Schubert, Impromptus,
Maria Joao Pires, Deutsche Grammophon.
La
pluie du Nord tombait par saccades lourdes et denses. Maryse ouvrit rapidement
son parapluie, mais il se retourna sous le vent. Rageusement, elle le replia
sans attacher le velcro. Au même moment, un bus la croisa et lui envoya une
gerbe boueuse, achevant d’assombrir son humeur. Et puis, il y avait ce bouton
de fièvre découvert à son lever dans le miroir de la salle de bain. Bien
visible. Pour une première enquête, ça commençait bien, songea-t-elle en
franchissant le portail du conservatoire. Bien sûr, elle s’était préparée à ce
retour, et malgré elle, les souvenirs la submergèrent dès son entrée dans les
locaux vétustes : les cours de formation musicale, les gammes au piano, la
chorale braillarde, les examens où, seule, désespérément seule, plantée devant
un jury las et inattentif, elle devait exprimer quelque chose, dont le sens lui
avait toujours échappé… Pourquoi avait-il fallu que son père fasse de la
musique et qu’il veuille à tout prix perpétuer la tradition ? Après tout, il n’avait rien fait de ses années d’études, à part écouter en boucle les quatuors de
Beethoven qu’elle détestait. Surtout le cor. Il y a des
instruments dont on ne supporte pas le timbre. C’est viscéral.
Elle
se faufila sous le cordon jaune. Une secrétaire vêtue comme une retraitée
l’accueillit en fronçant les sourcils :
— C’est
vous le lieutenant ?
— En effet, répondit-elle, sans s’étendre sur les évolutions de la police.
Elle saturait de ce genre de débat. Les femmes prenaient leur place partout, y compris dans l’armée, et elle trouvait cela juste. Point final.
— Où
est le cadavre ?
— Suivez-moi,
répondit la secrétaire, en sursautant à l’énoncé du mot cadavre.
Elle entra dans un bureau conforme à l’esthétique de l’administration : armoires métalliques, bureau en particules, chaises à roulettes usagées.
Le
directeur reposait, avachi sur son bureau, dans une attitude éminemment
contraire à la dignité de sa fonction.
— Je
l’ai trouvé comme ça, ce matin, dit la secrétaire, en s’excusant presque.
— C’est
comment votre nom ?
— Liugi,
répondit la secrétaire, qui se mit au garde-à-vous, pressentant
l’interrogatoire.
— Bon, asseyez-vous, suggéra Maryse. Vous n’auriez pas un peu de café, s’il vous plaît ?
Madame Liugi s’approcha d’une cafetière électrique rehaussée d’un filtre en plastique. Ce geste accompli chaque matin la déconcerta avec un mort pour convive.
— Je
vais peut-être la nettoyer ? dit-elle en hésitant.
— Je
pense que ça vaut mieux ! répondit la jeune femme sans ironie.
Les
gars du labo avaient, une heure auparavant, décelé de la strychnine dans le
café.
Pour aller plus loin
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