05 décembre 2021

Chronique littéraire : Aulus de Zoé Cosson (L’arbalète, Gallimard).

Présentation de l’éditeur

Aulus est une station thermale des Pyrénées construite à la Belle Époque, qui ne compte plus, aujourd’hui, qu’une centaine d’habitants. Depuis son enfance, la narratrice y vient chaque année. Elle réside dans l’hôtel désaffecté que son père a acheté un jour aux enchères, point de départ de ses randonnées.

Dans le village et sur les chemins, la narratrice écoute, regarde et recueille habitudes et histoires des Aulusiens : la météo, l’ours, la centrale plantée sur une rivière, les élections… Elle en fait un récit, celui d’un écosystème fragile, où hommes et nature cohabitent comme ils peuvent. Où une ancienne mine pollue dangereusement la montagne. Où tout menace de se défaire, malgré la force millénaire de la roche omniprésente. Un récit actuel, métaphore de notre époque, en perpétuelle rupture d’équilibre.


Notre chronique

Texte épuré, poétique, à la langue parfois (rarement) familière. Un style qui épouse magnifiquement le propos de l'auteure. 

« Ce matin encore, je songe aux prochains départs. Aux corps qui construisent des espaces, aux espaces construits par des corps. Je regarde cette carte punaisée dans l'abri du jardin. C'est une carte peinte à vue, à l'encre de Chine. »

Simplicité des gens, de la montagne, de ce minuscule village, rendue par ce récit court, direct, sans fioritures. 

« En dehors de ses fausses notes boiteuses qui la rendent touchante, l'église du village est sinistre : seule et grise, abandonnée derrière des barreaux de prison depuis que les curés manquent. On ne s'y rend que pour les enterrements. On n'y repense qu'en fredonnant l'air enfantin qui sonne à son clocher toutes les heures. Son seul plaisir, sadique en hiver, est de jouir de la lumière plus que n'importe quelle maison du village. »

Des phrases plutôt courtes. Une ponctuation parfois oubliée, comme si l'auteure ne pouvait pas prendre le temps de l'ajouter, dans une sorte de transe.

En bref, une très belle ode à un village, à un passé et à un mode de vie empreint de nostalgie où l'on cherche un avenir qui pourrait encore tout concilier. Emblématique de notre époque qui se cherche entre repères anciens et urgences...

« Encombrée par mon corps tombé d'ailleurs, je m'efface à leur présence. Je suis seulement les lignes que tracent les Aulusiens dans la grande pièce du rez-de-chaussée, j'écoute le chant de leurs voix chaudes, épaisses. Du miel sort de leurs bouches et enrobe toute chose d'une substance gourmande. Ils ne ressemblent pas aux gens de la ville. Ils ne fixent pas le sol à côté de leurs chaussures, ne soupirent pas. Ils ont des dizaines de poches greffées au pantalon, à la silhouette, des semelles crantées, une voix qui s'affirme sans détour et roule, et quand ils rient, tout leur corps vibre avec eux. Ce sont des corps du dehors, habitués à négocier avec la solitude, le temps qui ne meurt pas. Des corps tenaces qui ne tressaillent pas à l'intérieur. »

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Gabriel et Marie-Hélène.