Description de l'éditeur
Un matin de juin 1914, à son réveil, René âgé de quatorze ans découvre le corps pendu de son père à la poutre centrale du salon de l'appartement familial. Ce traumatisme alimentera un besoin de révolte qui ne quittera pas le poète qu'il devint. Tourmenté par sa bisexualité, tiraillé entre l'amour qu'il portait à un peintre américain et à une jeune berlinoise adepte du triolisme, dégoûté par son corps atteint de tuberculose, René Crevel conjurait son mal de vivre en cherchant dans les abus de la drogue, du sexe, et des frivolités mondaines l'apaisement de ses maux. Jusqu'à son suicide en 1935 il rêva à une version régénérée du monde en devenant tour à tour membre du mouvement Dada, du groupe surréaliste et enfin du Parti communiste.
En une épopée passionnante, d'une plume alerte, Patrice Trigano fait revivre les moments d'exaltation, les sentiments de craintes, d'angoisses, les douleurs morales et physiques de René Crevel. Il dresse une peinture des milieux intellectuels des années vingt et trente, alors que le fascisme était en embuscade, à travers des portraits saisissants des amis du poète: Gide, Nancy Cunard, Breton, Éluard, Aragon, Tzara, Cocteau, Dali, Giacometti.
Ma chronique
Le titre du livre de Patrice Trigano renvoie à une oeuvre de Giacometti, La femme égorgée, sculpture (conservée au Musée d'Art Moderne de Paris) d'une célèbre figure du mouvement surréaliste, comme le furent Breton, Éluard, Aragon,... dont les portraits sont finement ciselés tout au long de cet ouvrage, biographie d'un artiste météore qui se suicida à trente cinq ans.
Touchante, déchirée, la vie de René Crevel est ainsi détaillée, prétexte à la présentation d'un mouvement artistique dont l'influence considérable ne doit pas effacer les contradictions toutes humaines de ses principaux instigateurs. Et c'est bien là, je pense, le fonds du projet de l'auteur : montrer à quel point il est difficile, voire dangereux pour son intégrité mentale et physique, d'appliquer dans sa vie personnelle des principes philosophiques extrêmes.
Le corps a ses raisons que la raison ne connaît point. René Crevel en a payé le prix. Vie de débauche, bisexualité, rejet absolu de la Société, et à terme tuberculose, sans doute conséquence d'excès chroniques.
En ce sens, peut-être Crevel a-t-il été comme Perceval le seul héros véritablement pur de cette histoire, alors que beaucoup d'autres membres du mouvement comme André Breton ou Aragon ont répondu pour l'un à la sirène de l'autoritarisme et pour l'autre à celle du dogmatisme stalinien.
On ne doit pas négliger, me semble-t-il, dans l'aventure stupéfiante de ces hommes qui voulaient révolutionner le monde du travail (sans le connaître du reste) par l'art, l'importance de la Grande Guerre, qui ne fut grande que par le nombre de morts.
Le surréalisme s'inscrit dans les Années folles, cette période qui durera jusqu'à la dépression de 1929. Aujourd'hui, à la suite de cette tragédie sanglante de 14-18, on dirait : ils ont voulu s'éclater, et dans tous les domaines, car la guerre n'a été motivée que par un conservatisme absolu des mentalités bourgeoises de l'époque. Il fallait briser le carcan des conventions, des puritanismes, des préjugés. Freud (qui par ailleurs n'appréciait pas les surréalistes) avait ouvert la voie en dévoilant l'infini potentiel de l'esprit. Tout était possible. Il fallait faire table rase des habitudes, des résignations, et ceci par tous les moyens. Mais ce mythe rousseauiste qui consiste à surestimer la bonté humaine se heurta une fois de plus à la réalité, aux travers et aux frustrations enfouies en chacun de nous. René Crevel assista déçu à la désacralisation de ses idoles. Acculé par la maladie, il mit fin à ses jours comme l'avait fait son père avant lui, en nous laissant ces derniers mots amers :
Qu'on brûle mon corps. Dégoût.
À découvrir !
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Gabriel et Marie-Hélène.