À la veille de la sortie d'une nouvelle version (revue et augmentée) de La
musique adoucit les mœurs, sous le titre Dissonances, aux Éditions Nouvelle Bibliothèque, voici un retour qui nous touche énormément :
Un gigantesque merci à Laurence pour sa gentillesse, ses ressentis et analyses toujours très pertinentes !
En voici quelques extraits :
Les grues
Met en scène un jeune musicien de jazz qui, ne pouvant vivre
de son art, enchaîne les petits emplois par intérim. Le travail à la chaîne auquel il doit se livrer fait écho à sa vie
sentimentale, qui elle aussi suit un schéma répétitif. Cela m’a d’ailleurs
beaucoup amusée ! Je retrouve dans cette nouvelle, un style d’écriture que je
trouve particulièrement soigné et des phrases dont j’adore la formulation. Plusieurs
scènes m’ont fait très rapidement penser aux Temps Modernes de Charlie Chaplin que j’apprécie tant. A lire +++
Plus on avance dans la lecture du recueil et plus le titre
prend toute sa dimension ironique !
Canada
Est terrible malgré la légèreté des valses de Chopin. "La
musique commence là où la parole est impuissante à exprimer" suggérait
Claude Debussy. Comment donc Marie-Hélène Fasquel et Thierry Erhart ont-ils
réalisé leur choix ? La narration est en fait aussi légère et apparemment aussi
insouciante que la musique. Je remarque qu'à nouveau, les gens simples, la
classe ouvrière, monsieur tout le monde, des gens comme moi en somme,
apparaissent dans cette nouvelle. La musique ne semble jamais réservée à une élite,
à un petit groupe de spécialistes. Elle s'ouvre, est accessible à tous et est
parfois interprétée par de petits trafiquants peu fréquentables comme dans la
nouvelle intitulée Ker-Néant. Leur façon de s'exprimer me paraît très
authentique car je connais bien ce milieu qui fut aussi le mien. J'en suis assez touchée. Je me demande d'ailleurs si cette musique qui est
mise à la portée, à la disposition de tous, ne fait pas écho au travail de
professeure de Marie-Hélène qui tente de combattre l'échec scolaire en rendant
la connaissance accessible à tous ses élèves sous des formes variées et
attractives.
Dies Irae est un extrait magnifique du requiem composé par Wolgang Amadeus
Mozart que j'écoute à nouveau avec grand plaisir alors que j'écris ces quelques
phrases à propos de la 7ème nouvelle éponyme. Cette expression latine signifie
« jour de colère » et correspond dans le requiem, à la messe des morts. Ce
choix n’est pas un fait du hasard puisque l’histoire se déroule dans une Ehpad. Cette maison semble être un microcosme en lui-même, microcosme
dont les couloirs portent des noms tels que Rue Fernandel ou Rue Bourvil. Ces deux
acteurs comiques ne reflètent en rien l’état d’esprit des retraités qui ne
cessent de tourner le regard vers le passé avec une certaine nostalgie, voire
mélancolie, alors que doucement ils cheminent vers leur inexorable « départ ». Cela
donne lieu à des scènes extrêmement drôles lorsqu’une animatrice, quelque peu
désespérée, tente de les occuper à travers des activités culturelles. Elle
regarde encore vers l’avenir, elle a tout le temps devant elle, alors que ces personnes âgées se raccrochent à leurs souvenirs, tout en s’invectivant.
C’est cette divergence des regards qui crée de grandes incompréhensions et
impatiences, il me semble. Au centre, il y a Maggie, une musicienne à la
retraite qui m’a énormément touchée. Elle aussi se remémore le passé, les beaux
souvenirs qui s’éloignent chaque jour d’avantage pourtant. Dans un élan
illusoire pour contrôler sa vie, elle ritualise ses journées avec des activités
qui se déroulent à des moments très précis, se réjouit du fait que ses fleurs «
aient besoin d’elle », participe aux activités, rend visite à son amie qui
réside dans une autre « rue ». Il me semble que Maggie n’est pas dupe. Elle
sait qu’elle ne maîtrise pas sa destinée même si elle décide de « prendre en
main » le destin de son amie. En effet, l’écoute quotidienne du requiem lui
rappelle très certainement sa finitude. Ne sommes-nous tous pas des « Maggie »
? Nous nous agitons, nous élaborons, nous organisons, nous planifions, pour
donner du sens, pour avoir le sentiment de maîtriser notre destin... peut-être
aussi pour oublier qu’un jour nous « partirons ».
