Féru de grands espaces sauvages et de
montagne, Eric Tchijakoff écrit comme il parcourt la Scandinavie ou la Russie,
avec l'envie chevillée au corps de défricher des univers à chaque fois
différents. Ses histoires sont autant de parcours de vie(s) où il parvient à
associer l'épique et l'intime, à ciseler la forme sans rien sacrifier sur le
fond. Depuis les environs de Grenoble, cet écrivain déjà auteur de plusieurs
romans trouve constamment matière à se renouveler. Il le fait à travers un
imaginaire débridé tout en puisant dans le terreau fertile de ses nombreuses vies
passées.
Présentation de l’éditeur
Quand on a dix-sept ans, croiser le regard d'un bandit de grand chemin qui ne s'appelle pas encore Staline peut changer le cours de sa vie. Quand dans le même temps, on veut tout abandonner pour une fille qui prend la pose contre une poignée de Kopeks, on va au-devant de gros problèmes. L'épopée d'Anton Semenov commence dans le Tbilissi prérévolutionnaire de 1905 pour s'achever en 1920 sur un navire français mouillant en mer Noire. Du Caucase jusqu'à la Sibérie profonde, il ne va cesser de courir après ses propres chimères sans espoir de retour. Pendant le temps de cet exil intérieur, ce jeune homme bien né va devoir grandir vite, survivre en milieux hostiles, traverser vaille que vaille les prémices de la grande révolution pour enfin atteindre son but, le toucher en plein cœur. Si sous bien des aspects "Amer Noir" tient du Western slave, c'est aussi le récit intime d'une quête amoureuse qui abolit parfois les frontières de la raison.
Quand on a dix-sept ans, croiser le regard d'un bandit de grand chemin qui ne s'appelle pas encore Staline peut changer le cours de sa vie. Quand dans le même temps, on veut tout abandonner pour une fille qui prend la pose contre une poignée de Kopeks, on va au-devant de gros problèmes. L'épopée d'Anton Semenov commence dans le Tbilissi prérévolutionnaire de 1905 pour s'achever en 1920 sur un navire français mouillant en mer Noire. Du Caucase jusqu'à la Sibérie profonde, il ne va cesser de courir après ses propres chimères sans espoir de retour. Pendant le temps de cet exil intérieur, ce jeune homme bien né va devoir grandir vite, survivre en milieux hostiles, traverser vaille que vaille les prémices de la grande révolution pour enfin atteindre son but, le toucher en plein cœur. Si sous bien des aspects "Amer Noir" tient du Western slave, c'est aussi le récit intime d'une quête amoureuse qui abolit parfois les frontières de la raison.
Extrait
Elle s’est plantée contre la porte, enfin, suffisamment sur le côté pour ne pas entraver le départ précipité de son fils. Il lance un dernier coup d’œil circulaire qui ressemble plus à un adieu à sa chambre d’enfance qu’à un ultime pointage de ce qui pourrait lui manquer.- Mon fils bien-aimé.
Je le savais. J’ai toujours su que tu partirais.Il dévale l’escalier.Elle n’a pas bougé.- Dans ce cas, dis-toi simplement que le jour vient d’arriver, aujourd’hui, là, maintenant. Dis-toi que c’est le début de ma vie. Dis-toi aussi que j’ai quelque chose de noble à accomplir. Dis-toi tout cela et tu te sentiras mieux.Lui pense qu’il ne la reverra peut-être pas avant longtemps. Si longtemps qu'il en oubliera peut-être les contours de son visage. Il pourrait remonter l’escalier, lui prendre les mains dans ses mains, les baiser avec la dévotion d’un fils reconnaissant ; il pourrait tout au moins l’embrasser. Mais il sait aussi qu’en croisant son regard éperdu, elle défaillirait immanquablement à ses pieds, anéantissant à coup sûr cet élan du destin. Dans certaines circonstances, il est préférable de ne pas se retourner.
Notre chronique Une écriture fluide, un maniement subtil de la langue française. Voici l’histoire touchante d’un homme, Anton, qui se penche à la fin de sa vie sur ses souvenirs, plus ou moins imprécis :
« Qu’est-ce qu’il reste quand on commence à entrevoir le début de la fin ? »
Amer Noir est plus qu’un roman dépaysant. Il s’agit avant tout d’un bildungsroman, d’un voyage au cœur de soi-même à la recherche de ses limites. Un livre qui nous immerge dans une Russie dont nous, Occidentaux, ignorons tellement de choses, la Russie prérévolutionnaire… C’est la vision du petit père des peuples, dans sa jeunesse, lorsqu’on l’avait surnommé Koba et plus tard Staline, qui signifie « acier » en russe, à travers le regard du protagoniste, jeune homme bien implanté dans la bourgeoisie, milieu étouffant auquel il tente d’échapper par tous les moyens, pour suivre ses rêves. Don Quichotte d’une société archaïque, Anton, le héros / anti-héros, essaie de se réaliser. Son envie éperdue de ne pas mener une vie morne et insignifiante, quitte à tout perdre, est le point de départ de ses aventures. Les personnages sont tous intéressants car ils ne sont pas utilisés comme faire-valoir du personnage principal, qui tel un Dr Jekyll et Mr Hyde russe, évolue dans ce récit écrit comme une fable.
