16 octobre 2018

Chronique : LA COULEUR BLEUE DU CIEL de Dominique Lebel

Notre chronique de la première nouvelle
La couleur bleue du ciel
Voilà une nouvelle qu'il faudrait mettre entre toutes les mains ! Elle est d'une douceur incroyable malgré le thème dérangeant et la cruauté du monde dépeint. Cette opposition rend le message encore plus fort et permet au lecteur de réfléchir sur son propre monde grâce à cette image du bleu qui peut représenter absolument tout ce que l'on souhaite, telle une métaphore de ce que l'on a de plus précieux mais que l'on délaisse, que l'on pervertit et qu'en fin de compte on détruit.
Je n'en dis pas plus afin de ne pas en dévoiler trop... et vous laisse découvrir ce texte profond d'une grande beauté.

Les coulisses du Monde en mieux par l'auteure  
Mes nouvelles sont à prix réduit à la FNAC, si vous n’êtes pas au courant c’est que vous l’avez fait exprès. J’ai l’habitude de faire des articles pour les auteurs en période de promo, cette fois c’est pour moi et que dire de ces nouvelles, sinon d’où elles viennent ?
La couleur bleue du ciel est née de photos de Dubaï, vues dans je ne sais plus quel magazine. Toute cette richesse exhibée, cette démesure, j’ai imaginé ce qu’ils pourraient nous proposer un jour, dans quel marché de dupes ils pourraient nous entraîner. Et le bleu, c’est pour les ciels de Tiepolo, qui ont cette couleur turquoise de la mer vue d’en haut, en Espagne. Sinon dans la vie, je ne porte pratiquement jamais de bleu et je n’en mets pas chez moi non plus.On vend bien son âme au Diable, pourquoi pas le bleu aux rois du pétrole ? Une ville dans le désert s’appelait à l’origine Marthaville, c’était un roman et le manuscrit n’est pas loin de moi. Je l’ai écrit pour l’anniversaire de mon mari, un cow boy de la distribution qui rentrait à la maison très tard le soir et ne pensait qu’à son chiffre d’affaires, je voulais lui offrir une histoire qui lui ressemble, dans une langue qui était la sienne et que je ne parlais pas. Je ne sais toujours pas s’il s’est reconnu. En tout cas j’ai transformé le roman en nouvelle, ce qui n’est pas courant je sais.
 Un jour, j’ai emmené une classe d’étudiants en BTS voir une exposition de photos, il y avait sur un grand mur les little dolls d’Alain Delorme, ces petites filles comme les autres, assises devant des gâteaux comme ceux qu’on achète dans les boulangeries, mais le tout avait été rectifié par photoshop et ça devenait terrifiant. Un véritable pamphlet coloré et violent  contre la dictature de la perfection. Ces images ne m’ont jamais quittées, j’en ai tiré Annie. Le grand chemin est la nouvelle la plus évidente, ce n’est pas celle que je préfère d’ailleurs. Et si l’on s’arrêtait tous de travailler ? C’est écrit partout dans la presse, c’est une question importante mais les questions importantes et moi… ce que j’aime dans ma nouvelle, ce sont les chiens dans le métro. J’ai lu un jour un article sur les chiens de Moscou, ces bandes qui vivent à la périphérie de la ville et qui s’organisent pour manger, prennent le métro, savent compter les stations etc. Et le barrage ? Il y a l’eau d’abord, on m’a parlé des villages engloutis à cause des barrages, un jour où je me baignais dans un lac près d’Albi. J’ai imaginé un clocher qui surgissait des eaux, j’ai pensé à une vie disparue, j’ai vu une forêt… le reste a suivi. J’ai écrit cette nouvelle en apnée, je crois que ça s’entend quand on la lit, cette sorte de fièvre. Ça ne m’arrive pas souvent. Les ébauches de trois de ces nouvelles ont été publiées dans mon blog, à l’époque des beaux jours de Carmen, si vous me lisiez alors, vous les avez peut-être reconnues. Je ne pensais pas en faire un livre un jour. Mais la vie, vous savez… la vie vous réserve de jolies surprises. Et à la rentrée prochaine, des lycéens de St Malo vont devoir les lire et les étudier et je ferai ma star dans les couloirs. Vous me direz comment m’habiller et je vous enverrai des photos ! Bonne lecture et bisous à tous. Dominique
Présentation
NE DIT-ON PAS TOUJOURS QUE LE MIEUX EST L'ENNEMI DU BIEN ? L'idéal, l'utopie d'une vie merveilleuse, dans des villes et des pays merveilleux, dirigés par des gens merveilleux pour des peuples merveilleux, c'est ce que chaque nouvelle de ce recueil raconte à sa manière. Mais l'idéal implique des renoncements, des compromis avec la vie, et alors les rêves peuvent se transformer en cauchemars, des cauchemars dont les personnages de ces histoires vont avoir bien du mal à se sortir. S'ils s'en sortent... Dominique Lebel est agrégée de lettres modernes et diplômée de l'École du Louvre. Elle a longtemps enseigné le français avant de se consacrer à l'écriture et d'être étudiée à son tour dans les lycées. Dans Le Monde en mieux, elle dépeint avec humour et ironie des situations terribles qui pourraient bien être issues de notre passé, de notre présent ou, pire, de notre avenir.


