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07 février 2025

Chronique jeunesse : La Tête Haute de Paul Bruard (Éditions Ex Æquo).


Description de l'éditeur
Je dois gagner.
J’ai tellement rêvé de ce moment que mes jambes en tremblent. Bien sûr, ce n’est qu’une course. Mais pour moi c’est tellement plus. Le cross du collège, c’est ma réponse au harcèlement que je subis depuis deux ans… Je veux battre la bande des Mousquetaires de la terreur, et leur montrer que je suis capable de ne plus avoir peur. Arriver en premier pour me relever, et continuer à espérer que les choses peuvent s’arranger.
Rester debout, exister.
Et garder la Tête Haute.
C’est parti…
Notre chronique 
Un texte puissant, nécessaire, qui nous plonge au cœur du harcèlement scolaire avec une justesse bouleversante. 
« J’ai déjà vécu cette scène-là. À l’époque où j’étais encore insouciant. Quand ma vie n’était pas polluée par les moqueries gratuites et blessantes. On m’appelait, je me retournais. Point. »
Un sujet qui me touche d’autant plus que j’enseigne et que c’est l’une de mes priorités : essayer de repérer des jeunes en souffrance.
« Je me suis parfois demandé d’où lui venait son inspiration. Mais lorsque je lui pose la question, sa réponse est toujours la même. 
— Il faut avoir vécu des choses. Quand on raconte des histoires, c’est qu’on a des trucs à dire… Des trucs… Il faut croire que je ne comprendrai jamais rien aux écrivains. Parce que des choses, j’en ai vécu. Des belles et des douloureuses. Mais rassembler tout ça pour en faire un roman, c’est une autre histoire ! »
Dorian subit, encaisse, tente d’alerter, mais se heurte à un mur : les adultes doutent, remettent en question son propre comportement, ne l’écoutent pas ou pas vraiment… Alors, il décide que sa réponse sera un exploit : remporter le cross du collège. 
« Opposer une réussite personnelle à une attaque blessante. Leur montrer que je suis imperméable désormais à ce qu’ils me font subir. Je suis seul contre eux, mais beaucoup plus fort qu’il y a quelques mois. »
Courir, se dépasser, dépasser tous les autres, en particulier ceux qui l’humilient et le battent chaque jour, prouver qu’il existe, qu’il vaut quelque chose… Et surtout, comme son père le lui a conseillé quand il a un peu abordé le sujet : garder la tête haute.
Le roman alterne entre ses pensées, vives et intenses, son entraînement pour le cross, et les scènes de son quotidien, cruelles d’authenticité. 
« Ce jour-là, et pour la première fois de ma vie, je me sentis sale. Et honteux. Tellement honteux devant ma famille qui croyait en moi et ignorait tout de mon quotidien. Honteux devant l’ado que j’étais, incapable de répondre à ces actes odieux. »
Les brimades sont insidieuses, parfois brutales, toujours marquées par cette mécanique implacable du groupe : les témoins se taisent pour mieux s’éloigner, pour ne pas devenir de nouvelles victimes de ces caïds autoproclamés. Paul Bruard décrit avec une finesse remarquable ce glissement progressif de l’isolement vers l’invisibilité. La douleur ne se dit plus, mais s’accumule…
La volonté de Dorian de transcender le regard des autres rappelle le héros de Wonder de R.J. Palacio.
Il est soutenu par son amie, Charlotte, qui le soutient (et je n’en dirai pas plus pour ne pas « gâcher » votre lecture)...
« Je voudrais lui crier que seule Charlotte est ma bouée dans cet océan de méchanceté et d’indifférence. »
Mais La Tête Haute va au-delà du récit de résilience : il met en lumière le poids du silence, la complexité des réactions adultes, et cette injustice latente qui rend parfois la vérité insaisissable. 
Un roman nécessaire, porté par une écriture vive et une émotion à fleur de peau. À lire et à partager. Une lecture qui devrait trouver sa place entre toutes les mains pour comprendre, ressentir et, je l’espère, agir. 
« Après tout, ça ne se remarque pas un enfant qui mange seul tous les jours… Il se faisait insulter, rouer de coups, mépriser ? C’est si dur à voir ? Non, en réalité, le plus facile consiste à rire, ou à dire qu’il réagit mal. On ne participe pas, mais on fait en sorte que les brutes nous laissent tranquilles. Tant pis pour le reste. Et le reste, c’est moi. »
Merci Paul ! 
Je conclurai avec une citation de ce superbe ouvrage : 
« Prenez une feuille, et froissez-la autant de fois que vous subissez des moqueries et de la violence. Puis dépliez-la. Vous pourrez tout tenter pour lui faire reprendre sa forme normale, jamais vous n’y parviendrez. Les fêlures restent. Et il faut apprendre à vivre avec. Les mots font mal, autant que les gestes. Ils laissent des traces que même le temps a parfois du mal à effacer. Ce détail, les professeurs ne l’apprennent pas en formation. Il est pourtant tellement important. Tout autant que de savoir trouver la bonne réponse. »
Pour aller plus loin

2 commentaires:

  1. Paul Bruard09/02/2025 06:52

    Un immense merci pour ces mots qui me touchent en plein cœur…

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    1. Avec un immense plaisir ! Merci encore pour ce superbe ouvrage !

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Gabriel et Marie-Hélène.