À PROPOS DE MON MÉTIER D’ÉCRIVAIN
Il y a un peu plus d’un an, je marchais dans les rues de
Broome, petite ville isolée sur la côte occidentale de l’Australie. J’ai vu
venir sur le trottoir une jeune mère aborigène, pieds nus, vêtue d’une robe
fanée ; elle tenait par la main une très petite fille.
Tout à coup, j’ai discerné sur son visage une expression de crainte. Elle est
descendue du trottoir, entraînant son enfant et, me retournant, j’ai compris :
elle voulait laisser passer un couple de Blancs : un homme et une femme
gras et roses, qui occupaient tout ce trottoir avec une sorte de majesté
obscène et vulgaire. Je me suis rappelé que, bien plus tôt, sur cette même côte
de l’océan Indien, plus au sud, à Geraldton, j’avais observé la même expression
de crainte sur les visages des membres d’une famille yamaji, dans un
supermarché.
La peur de ceux qui savent ne pas être les maîtres.
Ces peuples – Yawuru ou Bardi au nord, Yamaji ou Noongar au sud – sont là, sur
l’île, depuis plus de 50 000 ans.
Une colonisation assassine les ostracise sur leurs propres terres.
Alors, ce jour-là, à Broome, j’ai éprouvé une immense colère. Cette mère et son
enfant étaient chez elles.
Voilà quelle est la noblesse du métier d’écrivain : celle de se mettre au
service d’une cause. J’ai décidé d’une série de romans sur le thème de la
colonisation australienne, ancienne et contemporaine. Elle sera inaugurée par
le roman « Red Man », qui sort cet hiver au Diable Vauvert. Cet éditeur a été
magnifique d’engagement et de confiance.
Il arrive qu’un roman fasse plus de bruit qu’un article de journal, une émission
de télévision, un YouTube très regardé. Il peut se produire qu’il soit plus
pérenne.
On peut écrire pour distraire ; ce n’est pas déshonorant. Mais il faut aussi,
je crois, écrire pour servir les causes qui nous saisissent à la gorge. L’on se
guérit – un peu – et l’on aide.
La première anthologie littéraire dont j’ai entendu parler, enfant, était l’Anthologie de la poésie française, de Georges Pompidou.
Il me semblait très étrange qu’un président de la République puisse s’intéresser aux poèmes.
Cela m’a marqué.
Lorsque Marie-Hélène Fasquel a eu la gentillesse de me proposer de participer à sa propre anthologie, comment aurais-je pu refuser ?
J’accours !
Marie-Hélène est infiniment plus séduisante que Georges Pompidou...
Pour aller plus loin
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