14 février 2022

Chronique jeunesse : La Part des Anges de Constance Dufort (Editions Yucca).


Illustrations de Cellima.

Présentation de l'éditeur

À 13 ans, Ewan est l’élève le plus doué de la petite école de Dunvegan, sur l’île de Skye. Son maître a de grands projets pour lui ! Il le prépare à quitter l’île pour intégrer le collège d’Édimbourg. Mais ce n’est pas facile de rêver d’ailleurs quand votre père a décidé que vous prendriez sa suite à la tête de la distillerie familiale. Pas facile non plus d’être le souffre-douleur de cette brute de Rory et la risée de ses camarades de classe. De là à relever un défi stupide pour prouver à tous sa valeur ? Non, jamais Ewan ne s’introduirait dans la sinistre maison hantée qui surplombe le village… Jamais, vraiment ? 


L'auteure


Photographie d'Emmanuelle Guillemard.

Libraire. Auteure de littérature science-fiction et fantaisie. 
En avril 2018, ses deux premiers romans sont sortis : "Les chemins d'Hermès", roman de science-fiction, aux éditions Astobelarra et "So long, Alice", roman rock et contemporain, aux éditions Nouvelle bibliothèque. Depuis elle n'a cessé d'écrire. (voir les liens vers nos chroniques dans la rubrique "Pour aller plus loin). 

Son blog

Interview de l'auteure

Qu’appréciez-vous le plus dans l’écriture pour la jeunesse ?
C’est une écriture très technique : il faut une histoire claire (surtout pour les plus jeunes qui ont besoin d’avoir une réponse à toutes leurs questions). Pas question de laisser trop de portes ouvertes. Pas question non plus de simplifier à outrance le vocabulaire : les jeunes lecteurs méritent de découvrir des mots nouveaux et des univers riches, comme le font leurs aînés dans leurs lectures. Les histoires ne doivent pas forcément être simples ou linéaires. C’est un subtil dosage. On ne raconte pas une histoire de la même façon à un lecteur de 8 ans ou de 12 ans. Il y a beaucoup plus de travail de relecture, notamment pour une autrice comme moi qui fait plutôt dans les romans de l’imaginaire pour adolescents et adultes. C’est un exercice stimulant : il faut soustraire, réécrire souvent, retrancher pour faire sortir le texte le plus limpide possible, sans tomber dans le simplisme. Pas question de multiplier les descriptions de paysages écossais, même si j’en meurs d’envie ! L’ambiance doit être créée avec quelques mots bien choisis et c’est un exercice très formateur.

Quel est votre personnage préféré de La Part des anges ?
Difficile à dire, je les aime tous évidemment. J’ai une affection particulière pour Ewan : il est à la fois fragile et tendre dans ses sentiments et fort comme un roc dans ses décisions. S’il devait y avoir une suite un jour, je suis certaine qu’il ferait un adulte équilibré et digne de confiance. J’avoue aussi un faible pour M. Douglas : je me suis directement inspirée d’un professeur de français que j’ai eu au collège. Il avait plus d’humour que M. Douglas, mais la même exigence bienveillante, la même foi en ses élèves. C’est lui qui m’a donné un crayon et qui m’a dit : « Vas-y, petite, tu peux tout faire. Tu veux écrire ? Tu peux écrire, je sais que tu y arriveras ! » Avec M. Douglas, je rends hommage à tous les enseignants dont on se souvient longtemps après avoir quitté l’école…

Quelles sont les thématiques de ce roman qui vous touchent le plus ?
La révolte adolescente, en tout premier lieu. C’est le creuset de tout ce que l’individu deviendra : il y a la rage, la révolte, l’amour et l’envie d’avancer. Parfois cette révolte couve, mais lorsqu’elle explose, elle pousse l’enfant vers l’adulte qu’il sera. Je trouve cette période de la vie fascinante : j’ai moi-même deux adolescents à la maison et je ne me lasse pas de les voir évoluer. 
L’amour filial est aussi très présent dans le roman : Sheena, la sœur, veille sur son frère sans l’étouffer. Moira est une maman qui peut sembler effacée. Elle vit dans une famille recomposée dans les années 1930, elle est la femme qui tient la maison, celle qui soigne. Il ne faut pas se laisser aveugler par cette image trop lisse : c’est avant tout une louve qui fera tout pour que son fils s’épanouisse et soit heureux. Ces deux femmes aiment inconditionnellement Ewan et elles le soutiendront sans blesser personne, sans se dresser contre la famille, mais elles ne lâcheront rien. C’est un bel exemple de dévouement discret, mais sincère, comme on en croise beaucoup et comme il est précieux d’avoir eu dans ses jeunes années.

Comment s’est fait le choix des illustrations ? 
Yucca Éditions est une maison organisée qui a du vécu : Stéphanie Chaulot a tout de suite vu qui pourrait mettre en valeur le texte. Cellima, l’illustratrice, a fait plusieurs propositions avant que nous parvenions au résultat final. Elle a su capter l’ambiance du roman avec des illustrations simples, belles et efficaces. J’en suis très fière ! 

La part des anges, un parcours particulier dans le monde de l’édition ? 
Un parcours douloureux, mais assez symptomatique du statut de l’auteur débutant dans ce milieu. J’ai écrit La part des anges il y a plus de 4 ans. D’abord retenu par une grande maison d’édition parisienne dont je tairai le nom, j’ai retravaillé le texte huit mois durant avec une promesse de publication, mais pas de contrat, car on n’en fait pas aux auteurs débutants… pour être abandonnée par mon éditrice au bout de ce délai. Pourquoi ? L’injonction de modifier (après dix autres modifications de taille) le lieu où se déroulait le roman. Faire disparaître l’Écosse, c’était faire disparaître le roman. J’ai refusé. La maison parisienne a abandonné le projet. 
Le manuscrit a ensuite erré de maison en maison, de propositions en projets de publication avortés, avant que Yucca accepte de le reprendre : ils l’avaient aimé au début, ils l’ont récupéré, soigné avec moi et grâce à eux, La part des anges a enfin vu le jour. Ce livre a donc une saveur particulière pour moi : celle de la constance, de l’endurance, et de la force de caractère. 

Notre chronique 
Comme dans tous ses romans ou nouvelles, Constance Dufort, conteuse de talent, nous propose un récit intelligent, juste, très bien écrit, qui nous fait rêver. Elle nous emmène dans l’Écosse traditionnelle : les fantômes, les maisons hantées, le whisky, les clans, les paysages, l’Île de Skye, les légendes… Bref, nous sommes ravis de l’accompagner le temps d’une lecture passionnante. En outre, les sujets de l’école, du harcèlement, de l’amitié, de la famille et de ses pesanteurs… sont essentiels. En effet, brillant élève, promis à une belle carrière d’étudiant à Édimbourg par son maître anglais (horreur, malheur), Ewan fait avant tout partie du clan MacLeod et est censé se plier à la tradition : comme son père et ses frères, il sera distillateur de whisky. Un point c’est tout. 
Nous assistons, dans ce magnifique bildungsroman, ou roman d’apprentissage étonnant – puisqu’il nous plonge également dans le surnaturel – à une très belle rencontre. 
Un roman jeunesse à offrir sans hésiter, lu d’une traite !


Pour aller plus loin

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