Dan Nisand
Né en 1978 à Strasbourg, Dan Nisand a grandi près de la cité-jardin Ungemach, un quartier qui l'a durablement marqué et qu'il réinvente dans son roman Les Garçons de la cité-jardin en y insufflant une atmosphère tout en tension, en hostilité et en tendresse. Rédacteur pour la presse et l'édition, il vit aujourd'hui en Seine-Saint-Denis.
Votre roman, Les garçons de la cité-jardin, fait partie des huit ouvrages sélectionnés pour le Prix du Premier Roman de la Ville de Limoges. Pourriez-vous nous donner votre ressenti à l'annonce de la sélection ?
J'ai été heureux de savoir que quelqu'un avait été touché par ce livre, son univers et la situation qu'il raconte. Dans un monde où tout est communication, je trouve que parvenir à communiquer quelque chose d'authentique est rare et difficile. Lorsqu'un lecteur entre en interaction avec ce texte où j'ai exprimé tant de choses, au point de le retenir dans une sélection, c'est une sorte de miracle. Je me sens reconnaissant, tout simplement.
Êtes-vous un lecteur compulsif ?
Je suis un lecteur quotidien, mais pas compulsif. Je ne lis pas "tout ce qui sort", mais je lis très soigneusement. Je peux passer des mois sur un seul texte, pourvu qu'il me bouscule et me donne du fil à retordre. Bien sûr ma pile à lire a tendance à devenir un gratte-ciel, j'essaie de la garder sous contrôle ! Mais je ne crois pas qu'il faille lire beaucoup de livres. Il faut en lire de bons.
Quels sont vos genres littéraires préférés ?
Les genres, ça ne me parle pas beaucoup. Le genre est souvent une sorte d'exosquelette : on voit comment c'est fabriqué. L'auteur suit ou tente de renouveler ce qu'on appelle des "codes". Je trouve que les grands livres, les grands auteurs, inventent leurs propres codes et fondent leurs propres genres. Je peux aimer des auteurs aussi différents que Borges, Balzac, Woolf, Tolstoï ou Capote : l'important, c'est que celui qui a écrit soit allé au bout de son expérience, et qu'il vous invite à le suivre.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur un(e) auteur(e) que vous appréciez particulièrement ?
Proust. Je n'ai jamais rien lu d'aussi difficile ni d'aussi sublime. Lire la "Recherche" est un effort gigantesque, mais qui paye. Et puisqu'on parlait de genre, un de mes livres préférés est "La Route" de Cormac McCarthy. C'est de la SF ? De l'anticipation ? Je ne sais pas. C'est immense et absolu.
Avez-vous des habitudes d'écriture ?
Mon effort d'écriture se situe précisément là où je ne peux pas avoir d'habitude. L'écriture est faite d'instants volés, de moments où la concentration vient sans crier gare, souvent lorsqu'on est censé se consacrer à autre chose. Cette petite idée qu'on note en passant et qui engendre une page entière sans qu'on s'en aperçoive. J'ai beaucoup écrit mon roman la nuit, parce que la vie "normale" m'accaparait le jour. J'ai passé plusieurs années rien qu'à le relire. Je ne sais pas aujourd'hui encore comment j'ai fait.
Avez-vous de nouveaux projets littéraires ?
J'en ai. J'ignore si je serai à la hauteur cette fois. Après l'écriture des "Garçons", il faut repartir à zéro. Nouveaux personnages, nouvelle histoire, nouvelle structure. Aucune recette. L'inconnu total !
Comment est né Les garçons de la cité-jardin ?
J'ai passé une partie de mon enfance à traîner dans une cité-jardin, à Strasbourg. Deux décennies plus tard, je m'aperçois que ce lieu m'a marqué et je commence à me documenter dessus. Et puis j'ai cette idée d'histoire qui me trotte dans la tête : une fratrie de voyous, le petit dernier qui est un timide, un sensible, et qui ne se sent pas à la hauteur de la délinquance de ses frères. Quand j'ai songé que je pouvais réinventer la cité-jardin et y implanter ma famille de mauvais garçons, ça a été une révélation. C'était en juin 2010. Viennent ensuite huit années d'écriture.
Pourriez-vous nous raconter une anecdote sur l'écriture de ce roman ?
Ce moment où le texte est fini, justement. Depuis huit ans que j'y travaillais sans rien faire lire à qui que ce soit, je me demandais si je n'étais pas tout simplement ce fou qui s'échine sur son chef-d'œuvre mais qui ne le finira jamais. En juin 2018, j'ai pu m'isoler quelques jours dans une chambre en location pour me consacrer exclusivement à la relecture de mon texte. Le dernier jour, je l'ai passé à lire à voix haute la deuxième moitié du roman, en larmes, sans presque rien retoucher. Et tout à coup, cette illumination : j'ai terminé ! Pour la première fois depuis huit ans, je n'avais rien à faire. Je me suis décapsulé une bière. J'étais heureux.
Le mot de la fin.
Je ne sais pas si c'est une question, mais voici ce que cette formule m'inspire : un livre est une expérience spirituelle, il peut vous emmener là où vous ne croyiez jamais aller, mais pourtant vous reconnaissez tout, vous n'êtes pas dépaysé ; à la toute fin, il faut se résoudre à en sortir, ce n'est pas facile, mais on sent que le livre a augmenté quelque chose en nous, on en sait plus sur la vie, on comprend mieux nos frères humains. Voilà à mes yeux ce qu'un bon livre devrait être. Je crois qu'il faut être très exigeant avec les écrivains.
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