18 décembre 2020

Chronique littéraire : La Petite Dernière de Fatima Daas (Noir sur Blanc).

Résumé
"Je m’appelle Fatima Daas. Je suis la mazoziya, la petite dernière. Celle à laquelle on ne s’est pas préparé. Française d’origine algérienne. Musulmane pratiquante. Clichoise qui passe plus de trois heures par jour dans les transports. Une touriste. Une banlieusarde qui observe les comportements parisiens. Je suis une menteuse, une pécheresse. Adolescente, je suis une élève instable. Adulte, je suis hyper-inadaptée. J’écris des histoires pour éviter de vivre la mienne. J’ai fait quatre ans de thérapie. C’est ma plus longue relation. L’amour, c’était tabou à la maison, les marques de tendresse, la sexualité aussi. Je me croyais polyamoureuse. Lorsque Nina a débarqué dans ma vie, je ne savais plus du tout ce dont j’avais besoin et ce qu’il me manquait. Je m’appelle Fatima Daas. Je ne sais pas si je porte bien mon prénom."

L'auteure
Fatima Daas est née en 1995 à Saint-Germain-en-Laye. Ses parents, venus d’Algérie, se sont installés à Clichy-sous-Bois. Elle y grandit entourée d’une famille nombreuse. Au collège, elle revendique le droit d’exprimer ses idées et écrit ses premiers textes. Elle se définit comme féministe intersectionnelle.

Ils recommandent !
« Le monologue de Fatima Daas se construit par fragments, comme si elle updatait Barthes et Mauriac pour Clichy-sous-Bois. Elle creuse un portrait, tel un sculpteur patient et attentif… ou tel un démineur, conscient que chaque mot pourrait tout faire exploser, et qu’on doit les choisir avec un soin infini. Ici l’écriture cherche à inventer l’impossible : comment tout concilier, comment respirer dans la honte, comment danser dans une impasse jusqu’à ouvrir une porte là où se dressait un mur. Ici, l’écriture triomphe en faisant profil bas, sans chercher à faire trop de bruit, dans un élan de tendresse inouïe pour les siens, et c’est par la délicatesse de son style que Fatima Daas ouvre sa brèche.»
Virginie Despentes

Ma chronique
Quelle beauté ! Quelle poésie et simplicité, quelle douceur malgré les thématiques destructrices, les souffrances évoquées (alcoolisme, non acceptation de la différence, indifférence, maladie chronique...).
Ce texte puissant, touchant au-delà des mots, nous parle de tensions multiples (religieuses, sexuelles, entre le pays d'origine de sa famille et le pays dans lequel Fatima est née...), de la difficulté de se construire dans un groupe qui nous juge, se construire alors que l'on manque de l'essentiel (la tendresse de ses parents), qu'on se sent de trop, la petite dernière, "l'accident".
"[...] élève instable. Adulte, je suis hyper inadaptée. J’écris des histoires pour éviter de vivre la mienne."
Nous sommes dans une histoire dans l'histoire, dans une histoire écrite pour ne pas vivre la sienne, traumatisante à maints égards, une histoire qui permet de grandir et de s'accepter telle que l'on est.
Un texte qui aborde régulièrement le sujet de la religion et qui, en quelque sorte, mêle fond et forme en rappelant le Coran, les Sourates avec ses répétitions presque systématiques, l'accumulation aussi qui nous indique que l'identité de la narratrice prend forme, petit à petit.
"Je m’appelle Fatima Daas. Je suis la mazoziya, la petite dernière. Celle à laquelle on ne s’est pas préparé. Française d’origine algérienne. Musulmane pratiquante. Clichoise qui passe plus de trois heures par jour dans les transports. Une touriste. Une banlieusarde qui observe les comportements parisiens."
Dans cet ouvrage, une fois de plus est évoquée une problématique d'une brûlante actualité : entre communautarisme, tentation du repli identitaire et intégration au prix du déni de ses origines, quel chemin personnel trouver ?
Comment bâtir sa vie avec autant d'injonctions contradictoires, voire semble-t-il irréconciliables ?
Où iront les loyautés de l'enfant, de l'adolescente, de l'adulte ? Comment naviguer sans dommages d'un univers à l'autre ?
Un combat qui demande lucidité et courage, et la distance de l'humour aussi.
Les mots, leur définition, signification, origine sont essentiels dans cette recherche d'un passé, d'une cohérence, d'une identité, et d'un avenir possible, peut-être apaisé.
Un premier roman particulièrement réussi ! Lu d'une traite.
#LaPetiteDernière #NetGalleyFrance

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