22 décembre 2025

Chronique littéraire : Quitter Berlioz d’Emmanuel Flesch (éditions Calmann Lévy).

Résumé de l’éditeur
« Son visage possédait une beauté revêche, vaguement bohémienne, qui évoquait des barres de cité, des familles nombreuses et des halls enfumés, un mélange de ruse et de fatalité. »
Younes veut croire en sa dernière chance. À vingt-trois ans, il sort de prison. Sa libération anticipée est assortie d’un placement sous surveillance électronique : chaque soir, après le travail, il devra rentrer à Berlioz, la cité de son enfance.
Il reprend aussitôt du service comme coursier-moto chez Panam’Expres, où il s’apprête à revoir Serge, son meilleur ami.
Ils ont grandi sur la même dalle de béton. Ont fait ensemble les quatre cents coups. Et, malgré le fossé qui se creusait entre les communautés, ils sont restés fidèles l’un à l’autre.
Retrouvant tour à tour ses camarades de course, la frénésie parisienne, les périls du dernier kilomètre, Younes s’accroche à cette drôle de liberté, suspendue au joug de son bracelet électronique. Jusqu’au jour où l’amour frappe à sa porte.
Avec Quitter Berlioz, Emmanuel Flesch tisse une intrigue sociale haletante dans la France black-blanc-beur des années quatre-vingt-dix. Un roman grave et lumineux. Une ode à l’amitié.
Quitter Berlioz a été récompensé du Prix Georges Brassens 2025 (prix en partenariat avec la librairie Le Divan à Paris).

L’auteur

Après avoir exercé toutes sortes de métiers entre Paris et Marseille, Emmanuel Flesch enseigne l'histoire et la géographie dans un collège de Seine-Saint-Denis.

Notre chronique
Lorsque j’ai débuté la lecture de Quitter Berlioz, j’ai eu l’impression de remonter le temps (j’avais la vingtaine dans les années 1990). Le retour de Younes, ce jeune homme qui sort de prison avec un bracelet électronique, dans la cité où il a grandi, m’a interpelée : rien n'est enjolivé, rien ne semble exagéré. On sent que l’auteur connaît intimement ces lieux.
J’ai été particulièrement touchée par l’amitié entre Younes et Serge, forte, bancale, mais tenace. 
« Les semaines suivantes, au collège, une distance s’installe entre les deux garçons. Leur amitié est mise à mal par mille petites épreuves, que Serge vit comme autant de trahisons, Il faut se rendre à l’évidence, ce qui laissait tout le monde indifférent dans la cour de l’école commence à poser problème dans celle du collège : Younes est un Arabe, Serge un Blanc. Il y a des clans. Certes, on se mélange encore un peu, mais chaque fois dans des configurations contingentes, pour un match de foot, une heure de retenue, un service à la cantine. Alors, Younes se met à louvoyer. Serge reste son meilleur ami, ils continuent de se voir sur la dalle, dans la Zone, mais au collège, c’est un peu chacun sa vie. »
Leur lien, né sur le béton des années 90, porte le roman. Emmanuel Flesch rend cette relation lumineuse et douloureuse. Je pense qu’elle représente le fil ténu qui peut tirer quelqu’un hors de l’ornière.
« Son père ne cesse de lui répéter qu’il doit être fier de sa race. Youness n’a rien contre l’idée, mais à 13 ans, il aimerait quand même que son paternel avance deux ou trois arguments, parce que de son point de vue, les Arabes, c’est quand même ceux qui balaient les trottoirs et qui maniait le marteau-piqueur, ceux à qui on reproche les trois millions de chômeurs, ceux qui sentent la sueur en revenant du boulot. Jusqu’à preuve du contraire, songe-t-il avec amertume, les Français, ils ont quand même la meilleure part, et puis, qui est-ce qu’on ramasse dans la Zone, les yeux révulsés, une shooteuse à la saignée du coude ? »
J’ai aimé suivre leurs virées à travers Paris, entre adrénaline, camaraderie et fatigues accumulées. Boualem, Vanessa et les autres personnages donnent au récit une chaleur touchante, celle des rencontres qui aident à tenir debout, malgré tout...
Ce livre ne joue jamais la carte du pathos et c’est ce qui m’a le plus plu. Il avance avec sincérité. 
« La désillusion paraît moins douloureuse quand elle est partagée. »
Quitter Berlioz raconte un combat silencieux : celui qui permet de devenir autre chose que ce que le quartier, les erreurs, la famille dont on est issu et les circonstances ont décidé pour nous. Un très beau roman.

Pour aller plus loin
De l'autre côté de la vie de Fabrice Humbert

2 commentaires:

  1. cassier Isabelle22/12/2025 13:35

    L'enseignante, la professeure principale que je suis et l'être humain .. ne peuvent rester insensible à un tel article. Un livre à lire avec nos élèves pour ensuite engager une discussion sur ce que signifie l'inclusion, le vivre ensemble, l'acception de soi et des autres. Toutes ses valeurs ne sont pas une évidence . Pourtant, ce sont les bases d'une société démocratique solide.

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