Grand Prix des Lectrices Elle - Février 2020. Catégorie document.
À dire vrai, je ne me souvenais de
Balzac qu’à travers Les Chouans, que j’avais lu à quinze ans, puis Le Père Goriot, La Peau de chagrin et Eugénie Grandet.
Évidemment, tout cela fait une culture
balzacienne plutôt limitée. C’est donc, quasiment vierge de toute connaissance
(et de préjugés) que j’ai attaqué la biographie de Titiou Lecoq.
Des biographies du grand homme,
j’imagine qu’il en existe déjà des quantités. Alors, pourquoi en écrire une
énième ?
Eh bien, c’est tout simplement parce
que toute biographie n’est qu’une vision, celle de celui (ou de celle) qui
l’écrit !
La vie d’un homme (en l’occurrence),
pas plus que l’Histoire en général, ne peuvent être rapportés fidèlement. C’est
la fameuse subjectivité de l’historien.
Loin d’en faire un handicap, Titiou
Lecoq assume dès le départ cette subjectivité, car elle aime Honoré. Point
final. N’est-elle pas allée porter des fleurs sur sa tombe au Père-Lachaise ?
Ne s’est-elle pas recueillie dans les maisons qu’il a fréquentées (même celles
qui n’existent plus !). On imagine qu’elle aurait sans doute acheté des meubles
qui lui appartenaient de son vivant si elle avait réussi à en dénicher !
Cette biographie est donc avant tout
affective, et c’est ce qui fait sa valeur. Les émotions que l’auteure ressent
dans le petit cabinet de travail d’Honoré, le seul endroit authentique qui
subsiste de nos jours, sont particulièrement touchantes.
Mais Titiou Lecoq n’est pas non plus
aveuglée par cet amour post mortem, et elle garde toute sa lucidité pour
décrire les qualités et les défauts de l’homme. Qualités gigantesques, défauts
gigantesques à l’instar de l’écrivain, bâti comme un taureau, forçat de
l’écriture, mais aussi corps et esprit fragiles, doutant toujours, comme tout
artiste authentique.
Dans sa volonté de montrer les travers
d’une société qu’il a côtoyée à tous les niveaux, Balzac décrit les femmes pour
la première fois dans la littérature. Non pas des stéréotypes de femmes. Mais
de vraies femmes.
Cet aspect de l’œuvre a été
particulièrement mis en avant par Titiou Lecoq, et si l’on ne peut pas dire que
Balzac était féministe avant l’heure, il faut lui reconnaître ce mérite (qu’on
lui a reproché à l’époque) d’avoir présenté les femmes sans a priori, avec une
richesse et un respect inédits.
Par ailleurs, Balzac réussit et
échoue. Cette ambivalence est toute sa vie. C’est qu’il est prodigue dans tous
les domaines, y compris les dépenses !
La fin de cet essai est
particulièrement émouvante, car Titiou Lecoq, restant fidèle à ses choix,
dérive vers sa vie personnelle. Elle dit :
« Pour ma part il y a fort à parier
que finir ce livre provoquera une nouvelle dépression. Mais j’y ai appris
l’importance fondamentale de vivre au milieu des livres, d’écouter des voix de
morts, qui me parlent si intimement. »
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