Biographie
Interview
Quand avez-vous commencé à dessiner ?
Denis
Lelièvre, alias Pic, né à Paris en 1961, est un auteur de bandes dessinées,
illustrateur et sculpteur.
Début
1980, il fonde le groupe MIX MIX avec des amis du lycée du sud de Paris
François Villon : Zou (Nicolas Thuret), Bratt' (Philippe Leconte) et Ata π Pé?
(Jean-Marie Pêcheux).
Les
Mix Mix enchainent par un 30/40 éponyme chez FUTUROPOLIS, (époque Cestac et
Robial), puis par un Comix encarté dans Zoulou n°2 chez ACTUEL : Guedji, une
histoire d’Afrique de l'ouest.
Parisiens,
ils s'illustrent dans le Street Art et apparaissent dans les deux premiers
livres sur le sujet en France : Pochoirs à la Une, éd. Parallèles et Le Livre
du Graffiti de Denis Riout -1990 - éd. Alternatives.
Pic
publie un X chez Futuropolis : Une farce pour deux dindons puis un album de 45
tours de magie en bandes dessinées pour Spirou avec les personnages Pic et Zou,
chez Albin Michel Bandes Dessinées.
Il
participe à de multiples journaux, de Hara Kiri à Fripounet, comme du Psikopat
à France Football, en passant par les Allumés du Jazz... et à de nombreux
albums collectifs.
L'Asiathèque
lui confie l’illustration d’une Méthode de Chinois 2me niveau pour
l'enseignement universitaire.
Il
illustre quelques albums de la collection Mouche à l'École des Loisirs.
Il
aborde la sculpture mais exclusivement par la voie de l'objet utilitaire le
plus souvent d'inspiration BD ( et uniquement à but lucratif ;)
Il
a exposé dessins et sculptures au sein d’ART CITÉ et aux RDV d’ART chez
Christiane Peugeot.
Il
est l’auteur de plusieurs séries de badges pour différents éditeurs.
Il
monte sa propre marque de patchs brodés pour laquelle il édite aussi d’autres
auteurs de B.D.
Pic
rencontre l’auteur texan Gilbert Shelton avec qui il dessine à partir de 1992
six comix de la série Not Quite Dead, avec Géant Vert (traduits en français par
icelui, compilés en 4 tomes chez Tête Rock - Paris).
Il
en fait les mises en couleurs. À partir de ce moment, Gilbert Shelton le
bombarde coloriste de ses propres réalisations : pochettes de disques, bandes
dessinées : Les Fabulous Freak Brothers et Wonder Wart Hog (Super Phacochère)
et d'une couverture pour le mythique ZAP Comix (#15 chez LAST GASP).
Pic
a publié près de 500 pages de la série de bandes dessinées Pic et Zou depuis
1998 dans SPIROU, l’hebdomadaire franco-belge, et a écrit quelques livres
illustrés d’activités pour enfants chez Casterman.
En
2015, il illustre pour Mama Éditions le guide de jardinage Le Bio Grow Book de
Karel Schlefhout et Michiel Panhuysen, traduit en six langues, puis Le Guide de
la coloc bio de Vincent Ravalec.
En
2019, il devient le premier auteur BD de Mama Editions et inaugure la collection
Graphics avec Jardiner Bio, première BD pratique sur le jardinage biologique
(ouvrage librement adapté du Bio Grow Book).
Interview
Quand avez-vous commencé à dessiner ?
Comme tous les enfants, très jeune. Mes parents ont gardé
des grandes fresques de scènes de rues, avec en arrière-plan les affiches
électorales et revendicatives qu'on voyait sur les murs à l'époque, comme un
"Yankee go home" (guerre au Vietnam), donc déjà très chargées et
pleines de détails en arrière-plan...
Et ma mère a retrouvé une punition qu'on m'avait infligée à
8 ans parce que "je dessinais sur mon carnet de vocabulaire" (à
conjuguer à tous les temps de l'indicatif)
Quel a été votre
première collaboration en tant que dessinateur ?
Réelle collaboration ? la première à 9 ans avec Nicolas
Thuret (Zou) avec qui nous fonderons le groupe MIX MIX en 1984 et créerons les
personnages Pic et Zou que je poursuis encore aujourd'hui dans SPIROU.
Nous nous étions découverts fans du Lucky Luke de Morris puis nous dessinions sur la même page des
aventures en bandes dessinées que nous jouions à la récré.
C'est ça que vous voulez dire par "collaboration"
?
A 15 ans, en 1976, première vraie publication (20 pages, mais
dont j'étais le seul auteur) dans AMANITE, un Comix produit par Henry Seydoux
et Jean-Marc Eldin, deux fabuleux déconneurs parisiens, à peine plus âgés que
moi. Bonne compagnie éditoriale dans cette revue : Puig Rosado, Kiko (l'auteur
de Foufi), Philippe Leconte, Marie-Marthe Colin, Philippe Angeles, Alex...
