La quatrième de couverture
« Ils ont toujours prononcé mon prénom comme si j’étais
espagnol. Ils disaient « Ron ». Pas une fois ils ne se sont demandé d’où venait
ce prénom. Jon, c’est le diminutif de Jonathan. Jonathan, c’est un prénom juif.
Je suis juif. Ma mère était juive. Grand-père était juif. »
Mais cet héritage-là, Jon n'en veut pas. Il ne veut pas de
cette douleur qui lui vient du passé. Il donnerait tant pour que ne retombe pas
sur ses épaules cette mission absurde que lui a assignée son grand père, aux
derniers souffles de sa vie. Il voudrait vivre comme tous les autres jeunes de
son âge. Comme la petite Marie, comme Gilles. La vie est si douce avec eux.
Mais peut-il continuer comme avant, comme s'il ne savait pas ?
Notre chronique
Un livre très bien écrit, tel que nous les aimons : fin,
délicat et tout en nuance lexicale.
Un suspense créé en partie par le mode d'écriture : cinq
personnages - une famille - sont narrateurs et construisent le récit, progressivement. Une
histoire de vengeance dans un contexte cruel. Ou comment s'en sortir et faire
ou non les bons choix pendant la guerre, dans des moments où tous les repères,
la morale et beaucoup de notions perdent, malheureusement, de leur sens.
L'ironie dramatique, qui résulte de l'absence d'un narrateur
omniscient, permet au lecteur de mieux comprendre les différents personnages
ainsi que leurs motivations.
Un texte très fort que l'on doit découvrir et non révéler
dans une chronique...
Un ouvrage qui ne cède pas à la facilité, qui rend compte
d'une réalité mouvante, contradictoire et dure, sans jamais tomber dans le
pathos.
Un très grand livre !
Biographie imagée
On devrait laisser écrire
sa biographie par les autres. Ce serait beaucoup plus simple. Une hagiographie,
ce serait parfait. Mais peut-être trop long finalement. Le mieux, que j’essaye
de résumer et de conclure par quelques flashs sur des périodes ponctuelles. Par
contre, je vous préviens, je suis bavard. Le résumé est une chose qui me fait
souffrir. Ou alors, se contenter des faits. Rien que les faits en reconnaissant
toutefois que les sélectionner serait déjà sortir de la pure objectivité
factuelle. Par exemple :
- Je m’appelle Philippe
Henry (Henry, c’est le nom de famille. Les gens confondent souvent). Je suis né
le 26 janvier 1950 à Paris dans le 10ème…. Et déjà, les problèmes commencent !
Jusqu’à 16 ou 17 ans, je croyais être né le 25 janvier. C’était le jour
anniversaire de ma mère. Dans la famille, on avait regroupé. Vous voyez, déjà
je parle de ma mère. Est-ce bien logique ? Ah aussi, j’ai vu sur la photocopie
de l’extrait de naissance, c’est ma grand-mère qui est allée à la mairie me
déclarer. J’ai vu sa signature. Pas normal non ? Que faisait-il mon père le 25
ou 26 janvier 1950 ? En plus, à cause de cette grand-mère, j’ai eu les cheveux
longs entre un et deux ans. Que voulez-vous, elle voulait tellement une petite
fille… A mon avis, cela laisse forcément des traces... Mais, faut-il vraiment
que je vous parle de ma grand-mère ? Je
ne sais plus. Revenons-en aux faits :
- J’ai été scolarisé très
tôt. Du coup, lorsque mes parents ont déménagé, on m’a fait rentrer à 4 ans en
11ème. J’étais en avance sur le programme. J’en savais trop. En même temps,
sans me le rappeler vraiment, je pense que je n’étais pas tout à fait en phase
avec mes petits camarades. D’ailleurs, dans la cour de l’école, rue Boileau, je
demandais souvent aux autres « On est le matin ou l’après-midi ? ». Pas normal
non ? Forcément, j’ai redoublé ma sixième. A cet âge-là, je lisais beaucoup. Je
me souviens, allongé sur mon lit, en Normandie, cet énorme livre des Misérables
!
Fantastique. J’avais le virus. Après, rien (enfin voyez quand même la
rubrique des flashs à la fin de la bio…) Pas grand-chose de marquant en tout
cas jusqu’au bac et la fac. Nanterre en 1967, cela ne vous dit rien ? Eh oui,
j’ai suivi ma licence de lettres dans le berceau de la révolte étudiante. Bon,
mais les évènements de 68, je les ai surtout écoutés à la radio.
