J'ai vécu ce que j'avais à vivre et aimé du mieux que j'ai pu. Si je n'ai pas eu de chance ou si je l'ai ratée d'un cheveu, si j'ai fauté quelque part sans faire exprès, si j'ai perdu toutes mes batailles, mes défaites ont du mérite - elles sont la preuve que je me suis battu. Algérie, 1914. Yacine Chéraga n'avait jamais quitté son douar lorsqu'il est envoyé en France se battre contre les "Boches". De retour au pays après la guerre, d'autres aventures incroyables l'attendent. Traqué, malmené par le sort, il n'aura, pour faire face à l'adversité, que la pureté de son amour et son indéfectible humanité. Les Vertueux est un roman majeur, la plus impressionnante des œuvres de Yasmina Khadra.
Notre chronique
Dans ce roman touffu, parfaitement maîtrisé, Yasmina Khadra nous invite à suivre le périple semé d’embûches d’un jeune berger algérien incorporé dans les rangs de l’armée française au cours de ce que l’on a appelé La Grande Guerre, celle de 14-18. Cette dénomination est difficile à expliquer avec le recul, car la France a connu tout au long de son histoire des guerres incessantes. Est-elle grande par le nombre de ses victimes ou par la vaillance de ses combattants ?
Ce qui est certain, c’est que les coloniaux ont pris une part importante dans ce conflit, et en particulier les Algériens, ce qui est peu connu. Cette histoire, très bien construite et documentée, nous captive et nous révèle un pan de l’histoire algérienne, étroitement lié au nôtre. La plupart des lecteurs francophones ont certainement une connaissance limitée et cette histoire, aussi n’est-il pas inutile de rappeler que 48 000 indigènes (comme on les nommait à l’époque) ont perdu la vie dans les tranchées.
Yacine, le personnage principal est l’un de ceux qui ont lutté à Douaumont, à Verdun, aux côtés d’officiers français paternalistes et souvent méprisants. C’est un jeune homme ordinaire qui n’a jamais quitté son douar (une commune rurale qui, en général, regroupe une tribu). Il faut dire que l’Algérie, un territoire morcelé en régions très contrastées, est encore en 1914 presque entièrement agricole. Beaucoup d’habitants n’ont jamais quitté leur village. Et c’est donc le cas de qui, sous le coup d’une machination terrible (je n’en dis pas plus pour laisser la surprise au lecteur), va se retrouver incorporé au sein d’un régiment de tirailleurs dans l’armée française. Les souffrances qu’il va connaître sont nombreuses et son parcours n’est pas sans évoquer celui du Candide de Voltaire. Car, à l’instar du célèbre conte, ce livre est bien plus que l’évocation d’un parcours personnel dramatique. Il est la narration palpitante d’une ouverture au Monde, un Monde où règnent traîtrises, abus, et corruption. Ce que découvre Yacine, le lecteur le découvre aussi, que ce soit la réalité du pays, où l’atmosphère sanglante du champ de bataille. Qui sont ces caïds locaux qui collaborent avec l’occupant ? Qui est ce Cheikh tout puissant à la tête d’une véritable armée ? La réalité de l’Algérie que Yasmina Khadra nous invite à découvrir est complexe. Les riches familles aristocratiques pactisent avec les colons français. Et dans ce système, le pauvre berger (représentatif de millions d’Algériens) n’est qu’un pion arraché aux siens, un pion solitaire qui recherche désespérément sa famille dans une sorte de Quête du Graal infiniment touchante. Yacine n’est-il pas comme Perceval dans les Romans de la Table Ronde, le seul qui puisse déjouer tous les traquenards, les pièges et les complots afin d’atteindre le but ultime de sa quête, tout en ayant préservé son innocence ?
Pour aller plus loin
Cœur-d'amande
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