18 juillet 2022

Chronique littéraire : Le Château des trompe-l'oeil de Christophe Bigot (Éditions de La Martinière).

Résumé
1837, baie du Mont Saint-Michel. Le jeune Baptiste Rivière est convoqué au château d’Escreuil pour s’y faire dicter les dernières volontés de la propriétaire des lieux. Mais à son arrivée, le personnel se ligue pour lui interdire l’accès à sa chambre : Langlois, diabolique intendant du domaine, le vieux Simon, qui semble plus qu’un ordinaire jardinier, et même Séverine, la femme de chambre dont Baptiste cherche pourtant à se faire une alliée.

Pourquoi la baronne d’Escreuil se cache-t-elle ? Qui est vraiment cette ancienne comédienne, veuve d’un aristocrate guillotiné sous la Terreur ? Bravant les mises en garde, Baptiste s’aventure dans les plus sombres recoins du domaine. Mais les apparences sont trompeuses, et en cherchant la baronne, c’est sa propre vérité que Baptiste va devoir affronter.

Jouant sur les codes du conte gothique, du roman historique et du récit d’apprentissage pour mieux les subvertir, Le Château des trompe-l’œil offre une plongée vertigineuse et haletante dans les gouffres du passé et de l’âme humaine.

L'auteur : Christophe Bigot est professeur de lettres et écrivain. Son premier roman L'Archange et le procureur, paru chez Gallimard, a reçu cinq récompenses dont le Prix Mottart de l'Académie française. Ses romans explorent sa passion pour la révolution française et le XIXe siècle.

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Notre chronique
Le Château des trompe-l’œil est un livre historique, d’aventure, à consonance gothique, qui explore des thématiques complexes et essentielles.
Dès les premières pages, il nous plonge dans une atmosphère digne de Bram Stoker. Le château impressionnant, (presque) un personnage en lui-même, sombre et exsudant on ne sait quelle obscure tragédie diffuse, les non-dits et les silences étouffants, le mystère entourant une baronne et son héritage, un jeune clerc de notaire qui considère ses hôtes comme des geôliers (a priori à juste raison).
« Pourquoi la baronne avait‑elle disparu après la chute de Robespierre ? Pourquoi ne s’était‑elle jamais remariée alors qu’elle était encore si jeune ? Pourquoi, enfin, vivait‑elle cloîtrée, à l’abri de la lumière du jour, ne s’animant la nuit que pour massacrer au clavecin d’anciennes romances ? Avait‑elle perdu la tête, comme maître Bouchard l’avait suggéré ? »
Il s’agit également pour Baptiste (clin d’œil à Molière ?) Rivière, notre protagoniste, d’un séjour qui lui révélera sa vraie nature et le poussera à évoluer et à s’accepter tel qu’il est. Car si rien ni personne n’est (vraiment) ce qu’il paraît être, il en va de même pour lui. Et la référence à Sade n’est pas anodine, lui qui faisait tomber les masques de l’hypocrisie bien-pensante.
« L’infamie, répétait souvent cette dernière, c’est de vivre dans le mensonge. “Et dans votre cas, Baptiste, l’infamie consisterait à entraîner Sophie dans un mariage qui ne peut que la rendre aussi malheureuse que cette pauvre Rose Langlois. »
Il nous entraîne également dans la littérature sulfureuse (Sade…). Baptiste s’y initie pour tromper l’ennui et tenter d’échapper à l’ambiance pesante qui l’entoure.
« Pour divertir sa douleur, il s’immergea dans La Philosophie dans le boudoir. Il survola les spéculations sur l’état social, les blasphèmes faisant de la Vierge une putain et du vice une pratique autorisée par la nature. La description des corps‑à‑corps acrobatiques le conduisit aux portes d’une jouissance monstrueuse, la volupté des sens s’y enténébrant de souffrance morale. »
…et dans l’art en général.
« Non loin des ouvrages licencieux, il avait remarqué un riche fonds ésotérique. Alchimistes et illuministes, ils étaient tous là, de Paracelse à Cazotte. Baptiste jugeait ces sciences absconses, pour le peu qu’il en avait tâté dans la bibliothèque de son oncle. Pourtant, il leur reconnaissait un mérite : avoir sondé ce monde invisible que les Lumières avaient obstinément écarté de la sphère du savoir. »
La technique du récit dans le récit est parfaitement réussie et favorise le suspense qui nous tient en haleine avec Baptiste.
« Il en savait assez pour tenir son cerveau occupé pendant huit jours. Tout un roman se déployait, avec ses reliefs accidentés, ses zones d’ombre persistantes. »
Sans être un roman épistolaire, quelques lettres émaillent le récit, nous rappelant une fois de plus Dracula et son jeune protagoniste.
En conclusion, les trompe-l’œil sont omniprésents dans ce texte puissant et émouvant. Et fascinés, nous sommes ravis de nous être laissé prendre…
« Les lieux, la mer surtout, si délébile, gardent‑ils la marque des drames passés ? »

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Gabriel et Marie-Hélène.