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21 juin 2025

L'œuvre au rouge : alchimie, la cheminée du château de Terre-Neuve.

En 1930, Fulcanelli (un pseudonyme) publie dans l’indifférence générale Les demeures philosophales. Cet ouvrage, tiré à quelques centaines d’exemplaires, est devenu un classique de l’alchimie et a été depuis régulièrement réédité.
L’auteur y répertorie des lieux, mais aussi des œuvres où les alchimistes de différentes époques ont laissé leur marque sous forme de symboles destinés à la transmission de leur savoir-faire. Depuis près d’un siècle maintenant, un certain nombre de ces témoins singuliers ont disparu pour différentes raisons, en particulier sous les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Ceux qui subsistent ne sont pas toujours accessibles, car ils appartiennent à des propriétaires privés.
Aussi, dans les quelques chroniques que nous allons consacrer à ces lieux insolites, nous limiterons-nous aux lieux et œuvres que nous avons pu voir personnellement et photographier. C’est le cas du château de Terre-Neuve (à Fontenay-le-Comte, en Vendée), et ce fut le cas de la cathédrale d’Amiens que nous avons évoqué dans un précédent article, intitulé Le feu de roue.

L’édifice en lui-même, construit en 1584, vaut le détour. Son musée et les salles accessibles au rez-de-chaussée (les propriétaires actuels habitent à l’étage) contiennent de nombreux objets d’un grand intérêt. Simenon y habita entre 1940 et 1942 et y écrivit quelques romans (sa machine à écrire est exposée). Nous ne nous attarderons pas sur ce sujet, les lecteurs intéressés pouvant aisément trouver toutes les informations sur Wikipedia.

La cheminée monumentale que nous allons évoquer n’est pas originaire du château. Elle a été achetée en 1884 (ainsi qu’un superbe plafond en caissons) au château de Coulonges-sur-l’Autize et remontée à Terre-Neuve. Le démembrement du château de Coulonges est largement détaillé dans le livre de Fulcanelli et nous y renvoyons le lecteur.
Alors, lecteur, lectrice, vous vous dites (légitimement) pourquoi écrire un article sur cette cheminée si tout a déjà été commenté dans Les demeures philosophales.
Pour deux raisons. La première est que nous avons pu la photographier dans ses moindres détails. 
La seconde est que nos interprétations des symboles diffèrent parfois de celles proposées par l’auteur. Loin de nous l’idée de nous prétendre plus compétents en la matière que le renommé Fulcanelli, mais cette cheminée est si étrange, si baroque, que son interprétation reste largement ouverte, certains historiens n’y voyant que les facéties d’un sculpteur, d’autres de simples symboles maçonniques !

Pour qui connaît l’alchimie, il paraît difficile de douter que cette cheminée n’y fasse pas référence tant les symboles sont nombreux.

Dans ce premier panneau, par exemple, on trouve au centre la rose, symbole de l’Œuvre. Elle est flanquée de deux coquilles en forme de bénitiers. Les bénitiers, communs à l’entrée des églises, ont quelquefois la forme du coquillage auquel leur nom fait référence, comme à l’église de Laboissière-en-Santerre. En alchimie, ils désignent une eau bénite bien particulière, celle qui agit sur la matière première dans le vase scellé ; en l’occurrence, il ne s’agit pas d’une eau, mais plutôt d’un acide, qui a souvent été identifié comme l’acide sulfurique.
En bas du panneau on voit une tête de vieillard grimaçant. Le vieillard, c’est le nom donné à la matière primitive, brute, telle qu’on la trouve dans la nature, celle sur laquelle il faut travailler au laboratoire. En haut, un visage d’enfant symbolise l’issue du processus, autrement dit, la transformation du vieillard en nouveau-né.
 

Ce panneau opposé de la cheminée montre en son centre un vase écailleux (la matière première l’est aussi) et les fruits du labeur de l’alchimiste, représentés sous la forme d’une gerbe. Le tout est cerné par le fameux feu de roue qu’un lion (symbole du Grand Œuvre) maintient solidement entre ses crocs.

Le panneau central est le plus énigmatique. Les deux gnomes monstrueux qui maintiennent fermement le feu de roue représentent les deux matières dont la conjonction permet d’obtenir la pierre philosophale. Ils se distinguent par des sortes de bonnets phrygiens, l’un écailleux (la matière première), l’autre strié (la matière active, ou l’acide que nous avons cité précédemment).

Sur un écu central apparaissent plusieurs symboles plus difficiles à interpréter.
Les trois étoiles font sans doute référence aux trois étapes de la cuisson alchimique et aux couleurs qui en résultent (voir notre article sur les couleurs en alchimie). Le I et le M sont peut-être les initiales des matières minérales nécessaires (M pour magnésie ?). Quant au chiffre quatre, très présent dans les traités, il signifie l’universalité de la démarche alchimique, au même titre que dans la Bible (Apocalypse).

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les autres éléments de cette cheminée, fascinante à bien des égards, en particulier sur les cariatides. 


Pour rester dans les limites d’une simple chronique, nous renvoyons le lecteur à l’ouvrage de Fulcanelli, Les demeures philosophales.

Les interprétations que nous avons données n’engagent que nous. Le lecteur averti en trouvera peut-être d’autres puisque l’alchimie – comme chacun sait – est un art hermétique, autrement dit secret. La démarche alchimique a une dimension psychologique qui a été très bien étudiée et analysée par Carl Gustav Jung dans de nombreux ouvrages (chez Albin Michel). Nous en avons exploité la dimension humaine dans notre roman, L’Œuvre au rouge, à découvrir aux éditions Code 9.


Pour aller plus loin

Quatrième de couverture

  Les auteurs tracent les destinées croisées d'alchimistes et de médecins liés par le feu, cet élément mystérieux source de vie et de destruction. Entre recherche de la pierre philosophale, manipulation génétique, pillage et pouvoir des sectes dans un univers humain d'après Apocalypse, les protagonistes de ce récit envoutant se trouvent confrontés à des défis qui mettent à rude épreuve leur résilience et leur humanité. 

    Des quatre éléments, le feu est le plus étrange. Foyer des fours d'alchimistes, étincelle des barillets d'armes, rayonnement destructeur du soleil, énergie vitale, il est le fil conducteur de ces histoires en miroir où les personnages, qui cherchent à l'apprivoiser, se retrouvent malmenés par les embûches, les jalousies et les conflits que le monde déchaîne autour d'eux. Réussiront-ils à parvenir au bout de leur quête dans un ultime défi dont, pour certains, dépend la survie même de l'espèce humaine ? Les hommes doivent s'unir, s'accepter. Mais, au bout du compte, ne resteront-ils pas toujours les mêmes, incapables de s'entendre et de s'entraider pour faire front ?

    Un ouvrage où un passé qui sonne vrai et un futur imaginé se télescopent, instillant l'idée que la nature humaine reste à tout jamais hantée par les mêmes interrogations. La vie vaut-elle la peine d'être vécue ? Quelle est notre place dans le monde qui nous a fait naître ? Un récit haletant, addictif, original dans sa forme, une fable, une quête du Graal où les interrogations sur soi sont doublées d'aventures qui laissent au lecteur peu de temps pour reprendre son souffle.

Le feu de roue

Les couleurs dans l'alchimie

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