Biographie

Je suis née à Alger et j’ai quitté ce pays à l’âge de dix ans, pour aller vivre à Marseille. J’y ai connu les galets de la Ciotat et le bonheur des calanques.
J’ai ensuite vécu à Neuilly, au milieu de filles splendides que des voitures de sport attendaient à la sortie du lycée. J’y ai appris la vie légère et les confidences entre copines entre deux bouffées de Marlboro. J’ai fait mes études à la Fac de lettres de Nanterre, pas encore remise de Mai 68, j’y ai rencontré mon mari, j’avais dix-sept ans et nous écrivions des poèmes. J’ai commencé une longue carrière de professeur de Français et de Communication. Nous avons eu deux filles et nous avons pas mal déménagé. Je vis aujourd'hui à Albi, j’y fais visiter un petit musée consacré à Toulouse Lautrec.
J’ai des diplômes ronflants et une passion pour la lecture qui s’est emparée de moi assez tard. Je suis une inconditionnelle de Modiano et de Philippe Djian, qui sont les hommes de ma vie (loin derrière mon mari). J’ai publié cinq romans et deux recueils de nouvelles.

Interview
Quand avez-vous commencé à écrire ?
Il y a six ans, je crois. A peu près. J’avais écrit des choses avant, mais pas sérieusement et mon premier roman faisait 70 pages, c’était catastrophique.
Quelles sont vos principales sources d’inspiration ?
Une image qui me vient dans la tête et qui ne va pas me quitter. Mais pour Le monde en mieux c’était différent, je suis partie de photos vues dans une exposition, d’images vues à la télé, de ma vie avec mon mari aussi.
Une lecture fondatrice ?
Je crois que c’est La chute de Camus et La femme infidèle, l’une de ses nouvelles. Je me suis dit : écrire, c’est ça. J’avais mis la barre très haut !

Vos cinq romans préférés ?
Là, il va falloir que je consulte ma bibliothèque : en premier, loin devant tous les autres, La maîtresse de Brecht de Jacques-Pierre Amette. Ensuite Clarissa de Stefan Zweig, Aimez-vous Brahms de Sagan, tous les romans de Modiano, tous ceux de Philippe Djian et plus spécialement Marlène… ça fait beaucoup plus de cinq, désolée.






Avez-vous des habitudes/petites manies d’écrivain ?
Ah oui, il me faut un cahier (petit format, petits carreaux). Il me faut noircir ce cahier de phrases qui me viennent, d’idées pour un chapitre, il me faut coller des documents, une première ébauche tapée à l’ordinateur, corrigée (j’adore quand il y a plein de corrections), des photos, des plans auxquels je ne me tiendrai pas, des graphiques pour m’y reconnaître dans la chronologie de l’histoire. Ce cahier me sert à m’approprier mon roman. Le problème est qu’au bout d’un moment, je m’attache au cahier et je le préfère à ce que j’écris.
Quels sont vos meilleurs souvenirs d’auteur ?
Un jour, j’ai été invitée à parler de mon premier roman dans un lycée. Mon mari m’a accompagnée en voiture, j’avais mis trois heures à choisir ma tenue. Il m’a dit, narquois : « tu vas voir, quand tu vas arriver il y aura écrit Bienvenue Dominique Lebel ». Mon mari fait des blagues pourries. Et quand je suis arrivée, à l’entrée de ce grand lycée très respectable il y avait une banderole géante où j’ai pu lire : Bienvenue Dominique Lebel.
Quelles sont vos autres passions ?
La mode, ma mère avait des magasins de vêtements pour femme et j’ai donc grandi dans les chiffons. Je me damnerais pour une robe de DVF.
Quels sont vos projets d’écriture ?
J’ai une idée de roman, j’ai acheté un cahier petit format à petits carreaux et voilà : une mère écrit à son fils, qui est parti pour une année, il compte aller au bout du monde. Elle imagine ce voyage à travers des photos qu’elle trouve, des messages qu’il lui envoie, à travers ce qu’ont pu raconter Sylvain Tesson ou Nicolas Bouvier, qu’elle essaie de lire. Elle n’y connait rien, c’est son cœur de mère qui fait le voyage. Et puis il y a sa vie à elle, aussi, pendant une année.Je voudrais arriver à écrire ce roman parce que l’une de mes filles veut s’en aller jusqu’en Chine, comme ça à vélo. Je voudrais arriver à le faire publier, pour le lui offrir à son retour. Et au-delà de ce projet personnel, je pense qu’il faut s’interroger sur cette génération qui lâche tout, une belle situation, des amis, pour s’en aller sur les routes. C’est un phénomène nouveau et qui mérite de trouver sa place dans les librairies.
Un mot de la fin ?
Deux mots, si vous le permettez : d’abord je vous remercie infiniment de vous intéresser à moi qui suis une romancière du dimanche, inconnue et pleine de doutes. Ensuite, c’est une histoire de chemin : je vais suivre mon chemin, quoi qu’il arrive.

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