Interview
Bonjour Aurélien, quand avez-vous commencé à écrire ?
Autour de 18 ans, au début de l'Hypokhâgne, même si j'écrivais u peu depuis tout petit. Mais je détestais jusqu'alors lire de la poésie.Pourquoi la poésie justement ?
Je ne sais pas ; un déclic s'est opéré à cette époque. La poésie est l'art du langage, et donc de la pensée. Je prends plaisir à considérer les mots comme des objets plastiques et sensuels (rythme, musicalité), et non plus seulement comme des vecteurs de sens.
Quels sont vos poètes préférés, pour quelles raisons ?
Aucun en particulier. Mais parmi ceux qui me viennent en tête : Victor Hugo en français (La Légende des siècles, les Contemplations) ; Charles-Sébastien Leconte ; en persan, Rumi et Omar Khâyyam ; en anglais, la liste est trop longue, mais T S Eliott, Whitman, Tagore ; Virgile en latin ; Rilke en allemand.Pourriez-vous nous citer vos vers préférés ?
C'est comme les grandes traditions de sagesse : toutes expriment le même fond d'enseignements, mais leur expression diffère. Idem pour ces poètes : tous partagent une vision commune, mais son expression diffère.
Aucun en particulier non plus, mais parmi les belles trouvailles :Quels sont vos projets les plus fous ?
Victor Hugo
Priez. Ne livrez point ma doctrine aux querelles.
Est-ce que les épis sont pour les sauterelles?
Quand je serai parti, vous répandrez ma loi.
Beaucoup se tromperont, l'erreur naîtra de moi.
L'ombre est noire toujours même tombant des cygnes. (la fin de Satan)
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Et je reste parfois couché sans me lever
Sur l'herbe rare de la dune,
Jusqu'à l'heure où l'on voit apparaître et rêver
Les yeux sinistres de la lune.
Elle monte, elle jette un long rayon dormant
A l'espace, au mystère, au gouffre ;
Et nous nous regardons tous les deux fixement,
Elle qui brille et moi qui souffre. (Paroles sur la Dune)
Chez Hugo, ce genre de trouvailles se comptent par milliers. La Légende des siècles est une mine d'or.
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L’effet pleure et sans cesse interroge la cause.
La création semble attendre quelque chose.
L’homme à l’homme est obscur.
Où donc commence l’âme ? où donc finit la vie ?
Nous voudrions, c’est là notre incurable envie,
Voir par-dessus le mur. (Pleurs dans la nuit)
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Sébastien-Charles Leconte
Et quand dérivera, sous les muettes ondes,
Sans doigt pour le compter et sans yeux pour le voir,
Noyé dans l’insensible éternité du soir,
Le débris du naufrage inaperçu des mondes,
Cette heure viendra-t-elle où le ciel sera noir ? (Les ténèbres suprêmes)
Tout son recueil "La Tentation de l'homme" est un chef-d’œuvre absolu.
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P. Valéry :
Ils ont fondu dans une absence épaisse,
L’argile rouge a bu la blanche espèce,
Le don de vivre a passé dans les fleurs !
Où sont des morts les phrases familières,
L’art personnel, les âmes singulières ?
La larve file où se formaient les pleurs. (Cimetière Marin)
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Mystérieuse MOI, pourtant, tu vis encore !
Tu vas te reconnaître au lever de l’aurore
Amèrement la même...
Un miroir de la mer
Se lève... Et sur la lèvre, un sourire d’hier
Qu’annonce avec ennui l’effacement des signes, (la Jeune Parque)
J'en ai des dizaines qui me viennent encore à l'esprit. L'anthologie poétique de Pompidou (oui, l'ancien Président français) est sans doute la meilleure jamais réalisée. Les vers qu'il choisit sont incomparables. Je vous la recommande chaudement.
Faire une chaîne Youtube sur la poésie. Consacrer ma vie à raffiner cet art.Vos prochains projets en ce qui concerne l'écriture ?
Attendre le moment propice pour publier mon premier recueil, qui est pratiquement terminé.Auriez-vous la gentillesse de partager un extrait de votre recueil avec les lecteurs de ce blog, s'il vous plaît ?
Avec plaisir !
AUX RIVES DU LÉTHÉMerci infiniment Aurélien !
Nos fragiles radeaux passent au fil de l’onde,
Car le fleuve des ans nous entraîne avec lui
Vers un vaste océan, dont l’horizon nous fuit
Et n’offre qu’un abîme à notre œil qui le sonde.
Aussi naviguons-nous comme en la nuit profonde
Sur cette éternité que l’on nomme aujourd’hui,
Et chaque jour qui passe et s’écoule sans bruit
Nous conduit vers la face invisible du monde.
Nous écoutons le temps souffler dans notre dos,
Cependant que, juchés sur nos frêles radeaux,
Nous sillonnons sans cap la mer de l’existence,
Et, cherchant sans les voir les clairs fanaux des ports,
Nous abordons sans force, au soir de notre errance,
Le rivage incertain du continent des morts.
YA FATTAH
Ô Rūmī ! Ô Mawlawī !
Longue est ma barbe, et longue est la nuit qui m’attend ;
Tout ce que nous aimons passe avec les nuages,
Et la terre en son ventre engloutit nos ouvrages,
Car la vie ici-bas ne dure qu’un instant.
Pourtant, mon bien-aimé, j’ai suivi si longtemps
La trace de ton pas dans le sable des âges,
Et t’ai connu sous tant de différents visages,
Que ta voix me paraît la voix même du temps.
Et, quoique ayant vécu bien avant que je naisse,
Tu me rends chaque jour un peu de ma jeunesse,
Car rien n’est plus semblable à mon cœur que le tien ;
Si ce cœur est plus grand que la chair qui l’abrite,
Et s’il palpite encore en ces vers qu’il habite,
Ni le temps ni la mort ne briseront ce lien.
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