Chaque jour, Mathilde prend la ligne 9, puis la ligne 1, puis le RER D jusqu’au Vert-de-Maisons. Chaque jour, elle effectue les mêmes gestes, emprunte les mêmes couloirs de correspondance, monte dans les mêmes trains. Chaque jour, elle pointe, à la même heure, dans une entreprise où on ne l’attend plus. Car depuis quelques mois, sans que rien n’ait été dit, sans raison objective, Mathilde n’a plus rien à faire. Alors, elle laisse couler les heures. Ces heures dont elle ne parle pas, qu’elle cache à ses amis, à sa famille, ces heures dont elle a honte.
Thibault travaille pour les Urgences Médicales de Paris. Chaque jour, il monte dans sa voiture, se rend aux adresses que le standard lui indique. Dans cette ville qui ne lui épargne rien, il est coincé dans un embouteillage, attend derrière un camion, cherche une place. Ici ou là, chaque jour, des gens l’attendent qui parfois ne verront que lui. Thibault connaît mieux que quiconque les petites maladies et les grands désastres, la vitesse de la ville et l’immense solitude qu’elle abrite.
Mathilde et Thibault ne se connaissent pas. Ils ne sont que deux silhouettes parmi des millions. Deux silhouettes qui pourraient se rencontrer, se percuter, ou seulement se croiser. Un jour de mai. Autour d’eux, la ville se presse, se tend, jamais ne s’arrête. Autour d’eux s’agite un monde privé de douceur.
Les heures souterraines est un roman sur la violence silencieuse. Au cœur d’une ville sans cesse en mouvement, multipliée, où l’on risque de se perdre sans aucun bruit.
L'auteure
Delphine de Vigan est une romancière française.
Son premier roman, "Jours sans faim", est paru en 2001 aux éditions Grasset sous le pseudonyme de Lou Delvig, pour ne pas heurter sa famille.
En 2007, "No et moi" reçoit le Prix des Libraires. Ce "roman moral" à succès sur une adolescente surdouée qui vient en aide à une jeune SDF a été récompensé par le prix du Rotary International 2009 et par le Prix des libraires 2009. Il a été traduit en vingt langues et une adaptation au cinéma a été réalisée par Zabou Breitman, film sorti en novembre 2010.
En 2008, Delphine de Vigan a participé à la publication de "Sous le manteau", un recueil de cartes postales érotiques des années folles.
En 2009, elle a été récompensée par le "prix du roman d'entreprise," décerné par deux cabinets de conseil (Place de la Médiation et Technologia) avec le soutien du ministre du travail de l'époque Xavier Darcos, pour ses "Heures souterraines" (Jean-Claude Lattès) qui a également obtenu le prix des lecteurs de Corse en 2010. Le roman a été adapté pour Arte par Philippe Harel.
En 2011, elle obtient le prix du roman Fnac, le Prix Roman France Télévisions et le Prix Renaudot des Lycéens pour "Rien ne s'oppose à la nuit" ainsi que le grand prix des lectrices Elle 2012. Eelle co-scénarise le film de Gilles Legrand "Tu seras mon fils" avec Niels Arestrup et Lorant Deutsch.
En 2012, elle signe la préface de la BD de sa sœur Margot "Frangines, et c'est comme ça".
En 2015, elle a publié un nouveau roman "D'après une histoire vraie" couronné par le Prix Renaudot et le Prix Goncourt des Lycéens. Le roman est adapté pour le cinéma par Roman Polanski avec Éva Green et Émmanuelle Seigner.
Après son roman "Les loyautés", paru en 2018, elle continue à explorer les grandes valeurs humaines avec "Les gratitudes", paru en mars 2019.
Mère de deux enfants, elle vit avec le critique littéraire, reporter et animateur d'émissions culturelles de radio et de télévision, François Busnel.
Notre chronique
Ce roman qui nous plonge dans les vies solitaires de Mathilde et Thibaut est d’une puissance rare. Ce texte nous donne à voir et à comprendre ce que ressentent deux personnages perdus dans un Paris qui avale et recrache tout le monde avec violence au détour d’un RER ou dans des rues qui sont parfois bouchées (métaphore filée de l’ouvrage : les relations qui ne mènent nulle part, qui sont à sens unique, comme tellement de voies dans le centre de Paris, la solitude du RER et du métro que l’on retrouve dans le monde du travail quand tous abandonnent Mathilde qui souffre de harcèlement, du jour au lendemain, pour avoir donné raison à un autre que son supérieur immédiat et mentor.)
Un texte qui questionne nos vies (et même le sens de la vie), nos comportements et nous pousse à nous remettre en question quand on n’est pas capable de voir au-delà des apparences.
Dans ce texte « L’enfer c’est les autres », parfois, souvent, mais c’est aussi et surtout le manque de l’autre.
Pour aller plus loin
Un texte qui questionne nos vies (et même le sens de la vie), nos comportements et nous pousse à nous remettre en question quand on n’est pas capable de voir au-delà des apparences.
Dans ce texte « L’enfer c’est les autres », parfois, souvent, mais c’est aussi et surtout le manque de l’autre.
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