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24 février 2022

Chronique littéraire : Les Embrouillaminis de Pierre Raufast (Aux Forges de Vulcain).

Présentation de l’éditeur 
« Aussi, en ce jour d’avril, quand cette voiture se gara en face du portail, j’étais collé contre la vitre, à observer le destin du monde. Deux personnes en descendirent, les visites commençaient. Cela remonte à loin et quand j’évoque ce passé, une brume enrobe mes souvenirs, l’essentiel est là, mais les détails m’échappent. Je ne me souviens plus du temps qu’il faisait ce matin-là. Je crois me souvenir qu’il faisait beau. » S’il faisait beau, c’est une première histoire qui commence. Mais, si ça se trouve, il pleuvait. C’est une autre histoire qui commence. Pourtant, il n’y a qu’une histoire, qu’une vie, celle de Lorenzo, un jeune homme. Comme chacun d’entre nous, sa vie est une suite de choix. Quelles études faire ? Où vivre ? Avec qui vivre ? Dans ce roman existentiel, mélancolique, inventif et émouvant, Pierre Raufast vous invite à vous perdre, comme son héros, dans la fantastique impossibilité de maîtriser nos choix et nos vies, dont pourtant nous rêvons de faire des destins. 

L'auteur
Pierre Raufast est né à Marseille en 1973. Il est ingénieur diplômé de l'École des Mines de Nancy. Il vit et travaille à Clermont-Ferrand. Son premier roman, La Fractale des raviolis, publié aux éditions Alma, obtient le prix Jeune mousquetaire, le prix de la Bastide et le prix "Talents Cultura" 2014. En 2015, La variante chilienne est dans la sélection du prix du roman Fnac. Les embrouillaminis est son sixième roman. 

Notre chronique 
Un roman à la fois tendre et touchant, qui nous parle de destins, bien sûr, mais qui nous fait également voyager et rêver (comme tous les ouvrages de Pierre Raufast).

Dès l’incipit, le ton est donné :
« Nous habitions au numéro 10 de la rue. Mon père, professeur d’histoire-géographie, était né à Toulon. Ma mère, d’origine madrilène, enseignait l’espagnol.
Je n’ai jamais trop compris comment ils s’étaient rencontrés. Quand je leur posais la question, ils se regardaient d’un air complice et me sortaient toujours une version différente. »
Un protagoniste, aussi jeune qu’inexpérimenté, dont nous suivons les péripéties au gré de nos choix, de ses choix… Qu’est-ce qui nous pousse à sélectionner telle ou telle voie, à garder telle ou telle option ? Quelles sont les conséquences possibles et innombrables de chacune de nos multiples vies potentielles ? Qui sommes-nous et que serions-nous si nous avions pris d’autres chemins ?
« [...] j’avais hérité de mon père cette passion pour les mondes hypothétiques. J’étais le cancre de Prévert qui alimente ses rêveries par l’oiseau de son cœur. »
« Je pressentis que cette année d’interlude pouvait m’ouvrir des perspectives inédites ; le train déraillerait pour m’emmener de l’autre côté du miroir. » (telle Alice).
Choisir, c’est aussi grandir, accepter d’abandonner la toute-puissance que ressent, paraît-il, le très jeune enfant. On pense d’ailleurs à ce jeu, enchevêtrement de lignes, pelote emmêlée : il faut en suivre une seule, soigneusement, pour en trouver le dessin qui sautera aux yeux, on peut même parler ici de dessein puisqu’il s’agit de destinées...
L’auteur, en quelque sorte, s’y refuse et se livre, dans un style époustouflant, à un questionnement hautement philosophique. Pourquoi aller ici plutôt que là. Pourquoi devenir ceci plutôt que cela. D’ailleurs son personnage, comme le suggère la multiplication des silhouettes sur la couverture, quel Lorenzo aurait-il pu être ? Anonyme ou célèbre, en tant que rappeur, écrivain, philosophe, acteur ? Librettiste, Seigneur de Florence, orfèvre, pilote de moto, peintre ?
Réflexion sur la littérature, exploit littéraire étourdissant, non sans rappeler les problématiques des oulipiens, d’un Italo Calvino, des « livres dont vous êtes le héros » ou d’une excellente bande dessinée Si seulement de Rodolphe et Lounis Chabane – tout un programme – ce livre se lit avec une merveilleuse sensation de vertige.
« Existe-t-il un paradis pour les personnages de fiction oubliés ? Une sorte de Champs Élysée où flotteraient les âmes vertueuses faites de lettres et de sueur ? À moins que nos bibliothèques ne soient qu’un vaste cimetière où reposent éternellement ces chimères littéraires. »
Opter. Décider. Tourner à telle ou telle bifurcation. Tel ou tel embranchement. Avec des conséquences incalculables, comme dans ces ouvrages de science-fiction où une modification même infime du passé a un impact vertigineux...
Un ouvrage qui, en outre, nous replonge quelques pages durant dans La variante chilienne qui nous avait enchantés.
N’hésitez pas, prenez tout !

Pour aller plus loin
  

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Gabriel et Marie-Hélène.