Un spectacle comme un coup de poing. On en sort sonné.
Sonné, mais troublé, perturbé, émerveillé. Kevin Gouabault, acteur unique et
magistral, nous entraîne dans un maelström qui ne l’épargne pas lui-même.
Soldat démobilisé et rendu blessé au monde, il se bat désormais contre des
spectres, ceux des morts, passés et à venir, car le thème central de la pièce
est bel et bien, à l’instar de Shakespeare, celui de la mort.
« J’ai peut-être vingt ans, trente ans à vivre, et j’y
passerai comme les autres ; quelle misère, ne plus y être ! » hurle l’acteur,
citant Laforgue directement.
Adapté avec talent d’une nouvelle par l’acteur, le texte
garde et transcende un délire bien présent déjà dans le texte original :
« Il n’y a plus de jeunes filles ; toutes des gardes-malades
; j’oublie les petites poupées adorables, les vipères et les petites oies à
duvet pour oreillers ! », c’est que Laforgue, mort dans la fleur de l’âge, à
mangé du fruit de l’inconscience, ses textes, comme sa poésie ne s’embarrassent
plus des conventions, il est un anarchiste littéraire, un libertaire
profondément inadapté à son époque,
comme l’est ce soldat, marqué par les horreurs de la guerre.
Et pourtant ! Oui, pourtant, que de prosodies, de rythmes
dans la nouvelle d’origine, non pas involontaires, mais assumés avec humour : «
Les décatis bouquets des galas éphémères » pour l’alexandrin par exemple.
Cependant, c’est le délire qui prévaut. Un délire morbide et rebelle. L’homme
doit s’insurger : c’est son destin. Car la vie telle qu’on la subit souvent est
trop absurde. Laforgue cite Shakespeare pour justifier son propre délire : « La
démence est partout, et sans cérémonie, frappe l’humble marchand et l’acteur de
génie ». Kevin Gouabault utilise cette dimension et donne un nouveau souffle à
une pièce universelle, archétypique et noire comme l’âme de bien des êtres
humains. Pierre Olivier Scotto apporte par d’habiles mises en abyme une touche
essentielle à cette performance, à ce débordement implacable d’énergie
salutaire.
Un spectacle bouleversant, puissant, qui continue de nous
interroger longtemps après avoir quitté la salle obscure et envoûtante du
théâtre de Nesle.
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Gabriel et Marie-Hélène.