Troisième chapitre d’une trilogie (après le Misanthrope de Molière et la conversion d’Alceste de Courteline) centrée sur les personnages d’Alceste et de Célimène, cette œuvre de Jacques Rampal pourrait emprunter son titre à A. Dumas : Vingt ans après...
Vingt ans après, Célimène et Alceste sont à nouveau mis en présence. Lui a tiré de sa retraite désespérée – suite à la double trahison de l’amour et de l’amitié – la force de devenir cardinal. Il est puissant et considéré. Apaisé ? Elle semble comblée, contre toute attente, par son « établissement » : mariage finalement bourgeois, quatre enfants et soins du ménage...
Mais on comprend vite que derrière ces belles apparences et s’ils ont évolué, ces deux-là n’ont pas vraiment changé.
Alceste tantôt embarrassé, presque timide, ou doucereux, tantôt redoutable et impétueux, à l’évidence une âme tourmentée (on peut penser au Frollo d’Esmeralda), Célimène avec sa rébellion à fleur de peau, frémissante, qui n’a rien perdu de sa verve ni de son goût de la liberté. Ni de sa très fine, mais très éclatante séduction...
Fascinés, envoûtés, nous assistons à un véritable duel ou l’un ou l’autre vont l’emporter tour à tour, où provocations, malentendus, faux-semblants, démonstrations de force ou de ruse, menaces et même violences alternent avec moments de connivence et d’abandon, et même un certain comique.
Au bout de cet affrontement éprouvant (nécessaire), l’évidence, enfin, mais il aura fallu cet âpre combat pour que les masques tombent et que, pour emprunter un autre titre célèbre, le « triomphe de l’amour » puisse avoir lieu, peut-être. Car, quoi qu’il soit décidé, c’est lui le grand vainqueur au sortir de cette lutte acharnée sans gagnant ni perdant. La vérité, aussi.
Et nous en accompagnons chaque seconde.
Les deux acteurs sont formidables, Luc Franquine en Alceste tout en bouleversement contenu ou accès de rage, tantôt se retranchant derrière les convenances, son rang, son pouvoir, sa soi-disant mission sacrée (suite à un rêve, il est venu pour sauver l’âme de son ancienne amante), tantôt fragile et désemparé sous le vernis de la colère, bouillonnant intérieurement de désir et de tendresse retenus, Violette Erhart en Célimène, vibrante, inquiète, superbe, frondeuse, qui tient tête (on songe aussi à Antigone face à Créon), mais se laisse submerger par l’émotion et finira par accepter des exigences qu’elle n’avait pas su comprendre il y a longtemps. Mais c’était hier...
Investis d’une troublante humanité, ils sont magnifiques. Et déposent les armes (provisoirement ?) pour notre plus grand bonheur.
Ne les manquez pas dans ce rendez-vous avec une pièce pleine d’intelligence et de sensibilité, dernier volet consacré à des personnages qui encore aujourd’hui nous parlent, et parlent de nous.
L’ombre d’un Marivaux ou d’un Musset plane sur cet échange doux-amer où pour cette fois la cruauté et le mensonge ne laisseront pas un goût de cendres. Il se pourrait bien que ce grand gâchis d’amour touche à sa fin... Quel soulagement !
Bravo et merci !
Sylvie Guérin.
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