- Dans ma famille, on
était besogneux. Ma mère - toujours elle - s’esquintait à faire vivre la
famille à défaut de voir mon père rapporter de quoi faire bouillir la marmite.
Quant à moi, très jeune et jusqu’au moment où j’ai cessé mes études, je passais
mes étés à gagner de l’argent. Pour arrondir mon argent de poche au début, et
m’acheter à peu près ce que je voulais par la suite. J’ai exercé un nombre
conséquent de petits métiers. Du Prévert ! J’ai gagné pas mal de sous
d’ailleurs. Mais évidemment, je passais beaucoup plus de temps à travailler
qu’à me faire des copains. Cette fois-ci, le problème n’était pas que j’étais
trop jeune, mais que je travaillais et pas les autres.
- Comme le goût à
travailler et gagner sa vie tout seul laisse des traces, à peine ma licence de
lettres modernes obtenue, je me suis précipité dans la recherche d’un vrai
travail. Je me serais bien vu enseignant mais ma grand-mère (encore elle)
m’avait dit un jour en me montrant de beaux immeubles « Tu vois, pour habiter
là, il faut que tu travailles beaucoup ». Alors, je voulais arriver à gagner
plein d’argent. C’est comme cela que je suis très vite entré dans une banque.
(Je note au passage que c’est principalement pour gagner de l’argent et se
payer un logement que Céline a écrit Voyage au bout de la nuit. Évidemment,
tout cela est sans rapport)
- Ma jeunesse m’a suivi
tout au long de ma carrière dans cette banque. Le plus jeune gradé de Paris, le
plus jeune cadre, etc… Un jour, je suis allé dire aux gens de la DRH que j’en
avais assez que l’on me demande de prendre mon mal en patience. D’accord, mon
tour viendrait, mais est-ce que l’on ne pouvait pas essayer tout de suite ? Évidemment non. On est en France. Alors j’ai changé de banque, et cela a plutôt
bien réussi. Bref, j’ai eu la chance d’aimer mon travail et d’y très bien
gagner ma vie. Au passage, je me suis
marié et j’ai eu deux enfants. Il me semblait que j’avais atteint le summum.
- Bien plus tard, vers 50
ans, j’ai gagné pas mal d’argent en bourse. C’était l’époque de la bulle
internet. Elle était tellement grosse que j’ai vendu un mois avant qu’elle
explose. Je me suis fait quelque chose qui n’était pas très éloigné de la
fortune. Cela m’a semblé être une position suffisamment assise pour dire à un
nouveau patron (vous le retrouverez dans un de mes livres… devinette) que je
refusais de travailler avec lui. On m’appréciait beaucoup dans ce groupe
bancaire. Ils ont hésité, et puis quand même non, on ne désavoue pas un haut cadre
que l’on vient de recruter et avec qui on fait des parties de golf. On m’a
viré, et on m’a redonné encore de l’argent. Je n’ai jamais eu besoin de
reprendre le travail, sans pour autant vivre dans l’opulence. C’est vers cet
âge-là aussi que j’ai commencé d’écrire des vrais livres (enfin, ils étaient
vrais selon moi. Comme ils n’avaient pas de lecteurs, personne ne m’a
détrompé).
- Et donc maintenant je
fais pas mal de choses. D’abord, nous avons beaucoup voyagé. Avec les enfants
au début et puis après avec mon épouse. Nous ne sommes pas allés partout, mais
quand même beaucoup d’endroits. Nous sommes souvent revenus plusieurs fois à
certains endroits. Viet Nam, USA, Venise. Comment ne pas revenir souvent à
Venise ?
Après avoir passé notre
vie à Paris ou à proximité, nous nous sommes installés au pays basque, entre
mer, piémont et Espagne. Entre autres, j’écris et je lis. Je relis beaucoup.
Des grands « classiques ». Enfin mes classiques à moi : Céline, Proust, Woolf,
Duras, Faulkner, Montherlant… Rien que des morts. Parfois quand même un livre
récent qu’on me demande de lire. Au fond je ne regrette pas souvent. Récemment,
ce qui m’a le plus plu c’est un recueil de nouvelles : L’enfant fou, de Brian
Merrant. Et puis Corps et âme, à cause de la musique.
Pour ce qui est de
l’écriture, j’ai un problème : j’écris des choses très différentes. Mon
lectorat, si j’en ai un un jour risque de se perdre.