Ce texte nous rappelle subtilement le magic realism de Cent ans de Solitude. Un rythme mélancolique, un récit de vie et de mort, dévorant. Une véritable épopée qui restera longtemps gravée en nous, même si Staline est mort de sa belle mort…
« Qu’est-ce qu’il reste quand on commence à entrevoir le début de la fin ? »
Amer Noir est plus qu’un roman dépaysant. Il s’agit avant tout d’un bildungsroman, d’un voyage au cœur de soi-même à la recherche de ses limites. Un livre qui nous immerge dans une Russie dont nous, Occidentaux, ignorons tellement de choses, la Russie prérévolutionnaire… C’est la vision du petit père des peuples, dans sa jeunesse, lorsqu’on l’avait surnommé Koba et plus tard Staline, qui signifie « acier » en russe, à travers le regard du protagoniste, jeune homme bien implanté dans la bourgeoisie, milieu étouffant auquel il tente d’échapper par tous les moyens, pour suivre ses rêves. Don Quichotte d’une société archaïque, Anton, le héros / anti-héros, essaie de se réaliser. Son envie éperdue de ne pas mener une vie morne et insignifiante, quitte à tout perdre, est le point de départ de ses aventures. Les personnages sont tous intéressants car ils ne sont pas utilisés comme faire-valoir du personnage principal, qui tel un Dr Jekyll et Mr Hyde russe, évolue dans ce récit écrit comme une fable.
Ce texte nous rappelle subtilement le magic realism de Cent ans de Solitude. Un rythme mélancolique, un récit de vie et de mort, dévorant. Une véritable épopée qui restera longtemps gravée en nous, même si Staline est mort de sa belle mort…
Interview d'Éric
Marie-Hélène et Thierry, en préambule, je dois dire qu'en tant que lecteur,
je me moque bien de savoir si tel ou tel écrivain est un authentique sale type
ou Gandhi personnifié derrière son clavier. Je ne m'intéresse qu'au strict produit
de son travail. Par ailleurs, je n'aime pas ergoter sur ce que j'ai écrit pour
la simple raison que je ne me sens plus possesseur de mon "œuvre" dès
lors qu'elle est achevée. Je la livre aux éventuels lecteurs, libres à eux de
se l'approprier, d'entrer comme ils veulent dans ma danse ou d'en faire un pied
de lit si bon leur semble. Je me dé-livre en quelque sorte. Si bien qu'il
m'arrive parfois de ne plus être certain d'avoir écrit le roman dont il est
question.
Fin du préambule, début de l'interview (j'aime avoir le contrôle)
Quand as-tu commencé à écrire ?
En CP je crois. J'étais fasciné par le mot Képi qui illustrait la lettre K. Pour ce qui est des phrases et des chapitres, d'aussi loin que je me souvienne j'ai toujours eu en tête des épopées plus ou moins intimes qui restaient au stade fantasmatique. J'ai commencé à mettre tout ça noir sur blanc… je ne sais plus trop quand à vrai dire. Peut-être en sortant de la douche.
Quelles sont tes principales influences ?
Je réalise là que je n'aime pas ce mot, il me fiche la trouille à
vrai dire. Je n'ai pas de gourou, pas de maître à penser, pas de prêt-à-penser
non plus. J'en ai horreur, je remets tout en cause et moi le premier, j'ai
l'impression que ça m'évite d'être plus con que je ne le suis déjà. Il ne fait
pas de doute que j'ai été sous "influences", mais elles ont été
multiples, diffuses, mâchées, digérées, recrachés parfois, jamais gobées telles
quelles. Depuis que j'en ai le souvenir, j'ai la prétention de penser par
moi-même, bien ou mal, peu importe.
Quelles sont tes principales sources d’inspiration ?
La vie telle que je la perçois, celle que je m'applique à interpréter
à travers mes écrits. C'est un évènement intime, un ressassement, une anecdote
qui m'a marqué.
