16 juillet 2025

Chronique littéraire : Moi qui n'ai pas connu les hommes - Nouvelle édition de Jacqueline Harpman (éditions Stock/version Audiolib).

Description de l'éditeur
Elles sont quarante, enfermées dans une cave, sous la surveillance de gardiens impassibles. La plus jeune - la narratrice – n’a jamais vécu ailleurs. Si les autres femmes ne se rappellent pas comment elles sont arrivées là et n’ont aucune notion du temps, il leur reste un vague souvenir de leur vie d’avant, qu’elles lui transmettent. 
Mystérieusement libérées de leur geôle, elles entreprennent une longue errance à la recherche d’autres humains – ou d’une explication – sur une terre désertée.
On a pu parler de Franz Kafka, de Paul Auster ou de Dino Buzzati au sujet de cette oeuvre à la fois cauchemardesque et implacable, singulière et bouleversante. Trente ans après sa première publication en France, Moi qui n’ai pas connu les hommes, véritable best-seller outre-Manche et outre-Atlantique, en cours de traduction dans vingt-sept langues, est en passe de devenir le livre de chevet de toute une génération.

Notre chronique
Quel bonheur d’écouter Moi qui n’ai pas connu les hommes, lu magistralement !
Ce texte m’a bouleversée. Il nous touche forcément, car, comme la protagoniste, nous nous posons des questions sur ce monde dans lequel elle vit. Moi qui n’ai pas connu les hommes est une œuvre singulière qui, sous ses apparences de fable dystopique, nous pousse à réfléchir sur la condition humaine. 
Quarante femmes sont enfermées dans une cave, surveillées par des geôliers silencieux, dans un monde dont nul ne connaît la nature ni les règles. La narratrice, la plus jeune de ces femmes, qu’elles appellent « La petite », n’a pas connu l’extérieur (en tout cas, elle était trop jeune pour se souvenir de quoi que ce soit) ni les hommes dont parlent ses compagnes d’infortune. Lorsque la porte de leur prison s’ouvre sans explication, alors qu’une sirène retentit, commence l’errance de ces femmes dans un univers complètement déserté. Que s’est-il passé lorsqu’on les a enfermées ? (Elles pensent avoir été droguées, elles ne se souviennent de presque rien.) Pourquoi ? Dans quel but les maintenir en vie dans une cave ? 
Ce roman m’a rappelé Le Procès de Kafka pour ce goût de l’absurde et de l’arbitraire et The Handmaid’s Tale de Margaret Atwood pour la réflexion sur l’enfermement et la domination masculine. Mais, le texte de Jacqueline Harpman se distingue surtout par son humanisme. C’est un roman féministe, mais c’est surtout un cri, une méditation sur le temps, la mémoire et ce qui constitue le socle de notre humanité. Le lecteur traverse avec la narratrice ce monde muet, dépouillé de toute présence humaine, dans lequel seule l’imagination permet de survivre. 
« Elle ne comprenait pas qu’on ait envie d’un savoir dont on n’aura aucun usage et je ne pus rien tirer d’elle. »
Savoir, c’est pouvoir, apprend-elle dès les premières pages, et cette quête de connaissance est pour « la petite » une manière de reconquérir un peu de terrain sur l’inconnu. 
« Savoir, c’est pouvoir, ce dont la narratrice se souviendra tout au long du roman. Dans ce monde uniforme marqué par le silence et l’absence, sa quête d’informations devient une boussole, une façon de reprendre le dessus, de gagner du terrain sur l’ennemi invisible qui les a condamnées, elle et les autres femmes, à ce destin indéchiffrable. »
À l’heure où notre monde est traversé par des crises, ce roman nous rappelle que la littérature, même sous les apparences les plus sombres, reste un espace de résistance et d’humanité.
« Cette fascination pour les utopies ratées, les rêves ayant viré au cauchemar, en dit long sur l’état actuel du monde, sur notre besoin d’imaginer d’autres possibles, sur la puissance de l’écriture. »
Vous l’avez compris : je ne peux que vous inviter à découvrir ou redécouvrir ce texte déroutant.

Pour aller plus loin
Et le désert disparaîtra de Marie Pavlenko (Flammarion Jeunesse).
Océan, Hélène Valentin, Éditions Cybellune.
De l'âme de François Cheng (Albin Michel).

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