Le plus souvent, c’est
assez sérieux. Des romans psychologiques, avec pas mal d’empathie pour mes
personnages. Et peut-être un fond de sensibilité trop marqué (peut-être à cause
de cette histoire de queue de cheval entre 1 et 2 ans ?) Et puis quelques
romans « policiers ». Je mets des guillemets parce que je parle parfois de tout
et de rien dans mes histoires. Enfin bref, j’essaye un peu tous les genres,
parce que je suis du genre curieux.
Accessoirement, j’écris
des romans déjantés, avec pas mal d’absurde. Pour vous dire le premier était
une histoire qui se passait à Paris en 2020 et où intervenaient des inconnus et
aussi François 1er et Céline. C’est complètement délirant mais moi, que
voulez-vous, cela me fait rire et me détend.
Ce capharnaüm, cela fait
un peu brouillon mais que voulez-vous, je déteste l’idée de me spécialiser.
Quelques flashs…
- Vers quinze ans, un
monsieur aux cheveux gris, vêtu d’une pelisse de cachemire, tout droit sur son
cheval, me demande, à moi qui viens de me faire embarquer sur une piste du
champ de course avec un cheval dont je m’occupais en tant que lad « A qui
appartenez-vous jeune homme ?». Le ton était sec. On aurait pu croire que
c’était Louis XV qui m’interrogeait. Non, lui, c’était le baron de Rothschild.
- Vers la même époque,
une dame délicieuse m’avait progressivement rempli un saladier de billets de 10
francs en guise de pourboire pour emmener sa toute petite fille se balader à
cheval en longe sur la plage. Bon, le fait que quelques années plus tard cette
gentille maman avait dû faire pas mal d’années de prison pour avoir fait
assassiner son gendre ne pouvait pas me poser de problèmes. A l’époque, je ne
voyais que mon saladier qui se remplissait, se remplissait…
- Une année plus tard, le
président Senghor à qui je venais de servir un Schweppes me donne un billet de
500 francs (à l’époque c’était des francs) en guise de pourboire. Il ajoute
sans rigoler : J’espère que cela ira, je n’ai jamais rien compris à l’argent
français…
- Et puis quoi encore...
? Ah oui, toujours vers cet âge-là, il a fallu que je porte ma grand-mère dans
un ascenseur, avec l’aide d’un ambulancier, pour la ramener chez elle. Un
détail : elle était morte depuis déjà quelques heures…
- Juin 1970, je n’ose pas
dire à la banque qui veut m’embaucher que je sortais de la fac. Ce que je
voulais, c’était me mettre au travail. Alors je postulais pour n’importe quel
poste. Les études, cela aurait fait curieux. Ils ont voulu me recruter sur une
dictée. J’avais quand même une licence en lettres… J’ai fait volontairement
quelques fautes. Il faut ce qu’il faut (en fait, j’en fais encore aujourd'hui…).
Ils ont bien voulu de moi mais c’est une autre banque qui m’a pris. Cela a duré
10 ans. A celle-là, j’avais dit la vérité. Enfin pas tout. J’ai menti sur mon
service militaire. Quand il a fallu partir, comme j’avais travaillé avec un
certain acharnement, j’étais déjà cadre d’un niveau très correct. Là-bas, ils
sont tombés des nues. Ils n’avaient jamais vu cela. Heureusement, tout s’est
terminé à l’hôpital Percy dans le pavillon des malades mentaux. Mon service a
dû durer une petite semaine. Un secret : en fait, je ne suis pas si fou que
cela.
- Plus tard, dans la
banque où je travaillais, je me permets devant un public d’une centaine de
personnes rabaisser le caquet à un monsieur qui avait été directeur du trésor,
secrétaire général de l'Élysée et d’autres choses encore que je ne vous dirai
pas. Je crois qu’il a fait « Oups ». Vers cette époque-là, j’ai indirectement
participé, mais en tout cas parfaitement compris un petit montage financier qui
avait permis à une grande famille d’industriels de ramener en France une partie
de sa fortune. L’ingénierie financière, c’est beau comme de la poésie !
- Cela est absolument
sans rapport avec le fait qu’on ait retrouvé celui qui fut mon patron pendant
10 ans dans une forêt près de Paris avec une balle dans la tête. Ce sont, après
tout, des choses qui arrivent.
Il y a sûrement d’autres
choses, mais là, cela ne me vient pas. Et puis, il ne faut pas exagérer. Tout
le monde a eu des petites aventures dans sa vie.
Interview de l'auteur
Quand avez-vous commencé à écrire ?
