18 décembre 2018

Chronique jeunesse : Ukiak de Marie-Hélène Lafond (Editions Nouvelle Bibliothèque Jeunesse).

Quatrième de couverture
Ukiak est un jeune chien de traîneau qui n’a jamais connu que son petit bout de bush d’Alaska. Alors quand Amaguq, son maître inuit, l’emmène avec ses compagnons Sam et Will rejoindre la ville de Nome...
Qui aurait pu imaginer qu’il allait traverser la moitié du globe pour venir prêter main-forte aux soldats français engagés dans la Grande Guerre ?

L’histoire de... l’histoire d’Ukiak
Je savais que les chiens avaient été très souvent utilisés par l’armée dans le cadre du conflit.
À l'instar des chiens policiers ou des chiens de sauvetage, les chiens militaires étaient sollicités dans différentes circonstances, comme chien de garde, estafette, ou même « aide-soignant ».
J’en ai entendu parler pour la première fois sur Radio France dans l’émission des régions qui passait le samedi matin. C’était à l’occasion de la commémoration de l’arrivée des chiens de traîneau d’Alaska sur le Front des Vosges, le 15 décembre 1915, par le Souvenir Français, le club de chiens de traîneaux Nanook de Bischwiller et le Musée Serret de Saint-Amarin près de Thann.
J’ai tout de suite su qu’il fallait que je raconte cette histoire. C’était si extraordinaire. Rendez-vous compte : faire traverser presque la moitié de la planète à des chiens de traîneaux. Quand on y pense, c’est fantastique, compte tenu des moyens de l’époque.

J’ai fait pas mal de recherches sur Internet, j’ai visionné des films, des vidéos ; j’ai cherché à savoir qui étaient les instigateurs de cette mission qui pour moi semblait quasiment impossible pour l’époque.
Une fois prête, je me suis lancée dans l’écriture. Mais je ne souhaitais pas écrire un énième récit de guerre (surtout en cette période de centenaire de la Première Guerre Mondiale). Ce qui m’avait fasciné, c’était cet extraordinaire voyage. Et tout de suite, il m’a semblé évident de l’écrire à travers les yeux d’un chien. Dans quelle galère je m’embarquais… Je me lance parfois des défis, et celui-ci j’aillais le relever !
Souvent j’ai douté, surtout au début, avec le premier chapitre, que j’ai recommencé quand je me suis rendu compte que si je me contentais de ne parler que des sentiments et des impressions d’Ukiak, j’allais dans le mur. Alors j’ai eu l’idée d’inventer le personnage de Bill, le soigneur. Je dois avouer, qu’il m’a grandement facilité la tâche !
J’ai eu aussi beaucoup de doutes en écrivant le chapitre concernant la guerre proprement dite. Je n’avais pas trouvé de récits ou de témoignages de mushers français. Alors j’ai extrapolé avec ceux des soldats qui s’étaient retrouvés sur le front des Vosges.

Le point de départ de ce récit est le prologue. Je l’avais en moi, au fonds de mes tripes. Si je n’avais pas réussi à l’écrire, je pense que ce roman n’aurait jamais vu le jour.

EXTRAIT : Prologue
C’est l’heure. Je le sens au plus profond de moi.
Je suis couché juste contre l’âtre. Le feu ronflant arrive à peine à réchauffer mes vieux os, mais au moins ils ne me font plus souffrir.
Dans ma courte existence, j’ai connu de bons moments, et des mauvais aussi. Dans l’ensemble j’ai eu une belle vie. Je ne regrette rien. Enfin pas tout à fait.
Je regrette les courses endiablées dans la neige. Rien ne pourra remplacer cette sensation de puissance quand je menais le traîneau, imperturbable. J’adorais les bruits feutrés, les premiers flocons qui chatouillaient mon museau, le moelleux de la poudreuse sous les pattes. Même au plus fort de la tempête, j’aimais les rafales de grésil cinglantes, le froid, le vent glacial ; la couche de neige était si profonde que je m’y enfonçais jusqu’au ventre, m’obligeant à avancer par bond…
Je ne regrette pas le sifflement des bombes au-dessus du traîneau, les cris des mushers affolés, et encore moins le bruit des obus qui explosaient tout autour de nous. Je ne souhaite plus me rappeler l’odeur de la poudre, de la peur, de la mort. Les hommes parlent souvent d’un endroit horrible qu’ils appellent enfer et je suis certain que nous y étions.
Je repense à tous mes compagnons d’aventure qui ne sont pas revenus : Durst et Anoky, mes « swing dogs », Chanouk le malamute, mon compagnon d’infortune sur le SS Pomeranien. Et aussi, Dubby, Sam, Will... Il y en a tant eu que je n’arrive pas à tous me les rappeler.

Jeannette est là. Elle s’est assise à côté de moi et a posé délicatement ma tête sur ses genoux. Sans dire un mot. Il n’y a d’ailleurs jamais eu besoin de beaucoup de mots entre nous. Que j’ai aimé, non que j’aime, cette enfant, qui menait son monde par le bout du nez. Et moi par le bout de mon museau… Je lui suis si reconnaissant pour tous ces instants magiques, cette grande complicité qui nous lie tous les deux.

