Présentation de l'éditeur
Et si la vie n'était qu'un songe ? Et si les nuages, les oiseaux, la Terre et les autres hommes n'étaient que visions de notre esprit ? À Paris, dans une salle du sous-sol de la Bibliothèque nationale, un chercheur découvre par hasard l'existence d'un excentrique, Gaspard Languenhaert, qui soutint cette philosophie « égoïste » dans les salons du xviiie siècle. Intrigué, il abandonne ses travaux et part à la recherche de ce penseur singulier.
Mystérieusement, toutes les pistes tournent court. Conspiration ? Malédiction ? Sur les traces de Languenhaert et de ses disciples, de Paris à Amsterdam, c'est peut-être et surtout au fond de lui-même que notre chercheur enquête, emportant avec lui le lecteur dans des vertiges hallucinants.
Notre chronique
La Secte des Égoïstes d’Éric-Emmanuel Schmitt est une fable brillante sur les méandres de l’esprit humain. À travers la quête d’un chercheur obsédé par l’étrange philosophie de Gaspard Languenhaert, l’auteur interroge notre rapport au réel et joue avec les limites du rationnel. Nous plongeons très vite dans l’absurde.
« ÉGOÏSME (terme de philosophie) : On appelle égoïste l’homme qui croit que lui seul existe au monde, le reste n’étant que songe. [...] il y eut, à Paris, au début de ce siècle, un homme qui associa son nom à cette absurdité, un certain Gaspard Languenhaert, originaire de la république de Hollande. Il était si beau, dit-on, et si bien tourné que les femmes seules eussent suffi à assurer son succès à Paris, mais la philosophie était sa vraie maîtresse et il voulut s’illustrer par une doctrine. Teinté de philosophie anglaise, assez pour saisir les problèmes, trop peu pour les résoudre, il partait de quelques remarques acceptables, dont il tirait des conséquences invraisemblables. Ainsi, disait-il, soit que je m’élève jusque dans les nues, soit que je descende dans les abîmes, je ne sors point de moi-même, et ce n’est jamais que ma propre pensée que j’aperçois. Donc, le monde n’existe pas en soi, mais en moi. Donc, la vie n’est que mon rêve. Donc, je suis à moi seul toute la réalité… »
Un humour cinglant et un texte qui rappelle la critique acerbe de l’aristocratie, ridiculisée, que l’on retrouve dans À la recherche du temps perdu. En effet, le roman nous transporte dans les salons du XVIIIe siècle où se mêlent mondanité et pensées « profondes ». Languenhaert, philosophe aussi charmant qu’excentrique, défend l’idée que le monde n’existe que dans son esprit. Si ses théories absurdes lui valent d’abord les faveurs des salons parisiens, il sombre rapidement dans l’oubli.
« Ainsi allait-il par les salons, recherchant une compagnie nombreuse pour proclamer qu’il était seul au monde, poursuivant ses interlocuteurs pour leur expliquer qu’ils n’existaient pas, soutenant, le verre à la main, que la matière était une hypothèse inutile, parlant, pérorant, argumentant, attaché aux pas de tous les mondains pour affirmer que lui seul était assuré d’être, et que la survie de l’univers demeurait accrochée à son bon vouloir. »
« [...] on s’amusa de ses discours, il devint, le temps d’une saison, l’original indispensable à tout salon. Mais le bon sens lui retira bientôt l’oreille que la curiosité lui avait prêtée. Son succès fut bref. On le soupçonna d’être sincère, c’est-à-dire fou, et les bons esprits le rejetèrent. »
On rit des dialogues ciselés et des situations absurdes où le sérieux des débats philosophiques côtoie un humour cinglant, digne du meilleur « nonsense » britannique.
Au-delà de son humour, La Secte des Égoïstes pose une question fondamentale : que reste-t-il lorsque l’on est seul au monde ? L’auteur reprend d’ailleurs la formule de Prospéro, dans La Tempête de Shakespeare :
« Le monde est-il fait de l’étoffe des rêves ? »
We are such stuff
As dreams are made on, and our little life
Is rounded with a sleep.
Extrait de La Tempête (Prospero)
Le récit alterne entre érudition et légèreté, et fait voyager le lecteur de Paris à Amsterdam, et peut-être aussi au fond de lui-même. Schmitt joue avec les codes littéraires, et s’amuse à brouiller la frontière entre réalité et fiction. Le chercheur, narrateur de l’histoire, semble peu à peu se fondre dans l’image même de Languenhaert, jusqu’à perdre de vue son propre rapport au réel.
La Secte des Égoïstes est un roman aussi brillant qu’original. Derrière l’humour et l’absurde se cache une réflexion sur le sens de la vie (un peu à la Monty Python, comme dans The Meaning of Life) et la place de l’individu dans le monde.
Un texte que je ne pouvais pas, en tant qu’enseignante de la
langue anglaise, ne pas apprécier !
Pour aller plus loin
Lorsque j'étais une œuvre d'art
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