24 février 2025

Chronique littéraire : Journal d'un exilé d'Amadou Barry (Julliard).


Description de l'éditeur
À son arrivée dans le pays des droits de l’homme, Dramé, un exilé en situation irrégulière, espère trouver un îlot de tranquillité et de répit, mais c’est la précarité, la pénurie de logements, l’impuissance des associations et l’indifférence de l’administration qui l’attendent. Il échoue en périphérie de la capitale, au milieu d’une foule d’exilés de toutes nationalités qui vivent retranchés dans un tunnel. Parmi eux, Fodié, un Ivoirien féru de livres, philosophe à ses heures, accepte de l’accueillir dans sa tente. C’est le début d’une complicité fraternelle, dans un quotidien de violence et de dénuement, que la disparition de Fodié va interrompre brutalement. Livré au tunnel et à lui-même, Dramé décide alors d’écrire l’histoire de son ami.

Amadou Barry scrute sans fard la condition de celles et ceux qu’on ne cesse de stigmatiser, et d’invisibiliser, en les qualifiant de « migrants ». À travers les tribulations de Dramé et de son frère d’infortune Fodié, il leur restitue leur pleine humanité d’exilés, en même temps qu’il interpelle le lecteur. 

Notre chronique
Un texte coup de poing, un cri du cœur, une urgence d’écrire pour ne pas sombrer dans l’oubli, pour que Fodié et ses idées ne tombent pas dans l’oubli.
« Je pensais à ces exilés au bord de la folie, ces corps anéantis, ces zombies dévorés par la dépression, pourtant jugés, parfois sauvés, souvent bannis. »
Journal d’un exilé d’Amadou Barry est écrit comme un témoignage à la première personne, un roman qui dépasse la simple chronique sociale, qui est une plongée brutale et nécessaire dans la condition des exilés en France.
Dramé, le narrateur, espérait trouver en France un refuge, il y trouve un tunnel, lieu de survie et de désillusion, dans lequel se côtoient déracinement, violence et solidarité de fortune. 
« Personne ne voulait parler de son parcours ni revenir sur les agressions racistes au Maghreb ni sur les humiliations subies dans le sud de l’Europe. Était-ce par pudeur, par peur d’être jugé et condamné par les autres ? Je n’ai jamais compris la raison de nos silences partagés, des silences rouillés, des non-dits corrosifs. Ici, dans ce pays qui se veut civilisé, qui le revendique, les exilés dorment dehors. Ici, les exilés vivent dans une peur permanente. »
Son amitié avec Fodié, un Ivoirien érudit et philosophe, est un fil ténu d’humanité dans un univers qui broie les existences. Sa disparition brutale pousse Dramé à écrire pour lui rendre hommage et pour contrer l’invisibilisation des exilés.
Dans ce texte, la littérature est une lueur vacillante dans l’obscurité. Fodié cite Kafka, Kourouma et Monénembo pour penser la condition des exilés, comme si seule la littérature pouvait « dire » l’indicible. L’ombre de L’Homme révolté de Camus plane sur ces pages : le refus du silence devient un acte de survie. « Ce matin, j’ai aussi décidé de parler », déclare Dramé, inversant l’injonction à la discrétion imposée aux sans-papiers.
Amadou Barry évite le misérabilisme ; il ne cherche ni à apitoyer ni à accuser, mais à montrer. Comme Joseph K. dans Le Procès, Dramé se débat dans un labyrinthe administratif absurde. Il oscille entre révolte et fatalisme dans un monde où l’exilé n’est qu’un fantôme que l’on ne veut pas voir.
« Vous devez entendre nos cris, vous allez voir nos gueules. Ces gueules que vous fuyez en signant un chèque pour une association, ou une pétition. Je n’ai plus envie de me taire, et je sais que je ne suis pas le seul. Nous ne voulons plus servir de défouloir à vos politiciens en mal de popularité ni être votre souffre-douleur ni des boucs émissaires. »
Un premier roman qui donne voix à ceux qu’on refuse d’entendre.
#Journaldunexilé #NetGalleyFrance

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