Maintenant, je peux partir serein…
Notre chronique
Un roman jeunesse historique, des chiens, un narrateur-chien, des aventures, un voyage et la guerre, accompagnée de toutes ses souffrances. Ce roman offre aux jeunes et moins jeunes une vision très juste et évocatrice de la grande guerre tout en utilisant le filtre de la vision d’Ukiak, ce qui permet de ne pas être traumatisant pour un jeune public.
Les aventures d’Ukiak permettent de mieux comprendre un épisode méconnu de la Grande Guerre, une mission secrète : l’idée d’utiliser des chiens de traîneau d’Alaska pour ravitailler les soldats de la « ligne bleue des Vosges », le massif des Vosges étant considéré comme hautement stratégique. Ainsi pendant des mois 430 chiens d’Alaska ravitaillent en vivres et armes des troupes isolées puis au retour évacuent les blessés.
Ce livre se lit très bien lorsque l’on est adulte aussi et permet de faire découvrir l’Histoire à l’aide d’une histoire fabuleuse et très touchante.
Ukiak partage son vécu avec ses capacités et intérêts de chien. Son dévouement, son expérience font de cette histoire un magnifique hommage à ces animaux fidèles qui ont soutenu nos soldats pendant la guerre et à tous ceux qui ont combattu pour la liberté.
La postface et les annexes sont composées des faits historiques, d’un point sur les personnages fictifs et authentiques.
Un bien beau cadeau à offrir à de jeunes curieux !

Interview de Marie-Hélène





Quand avez-vous commencé à écrire ?
Mes premières velléités d’écriture remontent certainement à l’été de mes 14 ans. Mais à l’époque j’avais une orthographe déplorable (ça s’est amélioré avec le temps mais pas tant que ça !) et du coup je ne me sentais pas « légitime » à devenir auteur. Alors j’ai continué à lire.
Et je suis devenue maman. Et tous les soirs, j'invitais une histoire à dormir pour mes deux fils aînés, que j'enrichissais à chaque fois. Aussi un jour, je me suis dit qu’il fallait que je la retranscrive sinon je risquais de l’oublier. Et c’est comme cela que tout a commencé. Ce devait être en 1985-1986. Et depuis je n’ai quasiment jamais arrêté d’écrire.

Quelles sont vos principales sources d’inspiration ?
Un mot, une image, un son, une couleur. Tout est source potentielle d’inspiration. Je puise mon inspiration dans ce que je lis, les émissions que j’entends à la radio, des sujets qui me révoltent ou qui m’émeuvent. Mon inspiration me vient de mes 4 sens, du monde qui m’entoure.
Je ne sais jamais d’où elle va surgir, ni ce que cela va donner…

Pourquoi des ouvrages pour enfants ?  
Je ne me suis jamais vraiment posé la question. Écrire pour les enfants était au départ une évidence. J’y ai trouvé, au fil de mes écrits, une liberté de style et de forme qui me convient tout particulièrement. Cependant ces derniers mois, je me suis sentie un peu à l’étroit d’écrire des albums et des contes. Peut-être trop de contraintes liées au genre (longueur des textes, concision des phrases…). Je me suis donc essayée à des histoires plus longues, au roman. Mais pas des romans trop longs. Des romans courts, pour les lecteurs débutants ou en difficulté, âgés de 8 à 12 ans. Des romans dans l’ensemble assez structuré, avec des chapitres de longueur égale. Alors que dans mes albums j’ai une prédilection pour l’imagination et l’humour, dans mes romans, j’aborde plutôt des récits de vie, des problèmes qui touchent directement mes lecteurs dans leur vie quotidienne : le harcèlement scolaire, la malbouffe, les relations intergénérationnelles, la maltraitance animale ou encore des faits historiques.

Une lecture fondatrice ?
J’aurais envie de dire « Qu’est-ce qu’une lecture fondatrice ? ». Parce que toutes mes lectures sont des lectures fondatrices, quel que soit le genre ou le sujet que je lise.

Exercez-vous une autre profession ? Si oui, comment gérez-vous les deux ?
À la ville je suis webmaster pour un laboratoire de recherche en botanique et biologie végétale. Mon activité d’auteur (je n’aime pas le mot autrice) à mes moments perdus. En règle générale, comme ce sont deux activités créatrices, cela ne me pose pas de problèmes de concilier les deux. Sauf peut-être quand j’ai un nouveau projet de site internet, où je n’arrive plus à écrire : toute ma créativité est au service de ce nouveau site

Êtes-vous en train d’écrire un nouvel ouvrage ?
Je n’ai pas encore véritablement commencé à l’écrire, parce qu’il faut que je fasse pas mal de recherches. Mais oui je tiens mon prochain sujet, un sujet qui à nouveau me tient terriblement à cœur.
Quel a été votre plus grand bonheur littéraire ?

« La chevauchée de Yellowstone » de Jean-Claude Berrier. Le premier livre que j’ai lu en entier, toute seule. Je m’en rappelle comme si c’était hier.

Un mot de la fin ?
Je ne suis pas très douée pour les fins ; il paraît que très souvent je les bâcle…



Un grand merci à Marie-Hélène Lafond et aux Éditions Nouvelle Bibliothèque Jeunesse

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