Description de l'éditeur
Sur une île, dans une châtaigneraie coupée du monde, vivent sept femmes et leurs enfants. Elles se nomment Sophie, Miriam, Azalée, Caroline, Livia, Paola, Cléo. Le jour, sous l’égide d’Anita, la matriarche, elles travaillent au rythme des saisons, récoltent les châtaignes, s’occupent de leurs petits. La nuit, les langues se délient, les corps se relâchent. Elles dansent, boivent, se disputent. Dans ce décor aussi idyllique qu’étouffant où corps, faune et flore forment une même chair vibrante, elles tentent de cohabiter les unes avec les autres.
La châtaigneraie est un refuge. Depuis huit ans, Anita y recueille des femmes qui ont fui leurs compagnons. Loin de la peur et de la violence qui guette au dehors, elle leur offre un cocon protecteur où voir grandir leurs enfants. Élevés en meute, ceux-ci s’aventurent chaque jour dans la forêt. Aux confins de leur royaume, à distance des yeux maternels, les vestiges de la brutalité familiale refont surface. Les poings se ferment et les jeux dégénèrent.
Sophie et sa fille vivent ici depuis la création du refuge. Rien ne semble pouvoir changer le cours de leurs existences, mais l’adolescente grandit et commence à poser des questions. Quelles histoires cache cette vie isolée ? Pourquoi est-il interdit aux enfants de franchir l’enceinte de la châtaigneraie ? Entre ce que sa mère voudra bien lui confier et ce qu’elle découvrira au-delà de leur forêt, les masques tomberont. Jusqu’à menacer la châtaigneraie et ses habitantes.
Charnel, puissant, onirique, singulier, un premier roman au style envoûtant.
Notre chronique
Échappées est une pépite littéraire, un premier roman d’une rare intensité. Manon Jouniaux y aborde avec une sensibilité poignante les thématiques du viol et de la violence conjugale. Elle place ces horreurs au cœur d’un récit onirique et terriblement ancré dans le réel.
L'homme est partout. Dans chaque interstice de joie, chaque rainure. (page 44)
Le lecteur découvre, au fil des pages, sept femmes qui ont fui leurs compagnons dangereux pour se protéger elles-mêmes et, surtout, leurs enfants. Ce n’est qu’au moment où la violence touche leurs enfants qu’elles trouvent la force de fuir.
L’écriture est saisissante, et chaque mot est pesé.
Dans l'esprit de Sophie, les mots se superposent et le réel se ramifie. Elle observe en silence les visages familiers dodeliner autour d'elle, s'immisce dans leurs striures. Le passé vient se coller au présent, les souvenirs s'enlacent en texture d'éponge, elle plonge à l'intérieur, se cache dans les trous, gratte les couches. (page 27)
Lorsqu’elle fait parler Sophie par exemple, les phrases se déroulent, sans virgules, sans pause, car elle est incapable de contenir l’effusion d’émotions : la parole est telle un cri qui résonne dans le silence de la forêt. Loin des villes, ces femmes trouvent refuge chez Anita, une figure quasi-matriarcale, dans une châtaigneraie dont la métaphore de la reconstruction est omniprésente. Tout, dans ce décor, semble en résonance avec la fragilité et la force des protagonistes.
La châtaigneraie délivrant de l'indicible, vissé aux plèvres, les mots des femmes coulent le long de leurs joues et les mains reprennent de la force. Ici, on relève la tête, on travaille, on oublie, on avance. C'est une mort et une renaissance. (page 90)
La châtaigneraie elle-même devient un personnage à part entière, un lieu coupé du monde mais traversé par les échos du passé. Comme dans Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë, la nature n’est pas qu’un décor, elle est le miroir des âmes, des blessures et des espoirs. La forêt, les saisons, le travail des femmes, tout est empreint de cette ambivalence entre la douceur et la dureté de l’existence.
La question de la reconstruction est au centre de ce roman : peut-on vraiment se reconstruire après avoir été brisé(e) ? Peut-on élever des enfants dans un monde où l’ombre de la violence continue de planer ? Les enfants, en s’aventurant au-delà des limites maternelles, remettent en cause l’ordre établi, faisant ressurgir les fantômes de la violence familiale, comme une fatalité difficile à éviter.
Un roman d’une rare puissance, porté par une écriture envoûtante et poétique.
Sur ses bras brûlants, remontent et nagent de petits frissons venimeux, un banc de poissons aux larges écailles qui miroite et laisse une traînée de lave sur l'écume. (page 23)
Tout est à fleur de peau, entre silence et déflagration.
Ce qui persistera, dans leurs crânes, de la violence qu'elles ont fuie, dont ils n'ont pour la plupart aucun souvenir mais dont les vestiges continuent de vivre dans leurs cervelles, creusant là patiemment des tranchées irréparables. (page 25)
Pour aller plus loin
Triste tigre de Neige Sinno (POL)
Les noces barbares de Yann Queffélec (Gallimard)
Disgrâce de J.M. Coetzee (Vintage/Seuil)
Tempêtes et brouillards de Caroline Dorka-Fenech (La Martinière)
Chavirer de Lola Lafon (Actes Sud)
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Gabriel et Marie-Hélène.