03 avril 2020

Honoré et moi de Titiou Lecoq (L'Iconoclaste).

Grand Prix des Lectrices Elle - Février 2020. Catégorie document.
À dire vrai, je ne me souvenais de Balzac qu’à travers Les Chouans, que j’avais lu à quinze ans, puis Le Père Goriot, La Peau de chagrin et Eugénie Grandet.
Évidemment, tout cela fait une culture balzacienne plutôt limitée. C’est donc, quasiment vierge de toute connaissance (et de préjugés) que j’ai attaqué la biographie de Titiou Lecoq.
Des biographies du grand homme, j’imagine qu’il en existe déjà des quantités. Alors, pourquoi en écrire une énième ?
Eh bien, c’est tout simplement parce que toute biographie n’est qu’une vision, celle de celui (ou de celle) qui l’écrit !
La vie d’un homme (en l’occurrence), pas plus que l’Histoire en général, ne peuvent être rapportés fidèlement. C’est la fameuse subjectivité de l’historien.
Loin d’en faire un handicap, Titiou Lecoq assume dès le départ cette subjectivité, car elle aime Honoré. Point final. N’est-elle pas allée porter des fleurs sur sa tombe au Père-Lachaise ? Ne s’est-elle pas recueillie dans les maisons qu’il a fréquentées (même celles qui n’existent plus !). On imagine qu’elle aurait sans doute acheté des meubles qui lui appartenaient de son vivant si elle avait réussi à en dénicher !
Cette biographie est donc avant tout affective, et c’est ce qui fait sa valeur. Les émotions que l’auteure ressent dans le petit cabinet de travail d’Honoré, le seul endroit authentique qui subsiste de nos jours, sont particulièrement touchantes.
Mais Titiou Lecoq n’est pas non plus aveuglée par cet amour post mortem, et elle garde toute sa lucidité pour décrire les qualités et les défauts de l’homme. Qualités gigantesques, défauts gigantesques à l’instar de l’écrivain, bâti comme un taureau, forçat de l’écriture, mais aussi corps et esprit fragiles, doutant toujours, comme tout artiste authentique.
Dans sa volonté de montrer les travers d’une société qu’il a côtoyée à tous les niveaux, Balzac décrit les femmes pour la première fois dans la littérature. Non pas des stéréotypes de femmes. Mais de vraies femmes.
Cet aspect de l’œuvre a été particulièrement mis en avant par Titiou Lecoq, et si l’on ne peut pas dire que Balzac était féministe avant l’heure, il faut lui reconnaître ce mérite (qu’on lui a reproché à l’époque) d’avoir présenté les femmes sans a priori, avec une richesse et un respect inédits.
Par ailleurs, Balzac réussit et échoue. Cette ambivalence est toute sa vie. C’est qu’il est prodigue dans tous les domaines, y compris les dépenses !
La fin de cet essai est particulièrement émouvante, car Titiou Lecoq, restant fidèle à ses choix, dérive vers sa vie personnelle. Elle dit :
« Pour ma part il y a fort à parier que finir ce livre provoquera une nouvelle dépression. Mais j’y ai appris l’importance fondamentale de vivre au milieu des livres, d’écouter des voix de morts, qui me parlent si intimement. »

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Gabriel et Marie-Hélène.