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17 février 2025

Chronique littéraire : Impardonnable de Mathieu Menegaux (Grasset).


Description de l'éditeur
Deux récits, deux voix, deux ennemis a priori.
Lui s’appelle Paul Dufourcq. Jusqu’à peu, il avait une situation, une famille, un grand appartement dans le XVIème arrondissement de Paris, une vie. Mais un soir, il rentre en voiture après avoir bu, renverse un jeune homme à scooter et prend la fuite. L’accident tue l’adolescent et envoie Paul derrière les barreaux d’une prison. Elle s’appelle Anna. Elle a perdu sa fille, Lucie, dans des circonstances similaires, mais son coupable à elle s’en est sorti avec un bracelet électronique. Depuis, Anna va de rage en peine. La justice les a broyés tous deux, murant l’une dans la colère et l’autre dans la culpabilité. Pour les aider, on leur propose de participer à une autre forme de justice, dite restaurative. Anna devra rencontrer Paul, l’écouter, lui parler. De son côté, Paul pourra enfin s’excuser. Mais peut-on accorder son pardon à celui qu’on ne hait que par procuration  ? Et peut-il affranchir de la culpabilité  ?
On suit d’abord à tour de rôle les récits séparés d’Anna et Paul, revivant avec eux leur histoire, du procès aux murs de béton ou de rage entre lesquels ils vivent depuis deux ans. Jusqu’à leur rencontre, point d’acmé de ce roman tendu comme une corde sur laquelle Mathieu Menegaux, funambule attentif, évolue pour nous faire éprouver les sentiments qui rongent ses personnages, honte, rage, peur et désir de vengeance, et éclairer aussi bien les impasses d’une justice qui punit, que les espoirs d’une autre appelant au pardon. Un roman poignant que la tendresse habite.

Notre chronique
J’ai découvert Mathieu Menegaux avec Femmes en colère et Impardonnable est un roman aussi intense, aussi bouleversant. L’auteur interroge la justice et ses failles, la culpabilité et la rédemption, le pardon et ses limites, et avant tout le deuil. 
Deux voix, deux solitudes, deux destins fracassés : Paul, un coupable, et Anna, une victime par procuration.
« Depuis l’accident, puisque c’est ce mot que les autres emploient pour désigner la tragédie, les gestes du quotidien lui semblent vides de sens. À quoi bon s’obstiner à préserver le noir dans une chambre où l’on ne dort plus ? Pourquoi se lever, s’habiller, se nourrir, se brosser les dents, se laver, sortir de chez soi, travailler, alors que tout est si vain, absurde, brutal ? »
Lui, un homme ordinaire dont la vie bascule en une seconde d’égarement : un accident, la mort d’un adolescent, la peur, la fuite. Sept ans derrière les barreaux pour expier une faute qu’aucune peine ne saurait alléger. 
Elle, une mère brisée, dont la fille a été fauchée par un chauffard qui, lui, n’a pas connu la prison. Depuis, sa colère la consume. 
Ils se rencontrent dans le cadre de la justice restaurative, une rencontre où les mots deviennent des armes ou des baumes, où la confrontation est peut-être la seule issue possible.
« Je crois que c’est ça que j’ai appris lors de ces rencontres, Anna. Ce ne sont pas des monstres. Ce sont des hommes, qui ont commis des actes monstrueux.
Et c’est très différent. »
Comme dans Réparer les vivants de Maylis de Kerangal, où l’indicible douleur côtoie le besoin de donner un sens à l’irréparable, Impardonnable met en scène des personnages prisonniers de leur souffrance. Menegaux excelle dans l’analyse des émotions à vif. 
« Des existences cabossées qui retrouvent un sens, des plaies qui se pansent et l’espoir qui permet de sortir de la nuit noire. »
La structure chorale renforce l’intensité dramatique : d’un côté, Anna, écrasée par la perte, qui oscille entre fureur et résignation. De l’autre, Paul, rongé par la culpabilité, qui cherche désespérément à comprendre s’il peut encore être un homme « meilleur ».
Le roman est également une réflexion sociale sur notre système pénal. Punir suffit-il à réparer ? Quel en est l’intérêt ? Peut-on demander à une mère de pardonner la mort de son enfant ? À un homme d’être réhabilité quand il ne se pardonne pas lui-même ?
« Et je continue à noircir des pages, sur ce cahier d’une part et sur un autre carnet, dans lequel je consigne toutes les absurdités de notre système carcéral, ainsi que des propositions pour y remédier, histoire de ne pas être cantonné à un brillant diagnostic, ce qui me rendait fou déjà dans le monde professionnel. Chaque fois qu’on faisait venir des consultants, experts dans l’analyse de la situation et incapables d’apporter des solutions au-delà des “bonnes pratiques”, je finissais par m’emporter. Je ne sais pas encore ce que j’en ferai, de ce carnet, mais plus ma détention avance plus j’ai envie, besoin, de lui donner du sens. »
Dans cette nuit noire où tout semble figé, une fenêtre s’éclaire, celle de la résilience.
Impardonnable : un roman bouleversant sur le deuil, la culpabilité et le pardon.
#Impardonnable #NetGalleyFrance

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