Dans un futur proche, les moeurs du monde occidental sont bouleversées par un programme informatique, TimeWise, dont la fonction est de déterminer la date de fin de l'histoire d'amour des couples. Fous amoureux, Lola et Victor y ont recours. La machine leur annonce qu'il leur reste deux mois à vivre ensemble. Lola s'en moque, Victor est sous le choc.
Notre chronique
Un premier roman parfaitement réussi qui épingle nos travers et les dangers de la toute-puissance supposée des nouvelles technologies.
Une fable moderne qui, un peu comme Les enfants sont rois de Delphine de Vigan, nous fait réfléchir, nous met sur pause le temps d’analyser notre rapport à Internet et ses semblables, censés nous aider, nous soutenir, nous rendre la vie meilleure. Mais toute nouveauté est-elle forcément un progrès pour l’humanité ? C’est cette folle croyance, cet aveuglement massif, que l’auteure dénonce.
« L’arrivée de la TimeWise dans les ménages occidentaux avait provoqué une flambée médiatique intarissable. Son utilisation avait soulevé au sein des ménages de nombreuses questions. Fallait-il, au nom de son couple, s’interdire son emploi dans le souci de préserver son union ? Ou valait-il mieux, au contraire, prendre le risque de la fragiliser, si cela permettait d’atteindre la vérité ? Et dans ce cas-là : un amour épanoui pouvait-il supporter les contours d’un temps imparti ? Une relation ennuyeuse devenait-elle plus palpitante si elle était vouée à un grand succès linéaire ? »
Remettre en question un amour parce que l’on vous a prédit sa fin proche ? Quelle folie ! Et pourtant...
« La propension humaine à s’autosaboter est si importante que le but de la vie n’est finalement peut-être pas le bonheur, pensa Victor. »
Ou est-ce que tout dépend de ce que nous faisons de ces avancées techniques ? Créent-elles de nouveaux besoins, ou se mettent-elles au « service » de demandes préexistantes ?
Les campagnes de calomnie, d’injures, de haine, et aussi les chaînes de solidarité existaient avant les réseaux sociaux, l’injustice a le plus souvent été constitutive des sociétés avant la fracture informatique.
Et c’est depuis toujours, et par tous les moyens mis à sa disposition que l’être humain cherche à déchiffrer l’avenir. À savoir à l’avance. Est-ce que tout est déjà écrit ? Est-il possible de changer une destinée toute tracée ? Sommes-nous agis, comme dans les tragédies antiques, par des forces implacables ? La nouvelle divination se fait-elle désormais au cœur d’un algorithme, auquel on fera confiance plutôt qu’à ses sentiments ? Une fois la prophétie formulée, bien souvent elle se réalise parce que nous enclenchons sans le vouloir des mécanismes qui lui donneront raison.
Ou, au contraire, pouvons-nous échapper à cette programmation inflexible en écoutant notre instinct, plus fort que tout ? En faisant confiance à notre intelligence, notre sensibilité qui vont nous rendre notre libre arbitre et notre pouvoir de décision. Il y a l’outil, il y a l’usage qu’on en a. Pouvons — nous échapper aux prophéties, modélisations, simulations, projections tout simplement en les ignorant ? Ou en les remettant en question ? Désormais on peut vous annoncer l’heure de votre mort (ce que les cartomanciennes faisaient déjà, d’ailleurs) avec précision. Ou soi-disant. Qui a envie de ce genre de terrible certitude ? Question corrélée à celle de la fragilité de toute existence, de toute activité, à la menace de la perte possible à tout moment qui effectivement rend la vie plus intense, plus précieuse, plus chérissable. Car ainsi fonctionne le logiciel de toute créature.
Les problématiques posées par cet ouvrage très intéressant vont bien au-delà d’un problème de société de l’époque actuelle et de ses outrances, fêlures. Elles résonnent au plus profond de nous, de nos peurs, de notre crédulité, de notre goût du contrôle quand justement nous sommes perdus. Un livre qui suscite le débat, à découvrir, méditer et partager !
Pour conclure :
« Fallait-il qu’un processus de dégénérescence soit systématiquement enclenché pour que l’on en vienne à sincèrement savourer l’objet de sa perte ? Fallait-il qu’un pronostic vital soit engagé pour veiller le présent ? Finalement, fallait-il perdre ce que l’on aimait pour l’aimer davantage ? »
Pour aller plus loin
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Gabriel et Marie-Hélène.