28 avril 2021

Chronique littéraire : Comme des bêtes de Violaine Bérot (Buchet Chastel).

Résumé

La montagne. Un village isolé. Dans les parois rocheuses qui le surplombent, se trouve une grotte appelée ’la grotte aux fées’. On dit que, jadis, les fées y cachaient les bébés qu’elles volaient.

À l’écart des autres habitations, Mariette et son fils ont construit leur vie, il y a des années. Ce fils, étonnante force de la nature, n’a jamais prononcé un seul mot. S’il éprouve une peur viscérale des hommes, il possède un véritable don avec les bêtes.

En marge du village, chacun mène sa vie librement jusqu’au jour où, au cours d’une randonnée dans ce pays perdu, un touriste découvre une petite fille nue. Cette rencontre va bouleverser la vie de tous...

Violaine Bérot, dans ce nouveau roman à l’écriture poétique, décrit une autre vie possible, loin des dérives toujours plus hygiénistes et sécuritaires de notre société. Un retour à la nature qu’elle-même expérimente depuis vingt ans dans la montagne pyrénéenne.


L'auteure

Née en 1967, Violaine Bérot vit dans les Pyrénées. Son parcours éclectique l’a menée de l’informatique à l’élevage de chèvres. Dans cette vie en soubresauts, une seule constante : écrire.


Notre chronique

Cet ouvrage, construit comme un documentaire, dont chaque chapitre nous révèle un peu plus sur le protagoniste à travers les témoignages croisés de divers personnages, est magistral. 

Le titre déjà interpelle : va-t-il s'agir d'un bienheureux retour à un Eden innocent, ou d'une sauvagerie effrayante, "bestiale" justement ?

Nous verrons que les bêtes dont il est question ne sont pas celles que l'on imagine, bien au contraire...

La couverture intrigue : qui sont ces étranges créatures, qu'on dirait primitives, dansant la sarabande sur le mur d'une caverne ? Nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

Voici l'histoire d'un jeune homme différent, parce qu'il est muet, parce que la compagnie d'autres êtres humains le terrifie, parce qu'il a une complicité particulière avec les animaux. Que s'est-il passé d'indicible pour qu'il n'en "ait pas les mots", qu'il ait trouvé refuge dans le silence, qu'il ait fui ses semblables en compagnie de sa mère, "Mariette", une petite Marie, un archétype chaste et universel ?

Profondément bon et sensible ("tout être en souffrance l'interpelle"), il est aussi profondément incompris. Épris de liberté, on veut l'enfermer, il risque d'être le martyre d'une société normée dans laquelle toute aspérité doit disparaître en dépit de tout.

Et quelle relation entretient-il avec les fées dont la légende, tenace, raconte qu'elles cachent dans une grotte les bébés qu'elles ont volés ? Leur complainte, sous forme de poèmes, débute chaque chapitre et offre une clé pour comprendre, ainsi qu'un fil rouge.

"Nous les fées parfois entendons du monde d’en bas certaines voix s’élever.

Certaines voix discordantes dissonantes les voix de certains normaux anormalement normés."

En filigrane, l'horreur de toute violence, et la question de la parentalité : peut-on être une mère attentive en étant marginale ? Comment mesurer ce que c'est que d'être un bon parent ? Faut-il mettre ses enfants à l'abri loin du monde pour les protéger et leur éviter d'être écrasés par la normalité dominante ? Le retour à la nature est-il une solution ? Quel symbole dans la nudité de la petite fille que l'on retrouve errant perdue dans la montagne ? Le mythe du bon sauvage n'est peut-être pas loin. Ou bien les hommes sont-ils leurs propres prédateurs, et les plus cruels, jusqu'à l'inimaginable ? Jusqu'à la stupeur qui laisse sans voix.

Un livre remarquable, non dénué de suspense, que je recommande chaleureusement.

#Commedesbêtes #NetGalleyFrance

2 commentaires:

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Gabriel et Marie-Hélène.