C'est donc l'occasion de ma première Convention de BD à
Paris et je rencontre Lauzier, Fred, Moebius, Cabu qui me portraitise, Charlie
Schlingo qui vendait ses Comix autoproduit du Havane Primesautier (mon père,
venu en secret pour ne pas me gêner, va fortement sympathiser avec lui et lui
acheter toutes ses publications !) Le groupe punk du Crapeau Baveux sortait
leur mythique n°4 (le kaki) et avaient sous leur stand un seau rempli de foie
de veau qu'ils balançaient partout ...
Souvenirs lointains...
Dans le cadre artistique, tu as des opportunités de
collaborations avec des auteurs,
Professionnellement, c'est le plus souvent avec des éditeurs
qu'il faut collaborer (ou avec des clients).
Puis en 1992, incroyable : Gilbert Shelton me demande de
collaborer avec lui sur sa série Not
Quite Dead qu'il avait débuté seul dans FLAG un comix parisien que nous
dessinions et réalisions nous-même, photogravure, impressions, rédactions,
distribution, encaissement !-) en belle compagnie aussi. FLAG a duré 10 numéros
entre 1990 et 1992. Avec Pierre Ouin, Benito, Géant Vert, Phil d'Anagraphis,
Alph, Cromwell, Riff Rebs, Shelton, Leconte, Zou, Max, Jano, Hunt Emerson,
Mezzo, P'titLuc, Allegria, Willem, Arno, Chester, Joan, Ata, Cartier, Shawn
Kerry, Blanquet, El Diablo, Ben Radis, Harty, Chantreau, Ran PCP, Legree, Gaël,
KumKum, Bud, Armstrong, Paul Mavrides, Alteau, Dorey, Adao Iturrusgarai, Fu
Manchu, Luc Quelin, Peter Pontiac...
J'ai même fait de la sculpture pour Flag.
Désolé pour ces indigestes name-dropping, mais la BD,
surtout underground, ce sont des petites chapelles. Par exemple, j'ai lu les
toutes premières planches de JUL (celui de la "bravitude" de
Ségolène) dans Yellow, le comix de Jacko, un copain poitevin du Géant Vert...
Du coup, avec Shelton, nous "collaborons" encore
aujourd'hui sur Not Quite Dead,
(après 6 comix US - 4 albums en français) et comme je fais souvent ses
couleurs, ça m'a permis de collaborer à la couv' du ZAP comix n°15.
Comment est-ce que le
projet de faire une BD à partir de l'ouvrage The Organic Grow Book est né ?
C'est la commande des éditeurs de Mama Éditions : Michka
Seeliger-Chatelain et Tigrane Hadengue.
J'avais fait des illustrations pour le Bio Grow Book (Couverture - Poster panorama - et une trentaine
d'images), grâce à Christian Gaudin qui était surbooké et m'avait refilé le
boulot, et mon style avait plût à leur lectorat jeune.
Je n'ai pas assisté à la genèse du truc.
Michka et Tigrane auraient discuté avec les auteurs
hollandais : Karel Schelfhout, le vrai jardinier, et Michiel Panhuysen,
l'écrivain-journaliste du monde des plantes et du bio, du moyen de faire
"un Bio Grow Book sans textes", plus facile d'accès pour les
cultivateurs les plus jeunes que le gros pavé scientifique de 600 pages,
ont-ils pensé.
C'est donc logiquement devenu le projet d'une bande dessinée
puisque c'est mon métier de base (si on peut dire).
Cette BD est (comme
l'ouvrage d'origine) fabuleuse : il a dû être difficile de faire des choix ?
Ce que vous dites là est très flatteur !
Ce compliment s'adresse surtout à l'album qu'on m'a demandé
d'adapter en bandes dessinées : la source, la base, le scénario !
Le plaisir que j'ai eu à le faire peut transparaître,
évidemment, et le fait que ce genre (la vulgarisation scientifique) est un
exercice que je connais bien.
Très vite, pour ne pas avoir à faire des choix difficiles,
l'approche exhaustive de l'adaptation en planches de BD s'est imposée à moi :
On ne peut pas traiter superficiellement les sujets abordés
et on ne peut pas enlever un chapitre au Bio
Grow Book.
Le nombre de page prévue pour la BD a donc augmenté et j'ai
passé le mal de tête à mes éditeurs.
Tout le jeu (et les choix) consistait à rester fluide en
composant les pages. C'est primordial d'avoir des pages rythmées, et que les
fins de pages tombent pile.
J'ai essayé d'éviter de faire se succéder des dessins
techniques légendés et commentés, le truc totalement indigeste ; comme les
listes de produits nutritionnels bio, là j'ai pas pu faire mieux, par
exemple...
J'ai choisi d'en rajouter au chapitre de la permaculture,
car ce mot dont on ne peut expliquer rapidement le sens, mérite un exposé
conséquent.
Le Bio Grow Book
le survolait car ce n'était pas son sujet et qu'il faut un livre entier pour
l'expliquer.
La transcription exacte du sujet "permaculture"
traité dans le Bio Grow Book
représente trois cases sur la double-page que j'y ai consacrée !
Et je l'ai bien senti en termes de travail
"scénaristique", au niveau des recherches et de l'écriture !
J'ai décortiqué deux grands livres sur le sujet (cités dans Jardiner Bio p.81) et des heures de
Wikipedia.
