Pour ses partisans, l’alchimie est un moyen de parvenir à l’illumination (un équivalent de l’éveil, chez les bouddhistes) autrement dit, d’être touché par la lumière divine.
Pour ses détracteurs, elle n’est que supercherie, tout au plus le fait de précurseurs de la chimie, d’empiristes mus par l’appât du gain (changer le plomb en or). Loin de nous la volonté de trancher le débat, nous laisserons au lecteur la liberté de choisir.
Toutefois, il reste légitime de se poser certaines questions même si nous sommes incapables d’obtenir des réponses définitives.
La première qui nous vient à l’esprit est celle-ci : pourquoi tant de gens, à toutes les époques, et dans la plupart des grandes civilisations auraient-ils pratiqué cet art (les alchimistes se qualifient d’artistes) si celui-ci ne se résumait qu’à un simple charlatanisme ? Et pourquoi auraient-ils consacré toute l’énergie décrite dans leurs traités dans un but fallacieux ?
Force est d’admettre que l’alchimie (le travail de laboratoire pouvait s’étendre sur de nombreuses années) devait nécessairement provoquer quelque chose sur son opérateur. Or, c’est précisément la nature de ce quelque chose qui fait l’objet du débat.
Une deuxième question s’impose alors. Pourquoi, dans toutes les sociétés, les hommes ont-ils cherché à s’émanciper du monde réel dans une logique religieuse ? Que ce soit par des drogues (les chamans), ou par une maltraitance du corps (la danse du soleil des Sioux), tous les moyens ont toujours été bons aux êtres humains pour passer la frontière et entrer en contact avec les esprits, ou avec Dieu (les moines au Moyen Âge se scarifiaient, voire s’automutilaient).
Ces remarques amènent une troisième question et ouvrent, à mon avis, une nouvelle piste de réflexion intéressante : les alchimistes étaient-ils conscients des effets délétères des substances avec lesquelles ils travaillaient, n’ayant aucune des connaissances scientifiques basiques qui furent posées par Lavoisier au dix-huitième siècle ?
Beaucoup d’entre eux ont rapporté leurs rêves dans des livres. Des rêves qui, affirment-ils, les ont amenés vers la révélation ultime. Or, ces rêves ressemblent étrangement à des visions, et en particulier aux visions décrites par Hildegarde de Bingen dans Le Livre des œuvres divines. Cette abbesse bénédictine du Moyen Âge, célèbre précisément pour ses visions mystiques, était également botaniste, autrement dit maîtresse des simples et médecin. Il est donc certain qu’elle connaissait parfaitement les vertus des plantes (d’ailleurs certains se soignent encore de nos jours sur la base de sa pharmacopée). De là à déduire qu’elle en utilisait pour provoquer ses visions, il n’y a qu’un pas à franchir !
Mais, revenons-en à nos alchimistes. Lorsque l’on étudie leurs traités, on s’aperçoit qu’ils utilisaient des matières très nocives une fois chauffées. Certaines étaient radioactives (et donc nocives telles quelles), d’autres mêlées d’arsenic (toxique en inhalation), une substance considérée de nos jours comme un facteur déclenchant de la maladie d’Alzheimer. Enfin, le mercure, couramment cité, est aujourd’hui connu comme un dangereux neurotoxique.
Il est donc certain que les alchimistes célèbres, depuis Nicolas Flamel jusqu’à Fulcanelli, ont été exposés sur de longues périodes à des émanations chimiques hautement nuisibles. En étaient-ils conscients ? Jusqu’à quel point ces interactions ont-elles joué sur la lucidité de leurs observations, sur leur ressenti, sur leurs conclusions phénoménologiques ?
Pour le savoir, il faudrait soi-même se lancer dans une aventure qui nous projetterait, d’une manière ou d’une autre, hors du temps…
Lecteurs, si le courage ou la volonté vous font défaut (
ce qui est excusable vu les risques encourus), nous vous invitons plus simplement à vous plonger dans notre roman,
L’Œuvre au rouge.
Bien des expériences y sont décrites, où nos alchimistes doivent faire face à la cruelle et mystérieuse volonté des éléments chimiques…
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