C'est l'histoire d'un père qui élève seul ses deux fils. Les années passent, et les enfants grandissent. Ils choisissent ce qui a de l'importance à leurs yeux, ceux qu'ils sont en train de devenir. Ils agissent comme des hommes. Et pourtant, ce ne sont encore que des gosses. C'est une histoire de famille et de convictions, de choix et de sentiments ébranlés, une plongée dans le cœur de trois hommes.
Laurent Petitmangin, dans ce premier roman fulgurant, dénoue avec une sensibilité et une finesse infinies le fil des destinées d'hommes en devenir.
Ce livre est récompensé par le prix Stanislas 2020.
Notre chronique
Un premier roman sur le deuil, la transmission, la perte de repères dans un monde qui n’a plus de sens pour des jeunes en pleine construction. Ce qu’il faut de nuit est l’histoire de la chute libre de Fus, jeune homme perdu à la suite du décès de sa mère, qui s’accroche à des soutiens et militants actifs de Marine Le Pen. Le père de Fus ne le soutient pas, lui qui a toujours été de gauche. Il le désavoue et refuse même de lui parler, mais un jour tout bascule… Les liens parentaux seront-ils assez forts pour que ce père accablé soit à la hauteur du drame qui peut-être aurait pu être évité ?
« Quand je regarde Fus jouer, je me dis qu’il n’y a pas d’autre vie, pas de vie sur cette vie. Il y a ce moment avec les cris des gens, le bruit des crampons qui de collent et se décollent de l’herbe, le coéquipier qui râle, qu’on ne trouve pas assez tôt, pas assez en profondeur, cette rage gueulée à fond de gorge quand ils marquent ou prennent le premier but. Un moment où il n’y a rien à faire pour moi, un des seuls instants qui me restent avec Fus. Un moment que je ne céderais pour rien au monde, que j’attends au loin dans la semaine. Un moment qui ne m’apporte rien d’autre que d’être là, qui ne résout rien, rien du tout. »
Peut-on tout accepter de ses enfants ? On ne les met pas au monde pour qu’ils marchent dans nos pas, mais comment accepter de bonne grâce qu’ils aillent à l’opposé ? Ils se construisent dans la conformité ou dans l’opposition : choix alimentaires ou préférences sexuelles, exils délibérés, conduites à risque, rejet de la voie tracée dans les études ou le travail, et, aux extrêmes, dérives sectaires et engagements catastrophiques : tout est bon pour faire sécession et affirmer sa nouvelle identité, avec ou sans révolte affichée d’ailleurs. Une nouvelle identité, c’est bien ce que Fus essaie de recomposer (lui qui peut dire « je fus... mais cela est bien fini ») après la disparition de sa mère, pivot de son existence. (Faut-il voir en Marine Le Pen une nouvelle figure maternelle qui fait désormais défaut ?) Dans un repositionnement par rapport au père, moins fort dans son chagrin, et une certaine rivalité vis-à-vis du petit frère (par ailleurs indéfectible allié) plus conforme à ce qu’on attend de lui.
« Comment on se résignait à ce que son fils soit de l’autre côté. Pas chez Macron, mais chez les pires salauds. Les potes des négationnistes, des ordures. Fus était calme, presque content que cette explication arrive. Il assumait. Un vrai Témoin de Jéhovah vers, perfusé de conneries, avec de nouvelles certitudes, qui restait aimable. J’avais honte. Désormais on allait devoir vivre avec ça (...). »
Peut-on renier ses enfants, les déshériter, les maudire ? La malédiction paternelle, ce n’est pas rien, dans l’histoire comme dans la littérature. « Tu n’es plus mon fils »… quelle sentence terrible ! Ou libératrice ? On voit bien que pour ce père meurtri, honteux, bafoué, fâché, qui se sent trahi dans ses valeurs et son affection, la tentation est grande, lui dont le fils a basculé dans le camp des « salauds ». Lui qui se demande aussi quelle est sa part de responsabilité
Mais, à l’heure de la tragédie, l’amour sera-t-il le plus fort. Ce père pourra-t-il essayer de comprendre, d’accompagner, de soutenir, de défendre, de pardonner ? Le rôle de tout parent, au fond, coûte que coûte… Le protagoniste balaiera-t-il ses réticences et se rangera-t-il, finalement, aux côtés de son garçon ? À vous de le découvrir en lisant de magnifique roman !
Qui sont les vrais responsables ? Qu’est-ce qui pousse un adolescent, un jeune adulte, à la rupture avec son entourage ? À s’agglomérer à un groupe, pourvu qu’on lui fasse oublier ses fragilités et ses errances avec un ancrage solide, un fort sentiment d’appartenance ? Une raison d’être ? Et quand la spirale de la violence a commencé, qui sont les coupables ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles l’auteur tente de répondre en filigrane. Des réponses intéressantes, pas forcément celles que l’on attend. Une analyse fine, un roman fort, sans pathos, sans manichéisme, malgré les thématiques, une écriture pudique et sobre, qui nous pousse à réfléchir et nous poser des questions sur le fonctionnement de la société et de tout être qui cherche sa place, en quête de reconnaissance et de compréhension de son existence.
« Est-ce qu’on est toujours responsable de ce qui nous arrive ? Je ne me posais pas la question pour lui, mais pour moi. Je ne pensais pas mériter tout ça, mais peut-être que c’était une vue de l’esprit, peut-être que je méritais bel et bien tout ce qui m’arrivait et ce que je n’avais pas fait et que je n’avais pas fait ce qu’il fallait. »
Un chef-d’œuvre d’humanité.
Pour aller plus loin
Chronique du syndrome des cœurs brisés (à venir)
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