Résumé
Entre corps érotisé et corps souffrant, magie de la scène et coulisses des douleurs, Chavirer raconte l’histoire de Cléo, jeune collégienne rêvant de devenir danseuse, tour à tour sexuellement piégée par une pseudo Fondation de la vocation, puis complice de ses stratégies de “recrutement”. Trente ans plus tard, alors qu’elle-même a fait carrière – des plateaux et coulisses de Champs-Elysées à la scène d’une prestigieuse “revue” parisienne – l’affaire ressurgit. Sous le signe des impossibles pardons, le personnage de Cléo se diffracte et se recompose à l’envi, au fil des époques et des évocations de celles et ceux qui l‘ont côtoyée, aimée, déçue ou rejetée.
Notre chronique
Ce roman bouleversant nous plonge dans les affres de la culpabilité, de la honte, du secret, porté pendant trente-cinq ans par Cléo, notre protagoniste.
« Cette histoire est une écharde sur laquelle sa chair s’est recomposée, à force d’années. »
L’intrigue nous permet de comprendre comment, petit à petit, l’on peut tomber dans le piège des adultes lorsque l’on n’a que treize ans, comment l’on peut se faire manipuler et même s’enfermer dans la douleur sans oser parler, par amour de l’un de ses bourreaux, l’élégante Cathy !
« Seule la danse, les cours de Stan, avait eu ce pouvoir de malmener l’ordinaire d’un quotidien flasque qui se traînait. Là elle pouvait s’inventer. »
Par touches successives, nous entrons dans la vie de Cléo, dans ses façons de faire taire la culpabilité, dans sa passion de la danse et son envie d’échapper à un destin tracé d’avance.
« […] ce n’est pas ce à quoi on nous oblige qui nous détruit, mais ce à quoi nous consentons qui nous ébrèche ; ces hontes minuscules, de consentir journellement à renforcer ce qu’on dénonce […]. »
Elle avait consenti, mais à quoi ? N’est-ce pas une question que nous nous posons un jour, avec plus ou moins de gravité... ?
Comment peut-on chavirer, et non pas basculer brutalement, mais perdre un peu plus de ses valeurs, de son âme, chaque jour, pendant des années ? Comment peut-on passer insidieusement du statut de victime à celui de complice — active qui plus est ? À force de déni, d’autoprotection, et de paillettes dans les yeux...
L’évocation des camps de la mort n’est à cet égard certainement pas due au hasard, entraînant aussi la problématique du pardon : à ses ennemis, certes, mais comment se pardonner soi-même ?
Avec, en arrière-plan, divers scandales de prédation sexuelle (quel que soit le domaine, les miroirs aux alouettes ne datent pas d’hier, ou l’envie « de réussir » coûte que coûte), la question du prix à payer pour une gloire factice et éphémère.
Un ouvrage puissant, jamais manichéen, qui nous entraîne dans un monde d’une infinie cruauté.
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Gabriel et Marie-Hélène.