
Photographie de Gabriel Erhart, Musée des Beaux-Arts de Limoges.
Sur cette magnifique peinture du Moyen Empire, on peut voir trois gracieuses musiciennes, l’une joue de la harpe, la seconde du rabâb et la troisième de la flûte double (ou aulos chez les Grecs).
On peut en conclure qu’il y a quatre mille ans la musique était déjà très élaborée, même si l’on n’a aucune idée de ce que pouvait donner cet art puisqu’il n’existe malheureusement pas de partition.
À partir de là une question se pose : de la musique ou de la langue, laquelle est née en premier ?
Même si une forte incertitude demeurera toujours faute de preuves, les spécialistes penchent plutôt pour l’antériorité de la musique.
Pourquoi ?
Pour une raison bien simple : la musique existe à l’état naturel et ce sont les oiseaux qui en sont les créateurs.
Le grand compositeur Olivier Messiaen l’avait bien compris, lui qui a passé sa vie à étudier les chants des oiseaux et qui a composé Le Réveil des oiseaux, une œuvre entièrement élaborée à partir des gazouillis qui nous enchantent au fil de nos promenades. Il faut noter également qu’on retrouve dans les chants des oiseaux des intervalles et des hauteurs de sons qui ont été tout bonnement répliqués dans la musique humaine.
Pour autant, et pour en revenir à notre sujet, quels sont les rapports entre musique et langue ?
Cette question mériterait un livre entier et non pas un bref article !
Essayons donc brièvement, nous qui avons modestement pratiqué musique et écriture, d’y voir plus clair.
Une première évidence apparaît. La musique a très souvent été associée à la parole : chansons, opéras, mélismes grégoriens, cantates, oratorios, psalmodies, etc. La liste est infinie. Ce qui prouve leur indéniable parenté.
Par ailleurs, la langue peut se définir comme une organisation de mots et la musique comme une organisation de sons. Si les mots ont le sens pour finalité, les sons, eux, ont l’émotion. Pourtant, les mots ne sont-ils pas eux aussi porteurs d’émotions ? Et les langues n’ont-elles pas leur propre musicalité, étant répertoriées en fonction de leurs fréquences, la musique n’étant elle-même qu’un assemblage de fréquences différentes ?
Plus on étudie ces deux modes d’expression, langue et musique, plus on est frappé par l’abondance de points communs.
Dans les définitions sommaires que nous avons présentées revient le mot organisation. Ce mot est important, car l’organisation est constitutive de la langue et de la musique. Mettez des mots ou des notes dans n’importe quel ordre, vous n’aurez plus ni langue ni musique cohérente.
On parle d’ailleurs souvent de phrase musicale. C’est une preuve supplémentaire de la ressemblance troublante entre ces deux langages. De plus, si l’on étudie de près la construction d’un texte et la construction d’une œuvre musicale, on peut rapidement faire de multiples rapprochements. Les Variations Goldberg de Bach ne sont-elles pas construites comme un standard de jazz, et un standard de jazz n’est-il pas construit comme un roman avec prologue, développement, épilogue ?
Les livres ont des chapitres, les sonates des mouvements.
Est-il besoin d’ajouter que la musique répond à des règles équivalentes à celles de la langue ?
La musique se conjugue puisqu’elle a un lexique, des synonymes, des formes, des ellipses, des répétitions, des modes, des abréviations, des ornements, etc. Ces conjugaisons sont nommées différemment, mais elles sont sœurs des conjugaisons grammaticales.
Ainsi, une symphonie évolue-t-elle à l’instar d’un récit. Les instrumentistes dialoguent comme des personnages. La musique, comme le roman, n’est qu’un découpage du temps, même si le temps de la narration n’est pas corseté comme le temps musical, art de l’instant, art fugitif par excellence.
La musique n’embrasse que des heures quand le roman peut s’étendre sur une période indéfinie…
Bien des éléments communs animent la dramaturgie d’un roman et d’une œuvre musicale !
Les répertorier nous entraînerait trop loin et serait trop technique. Ceux que le sujet passionne pourront lire avec intérêt le livre de Daniel Barenboim La musique éveille le temps et se plonger dans notre ouvrage, Dissonances, qui est une réflexion romanesque sur les effets psychologiques, parfois pervers, de la musique.
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Gabriel et Marie-Hélène.