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17 mars 2025

Chronique littéraire : Dors ton sommeil de brute de Carole Martinez (Gallimard).


Résumé de l'éditeur
« Un long hurlement, celui d’une foule d’enfants, secoue la planète. Dans les villes, le Cri passe à travers les murs, se faufile dans les canalisations, jaillit sous les planchers, court dans les couloirs des tours où les familles dorment les unes au-dessus des autres, le Cri se répand dans les rues. »
Un rêve collectif court à la vitesse de la rotation terrestre. Il touche tous les enfants du monde à mesure que la nuit avance.
Les nuits de la planète seront désormais marquées par l’apparition de désordres nouveaux, comme si les esprits de la nature tentaient de communiquer avec l’humanité à travers les songes des enfants.
Eva a fui son mari et s’est coupée du monde. Dans l’espace sauvage où elle s’est réfugiée avec sa fille Lucie, elle est déterminée à se battre contre ce qui menace son enfant durant son sommeil sur une Terre qui semble basculer.
Comment lutter contre la nuit et les cauchemars d’une fillette ?

Notre chronique
Dors ton sommeil de brute de Carole Martinez est le premier ouvrage que je lis de cette auteure. Quelle découverte ! 
Dors ton sommeil de brute est en effet un conte onirique fascinant, comme je les aime tant, dans lequel poésie et merveilleux se mêlent à une réflexion sur l’écologie, l’amour et la folie des hommes. Lorsque le cri déchirant des enfants parcourt la planète à la vitesse de la rotation terrestre, le lecteur plonge dans un univers dans lequel rêves et réalité s’entrelacent dangereusement. Ces rêves collectifs, symboles d’une nature en colère, sont un cri d’alarme, une ultime tentative de communiquer avec une humanité qui vacille au bord de l’abîme.

Dans le refuge sauvage de la Camargue, Éva, neurologue spécialiste des rêves, tente de protéger sa fille Lucie d’un père violent. 
Je souffrais de son indépendance au lieu de m’en réjouir. Le plus souvent, elle menait sa vie sans moi et j’avais la sensation de disparaître. Je la surprenais parfois alors qu’elle parlait en secret à la terre. À quatre pattes sur le sol, elle enfonçait ses doigts dans la boue, creusait des petits trous qu’elle emplissait de murmures, de mots d’amour et de questions avant de les renfermer, elle lançait des phrases dans le vent aussi qui les emportait où bon lui semblait, les disséminant comme graines. Elle devenait perméable à tout, sensible au moindre froissement d’ailes ou de feuilles, attentive aux bruits d’insectes, aux vols des oiseaux, aux traces, aux pierres, les poissons eux-mêmes remontaient en surface, attirés par son reflet sur l’eau. Elle avait de longs tête-à-tête avec l’étang ou les arbres, elle leur causait.
Pourtant, quand je me remémorais ma propre enfance, je me souvenais de m’être imaginé des facultés inouïes. Il n’y avait pas de quoi s’alarmer si ma fille parlait aux bêtes et aux éléments, c’était le propre de l’enfance de faire ce genre de choses et d’y croire. Elle s’ensauvageait avec bonheur. Pourquoi voudrais-je l’en priver ?
Si sa joie ma paraissait suspecte, c’était que j’avais perdu ma capacité d’émerveillement. Il me fallait réenchanter le monde pour être à l’unisson.
Leur rencontre avec Serge, un voisin solitaire au passé lourd, apporte un éclat d’humanité et d’amour dans ce monde en dérive. 
C’est si doux cette femme penchée sur son enfant. Une œuvre d’art.
Mais la beauté fragile de ces liens est mise à rude épreuve par les fléaux surnaturels qui s’abattent sur la planète, échos modernes des plaies bibliques.
Toujours nous détruisons nos humbles paradis. Nous sommes des étranges bêtes, vraiment ! Pourquoi faut-il que nous semions des ombres partout où nous passons, alors que nous aimons tant la beauté ?
Carole Martinez s’intéresse aux thèmes du deuil et de la résilience, au rapport de l’homme à la Terre. Entre cauchemar et éveil, l’amour, sous toutes ses formes, transcende les blessures et invite le lecteur à espérer. Un récit déconcertant et lumineux, qui laisse une empreinte durable dans l’esprit du lecteur. Je le recommande vivement !

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Gabriel et Marie-Hélène.