Assez jeune. Fin d’adolescence sans doute, comme beaucoup de gens qui
ont aimé lire. C’est comme un truc que l’on attrape sans doute. J’ai écrit des
poèmes bien sûr au début. Puis des nouvelles. Je crois que j’ai cessé lorsque
je suis entré dans le monde du travail. J’ai dû mettre beaucoup d’énergie pour
sortir de la masse. Mais cela a été payant. J’ai pu reprendre un peu l’écriture
une fois ma carrière et ma famille bien en place. J’avais appris étant jeune
que la précarité, même relative, même seulement crainte, gâchait un peu la vie.
Quelles sont vos principales sources d’inspiration ?
A présent je suis retraité, j’écoute beaucoup. Je regarde, je
m’intéresse un peu à tout. Je suis généraliste et fier de l’être. (Pas de
méprise, je ne suis pas médecin). Donc, j’y vois un rapport, je suis très curieux des choses et des
gens. Alors mes sources sont sans doute multiples. Je préserve aussi
pas mal de temps pour « rien ». C’est-à-dire que mes pensées se baladent pour
que parfois me vienne une idée. Il en sortira quelque chose ou pas. Et puis ça
continue, ça tourne. Parfois j’avance un peu plus, mais je peux laisser tomber.
Si elle vaut quelque chose cette idée, elle finira bien par ressortir. Cela se
modèle doucement dans ma tête, comme un vin qui se bonifie au fond de la cave
sans que l’on s’en aperçoive.
Pour les sources, je dois préciser toutefois que j’ai deux « profils ».
L’un a écrit des choses comme le Legs.
L’autre des choses bizarres, un peu loufoques ou saugrenues. Je dis
déjantées quand j’en parle. Alors ce profil-là s’inspire plutôt de l’actualité
et de la politique.
Une lecture fondatrice ?
Vraiment fondatrice, c’était très jeune, en Normandie, un énorme et
vieil exemplaire des Misérables. Après il y a eu le coup de foudre pour Le voyage au bout de la nuit.
Exercez-vous une autre profession ?
L’écriture n’est pas pour moi une profession. Mais elle est plus qu’un
simple loisir. Je suis à présent retraité dans le sud-ouest. Ma vie
professionnelle s’est faite à Paris où Je travaillais dans le secteur bancaire.
Donc pas d’autre profession, mais d’autres loisirs, oui.
Quels sont vos meilleurs souvenirs d’auteur ?
Déjà, je répugne à me qualifier d’auteur. J’écris c’est vrai et même
beaucoup, mais Le Legs sera mon premier roman édité par « un vrai éditeur ». Le
reste, que j’aime pourtant parfois beaucoup, est paru en auto-édition faute
d’avoir rencontré l’intérêt des maisons d’édition. Est-on vraiment un auteur si
on est peu lu ? Vaste débat.
Mais si on admet le terme d’auteur, je pense que mes meilleurs
souvenirs sont les moments où l’écriture devient trop lente pour le rythme de
la pensée. Tout s’emballe, l’histoire vous entraîne, les personnages vous
jouent des tours. Et puis il y a aussi lorsque
je considère avoir mené à bien un roman. On se dit « ça y est, je l’ai
terminé et franchement, à moi, il me plaît bien ».
Quel a été votre plus grand bonheur littéraire ?
La découverte de L.F. Céline et celle de M.Proust. Bon après j’ai
d’autres tendresses : V. Woolf, M. Duras,
H. Montherlant, W. Faulkner, et puis Russel Banks, J. Irving… et puis quand même
pas mal d’autres. Tous morts.
Quels sont vos projets d’écriture ?
D’abord mes perspectives : outre Le Legs, Les éditions Nouvelle
Bibliothèque vont publier, en juin prochain, La montre à complications. Un
policier. Peut-être un peu spécial, parce que j’aime bien parler d’un peu tout,
mais un policier quand même. Ou à peu près.
Et puis pour l’avenir j’ai terminé deux « choses ». La première n’a pas
pour l’instant séduit de maison d’édition. C’est dommage, je l’apprécie
beaucoup sans doute parce que j’ai eu beaucoup de plaisir à l’écrire. Cela
s’appelle La théorie des flaques. La seconde « circule » dans plusieurs
endroits… On verra bien. Cela s’appelle Le cri, une allusion à E. Munch.
Enfin, j’ai bien sûr quelque chose en route. Comme je le disais, j’écris
beaucoup.
Un mot de la fin ?
Faire passer à des lecteurs inconnus deux ou trois heures émouvantes ou
joyeuses, selon le livre, voilà ce qui m’intéresse.
Pour aller plus loin
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* Amer Noir : le jour où j'ai tué Staline
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