Elle hait les passeurs, leurs bouches vomissent des mensonges, ils appartiennent au monde des djinns, fourbes, menteurs, avides. Rien ne serait arrivé si les passeurs avaient tenu leurs promesses. »
Un roman à lire, qui ne peut que toucher…

#Traverserlesmontagnesetvenirnaîtreici #NetGalleyFrance

Pour aller plus loin

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Bonjour !
Votre commentaire sera bientôt en ligne.
Merci d'échanger avec nous !
Gabriel et Marie-Hélène.