Pour Amer
Noir, c'est la vie telle qu'elle aurait pu être. On dit que l'on
écrit toujours le même livre. Pour ma part, c'est toujours l'histoire de la
rencontre entre l'infiniment grand et l'infiniment petit, le petit étant vous
et moi (les deux réunis, ça ne change pas grand-chose). C'est l'histoire de nos
actions, qui pour aussi futiles et inutiles qu'elles puissent être,
représentent l'essence de notre existence. Au fond, j'aime écrire l'homme
balloté par les évènements.
Une lecture fondatrice ?
Parmi mes lectures de jeunesse, je pourrais citer deux romans
marquants. L'Étranger pour le choc littéraire et humain. Camus a écrit la lucidité, la
désillusion, la distanciation par rapport au monde extérieur. Camus a dépeint
de manière inégalable ce qui me traversait à l'époque et qui continue de jalonner
ma vie.
Il y a aussi John Irving
avec son Monde selon Garp qui lui m'a affranchi d'une inhibition, celle
de l'écriture. À travers ce roman, j'ai compris que l'imagination n'était ni un
gros mot ni un vain mot. Je parle là d'une imagination en prise avec le réel,
la seule qui m'intéresse, celle qui touche à la véracité du propos, au
sentiment de véracité tout au moins. Lorsque le mensonge constitutif de
l'écrivain devient une vérité, une évidence, la partie a des chances d'être gagnée.
Tes romans préférés ?
Outre les deux déjà cités, il y a tout en haut, Crime
et châtiment. Sinon, en vrac et en oublis, j'ai à mon panthéon
personnel, La conquête du courage de Stephen Crane, magnifique roman
méconnu sur la guerre de Sécession vue à travers le regard d'un jeune conscrit.
La
garde Blanche de Boulgakov, Home de Toni Morrisson, la plupart
des Russell Banks et particulièrement De beaux lendemains. Il y aussi Je
m'en vais comme bien d'autres romans de Jean Echenoz, L'île
des rêves d'Hino Keizo et D'autres
vies que la mienne d'Emmanuel Carrère dont j'admire le style. Je pense
aussi à Seul le silence de R.J. Ellory, un thriller puissant qui est
parvenu à conquérir le non-aficionado du genre que je suis. Enfin, un vrai coup
de cœur qui n'est pas une fiction pour une fois, Wild Idea de Dan O'brien,
un bouquin extra, un récit qui pourrait réconcilier avec la vie si besoin était
(j'ai commis une chronique à ce propos sur mon blog).
As-tu des petites manies d’écrivain ?
Ce serait peut-être bien d'en avoir de réellement productives. Mon
habitude invariable : travailler dans le chaos et toujours dans le même
fauteuil.
Quels sont tes meilleurs souvenirs d’auteur ?
En général, lorsque j'écris ou pense le mot "fin", c'est
assez jouissif, c'est l'arrivée du marin à bon port après une longue et
passionnante traversée. Le reste n'est qu'une alternance de petits moments de
grâce parmi de longs moments de doutes. Dans tous les cas, une fois lancé,
j'écris malgré tout. C'est une planche de salut. Écrire quoiqu'il en soit, trois
mots qui claquent bien ou une page toute pourrie. La grâce, c'est lorsque ma petite
musique parvient à m'emporter avec elle. Le doute, c'est quand je bute
obstinément sur la partition, quand j'ai l'impression de marcher au bord d'un
gouffre créatif, là où le sens de mon histoire pourrait m'échapper.
Des parties de ce roman sont-elles autobiographiques ?
Contrairement à Super
Brat mon roman précédent, une fiction parsemée de détails
autobiographiques revisités où il était question d'un entraîneur de basket sur
le déclin, profession que j'ai autrefois exercée, on ne trouvera ici rien d'autobiographique.
D'ailleurs, je suis un peu trop jeune pour avoir pu tuer Staline. Dans Amer
Noir, je me suis consacré à l'autre,
à l'écrire ou plutôt le réinventer à partir de bribes de sa vie, d'une histoire
familiale pleine de vides que je me suis un jour promis de combler de la seule
manière que je connais, à travers un roman.
Un mot de la fin ?
Ne jamais écrire pour ne rien dire.
Photo de mon grand-père (assis avec la casquette) une des 3 photos qu'il existe de cette époque (1913 je pense). L'idée de base du roman était de réécrire, de réinventer son histoire à partir d'une anecdote incroyable qu'il avait confiée à mon père. C'était le chapitre d'ouverture du roman où les cosaques se jettent dans la mer noire sur leurs montures. A partir de là; j'ai déroulé une pelote imaginaire..
Pour aller plus loin quelques liens
Son blog : Les pages du TchiSa page Facebook
Versants & Lacs
Traîneaux Entraînants
Retrouvez les autres chroniques des ouvrages des Éditions Nouvelle Bibliothèque :
* Terminus
* So long, Alice
* Killarney 1976
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