Mehndï
J’ai porté une attention particulière à la dernière nouvelle
du recueil. Les auteurs nous transportent cette fois-ci en dehors des limites
familières de la France puisque nous suivons un groupe de musiciens en Egypte,
au Caire plus précisément. Ils ont été engagés pour assurer la bande-son d’un
film de Lubitsch, Les
yeux de la Momie Mâ et diriger une masterclass. C’est dans le cadre de
cette dernière tâche qu’ils vont rencontrer Salomon, David et Mehndï, trois
jeunes musiciens au talent exceptionnel. Tous sont des chrétiens coptes qui ont
connu la persécution. Les références religieuses sont d’ailleurs nombreuses
tout au long de l’histoire, soulignant ainsi la multiplicité et les différentes
composantes culturelles de ce pays des pharaons. Il est à souligner,
d’ailleurs, que Mehndï, bien que chrétienne, porte un nom qui désigne également
un joli tatouage dentelé au henné que les femmes arborent sur leurs mains. Mehndï
est une jeune femme dont le charme ne laisse pas le narrateur indifférent. Cette
jeune femme dont la beauté est comparée à celle de Néfertiti va subitement être
enlevée pour être mariée de force par un groupe salafiste dont le chef se nomme
Abdel Wahab. On y voit immédiatement une référence au prédicateur Mohammad Ibn
Adb al-Wahhab dont la doctrine tristement célèbre sera appliquée en Arabie
Saoudite dans les années 30. J’ai tremblé jusqu’au bout pour ces jeunes gens
mais le courage, la beauté, le talent et l’amour permettent finalement de venir
à bout de l’ignorance et de l’obscurantisme. J’ai perçu, dans cette nouvelle,
un entrelacement parfait des passions qui animent les deux auteurs : la
musique, la culture, l’étude et la connaissance. Cette jeune femme, qu’un
destin funeste attendait, va parvenir à s’extirper de sa condition de femme
grâce à son intelligence et son éducation.
Laurence
Je suis originaire de Dieppe en Normandie où je suis née le
17 novembre 1968.
J'ai fait mes études à l'université de Rouen où j'ai obtenu
ma licence après une année d'assistanat en Écosse puis le CAPES en 1996.
J’ai préparé une maîtrise de littérature à l'université de
Toronto que je n'ai pas finalisée. Elle portait sur Margaret Atwood.
J'ai enseigné pendant 14 ans dans la région dieppoise dont
les 8 dernières années au Collège Georges Braque de Dieppe.
Après avoir rencontré mon mari qui est suisse, je me suis
installée en Valais il y 12 ans.
Après avoir fait quelques remplacements, je suis restée 4
ans à la maison afin d'élever mes deux filles. J'ai eu la chance de trouver un
poste de professeure d'anglais à l'ECCG de Sierre il y a 7 ans. (École de Commerce
et de Culture Générale. C'est un peu l'équivalent de nos lycées
professionnels).
Comme j'avais un petit bloc horaire j'ai accepté d'enseigner
l'ECR (l'Éthique et la Culture religieuse) en école primaire. Soucieuse de
faire correctement mon travail, j'ai décidé de suivre une formation théologique
pendant deux ans au Centre de Formation des Cèdres à Lausanne.
Je travaille désormais seulement 15 heures malheureusement
car nous perdons des classes chaque année. Afin de limiter cette perte, mon
directeur a décidé de me confier une classe de 1ère année à laquelle j'enseigne
la Culture Religieuse. Je dois avouer que j'y prends énormément de plaisir
malgré le stress engendré par certains chapitres pour lesquels je dois
travailler beaucoup pour être tout à fait au point.
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Gabriel et Marie-Hélène.