Mais quitte à aborder ce sujet dont tout le monde parle,
j'ai pensé qu'il fallait en profiter pour en donner une explication bien
complète, surtout pour un public jeune.
Devant la réaction d'un des auteurs, le journaliste Michiel,
qui ne retrouvait pas dans mon découpage "une bande dessinée type Astérix
ou Tintin", (je communiquais par mail chaque page scénarisée-découpée aux
auteurs et éditeurs, au fur et à mesure), je lui ai fait comprendre que ça
prendrait trop de pages.
Mais un jour je me suis laissé aller sur UNE page (la 52), à
ne pas synthétiser de trop et à laisser un doux rythme s'écouler (comme dans un
classique album de bandes dessinées).
Michiel m'a tout de suite écrit que ça lui plaisait. Je lui
ai répondu que moi aussi, mais que cette page représentait HUIT LIGNES
seulement de leur Bio Grow Book ! Donc, que pour arriver à couvrir leurs 600
pages, il me fallait procéder différemment.
Quel plaisir ça a été de participer à cette aventure et de
pouvoir expliquer comment respecter la terre sur laquelle nous vivons, et
surtout pourquoi !
Le sentiment de faire une œuvre utile m'a bien soutenu.
Le Bio Grow Book
d'origine a été un monumental travail d'équipe : Michka et Tigrane ont cru
devenir fous à rassembler et organiser les premiers écrits de Karel et Mig et
j'ai eu les premières feuilles en main en français pour imaginer quoi
illustrer.
À l'occasion de cette relecture (sous les pétales de mon
cerisier qui se déposaient entre les pages) j'ai eu l'honneur de participer un
peu à son élaboration.
Ma légère connaissance de la langue batave nous a permis
d'éviter un petit piège de traduction au sujet du "facteur
sentinelle" et non "facteur gardien de but". (Deux mots synonymes
en hollandais)
Le Bio Grow Book
est un must qui a été très bien accueilli par la presse. La table des matières
le démontre et j'ai tenu absolument à en garder le corps.
Ainsi, il ne me restait plus qu'à me laisser guider, enlever
le niveau supérieur trop abstrait de chimie organique et rendre clair et
attractif les dessins techniques et parfois fastidieux : par exemple le
matériel spécifique du métier d'horticulteur.
J'ai appris la science des nœuds marins et en ai livré un
beau spécimen dans Jardiner Bio (page 74) que j'ai étudié dans le Grand Livre
des Nœuds de Lord Clifford Hashley : le "nœud que tous les enfants rêvent
de savoir faire".
(Il y a aussi le "nœud d'arrêt du dragueur
d'huites" dont le nom me plait encore plus, mais il n'est pas dans Jardiner Bio...:)
Donc je me suis senti à l'aise sur ce projet, beau support
aux qualités spirituelles élevées, avec - en prime - des éditeurs qui m'ont
non-seulement laissé m'en emparer, mais en plus qui trouvaient que c'était la
meilleure chose qui puisse arriver au bouquin. (Deux ans de paix et de liberté,
jusqu'au bouclage...)
Du coup, après avoir choisi le meilleur format pour caser
cette masse d'informations tout et conservant la meilleure lisibilité, (mon
format de prédilection mais aussi le moins segmentant en termes de classes
d'âges), j'ai travaillé en leurs soumettant un découpage extrêmement abouti et
très travaillé. Michka a été la complice et référence horticole, Juliette la
meilleure relectrice et d'autres personnes externes à Mama qui ont énormément
apporté à la qualité du livre, en particulier à éviter des pièges ou des
inexactitudes provoquées par ma réécriture. (Encore une belle grande
coopération !-)
Donc pour répondre à la question, difficile oui, mais pas
tant au niveau des choix que de la méthode.
En bandes dessinées, le livre ouvert t'impose ce monde fini
qu'est une double-page. (Surface visionnée) et la fin de chaque page doit (en
théorie) être un "page-turner" ou une fin en soi.
Qu'aimeriez-vous dire
aux lecteurs et lectrices de la BD ?
Achetez-en un pour l'offrir à une personne de qualité !
(rires)
Le mot de la fin ?
Deux mots, en fait :
Agissez maintenant.
et une citation :
"Vous devez être le changement que vous voulez voir
dans ce monde" (Gandhi).
Article très intéressant, merci pour cette découverte !
RépondreSupprimerAvec grand plaisir :)
SupprimerVoilà une interview que je trouve terriblement passionnante et qui m'a appris beaucoup !
RépondreSupprimerJ'en suis ravie ! :)
SupprimerEn voilà une belle interview !
RépondreSupprimerMerci :)
SupprimerUne très belle citation pour clôturer cette interview très enrichissante!
RépondreSupprimerMerci !!! :)
SupprimerPic est vraiment un super auteur, gros coup de coeur pour ses bds !
RépondreSupprimerMerci ! :)
SupprimerMerci à toutes et tous, un bon feed-back fait chaud au cœur. Depuis, le livre a été chroniqué sur une belle émission de jardinage : https://www.mamaeditions.com/images/presse/JBBD/SilenceCaPousse_JBBD.mp4
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