Quels sont vos livres de chevet ?
Pour suivre simplement l’ordre chronologique, je place en premier parmi mes livres de chevet Robinson Crusoé, que je n’ai pourtant jamais lu ! C’est l’institutrice de dernière année de maternelle qui en lisait des passages chaque matin à ses petits élèves fascinés. Ensuite, vers l’âge de 10 ans, un énorme choc avec L’île au Trésor, que j’ai lu au moins 3 fois en reprenant l’histoire au début à peine la lecture achevée… Je me demande maintenant si cette recherche de l’île et de son trésor ne pourrait pas être une métaphore de la lecture : chaque vague traversée par le navire serait une page tournée ; d’ailleurs, l’auteur nous embarque dans son histoire, on se plonge dans son livre… et on espère qu’il nous fera découvrir un trésor ou au moins une pépite ! Vous ne le croirez pas, Marie-Hélène, mais j’étais bien à bord de l’Hispaniola… Encore quelques titres sans faire monter la pile trop haut : Martin Eden, Les Raisins de la Colère, L’Odyssée.
Quel lecteur êtes-vous ?
La situation où l’on se trouve lorsque l’on n’a « rien à lire » est extrêmement désagréable. J’ai donc toujours plusieurs livres en attente sur une étagère, mais c’est frustrant de ne pas lire plus vite celui en cours alors que l’on meurt d’impatience de découvrir ceux, tentateurs, qui dorment sagement. Un roman peut être à côté d’un essai, d’une biographie, d’un polar…
Pourquoi avez-vous rejoint le comité de lecture du prix littéraire Régine Deforges ?
En 2010, à l’annonce sur France Inter de l’appel à candidatures pour le jury du Prix du Livre Inter, je me suis décidé à envoyer la fameuse lettre demandée, après des années sans oser le faire et surtout à trouver à chaque fois un prétexte pour ne pas m’avouer ma paresse. J’ai donc participé à cette belle aventure, des lectures intenses puis en juin un débat passionné et passionnant entre jurés, sous la présidence de Catherine Clément et guidés par la si dynamique Eva Bettan. L’Horizon de Patrick Modiano faisait partie de la sélection, je l’ajoute sans hésiter à mes livres de chevet. Il faut préciser que, quand on est comme moi juré sans formation littéraire, on peut se demander si l’on est bien à sa place pour donner un avis sur des œuvres d’auteurs de ce rang… Très intéressante aussi l’immersion dans les studios de la station : une chance de voir les émissions en train de se faire avec les journalistes et aussi tous les collaborateurs et techniciens. Mais on ne peut être juré du Livre Inter qu’une fois. La loi est dure…
Un peu par hasard je suis tombé en 2014 sur une annonce dans le journal « Le Marin » : appel à candidatures pour le jury du Prix Livre & Mer de Concarneau. Ne résistant pas à l’appel du large, je me suis proposé, en envoyant (encore !) une lettre. Avant de formaliser ma « nomination » l’organisatrice m’a téléphoné pour être sûr que j’avais bien compris que je devrais me rendre à Concarneau (vous habitez à Limoges… ?), une fois pour la remise des livres sélectionnés et une deuxième pour délibérer. Je me suis donc retrouvé, limougeaud, mais presque extraterrestre, accueilli dans un groupe de purs Bretons pour participer à ce « travail ». Même le président du jury était breton : Yann Queffelec ; ce fut un plaisir de l’écouter décortiquer les romans en lice, soulignant avec fougue et malice aussi bien les qualités que les lacunes.
Ma « carrière » de juré a rebondi en 2020 ! Parmi les membres du comité de lecture du Prix Régine Desforge figurent des « citoyens-lecteurs ». En apprenant cela, j’ai pensé que j’appartenais sans doute à cette catégorie, la formulation étant par ailleurs amusante, avec des accents révolutionnaires. Des citoyens-lecteurs chargés d’un comité du salut public de la lecture ? Ce qui est très séduisant dans la sélection à réaliser, c’est qu’elle concerne uniquement des premiers romans. Donc, nous pouvons les lire sans aucun a priori, et avec l’espoir de faire de belles découvertes.
Quels sont les trois adjectifs qui pourraient la résumer ?
La participation à ce comité mériterait presque un entraînement spécifique ! Il faut avoir un rythme de lecture adapté à un marathon pendant plusieurs semaines et finir par un sprint pour pouvoir tenir les délais… J’ai eu de la chance, car les quelques « pavés » dont je me suis chargé étaient agréables à lire, et j’en suis venu à bout sans souffrir ! Et d’autres livres étaient très courts ! Les échanges entre les membres sont toujours intéressants, aussi bien par mail que lors des réunions mensuelles à la médiathèque. La force des convictions est tempérée par l’humour et la bonne camaraderie ! Ces quelques semaines ont été denses, stimulantes et chaleureuses.
L’Hispaniola
Par Walter Paget — Unknown later Swedish edition, Domaine public.
Quels ont été vos coups de cœur lors de la sélection des huit finalistes ?
Matériellement, il est pratiquement impossible de lire tous les livres envoyés par les éditeurs, je n’ai donc pas lu l’ensemble des 8 livres de la sélection finale. J’ai retenu de « On ne touche pas » une belle écriture, fluide, sans fioriture. Le sujet est vraiment surprenant et la part d’audace, recherchée pour la sélection, est bien présent.
Pourriez-vous partager une anecdote de votre participation au comité de sélection ?
Nous attendons tous, je pense, avec beaucoup curiosité le verdict du jury. Mais j’ai appris que l’un de nos « collègues » a un don particulier, une aptitude unique à - comment dire ? - fournir un anti-pronostic assez sûr, semble-t-il. Un des premiers mails que nous avons reçu dans les échanges entre nous venait de lui ; après une critique explosive, dévastatrice et très drôle d’un des livres, il l’a désigné comme certainement le plus mauvais à son goût, tout en expliquant que cela voulait dire qu’il avait toutes les chances de remporter le prix…
Le mot de la fin ?
Remercier Adeline pour sa confiance est la moindre des choses et aussi pour tout son travail d’organisation et sa réactivité qui nous donnent un cadre bien confortable pour participer à ce comité. Je suis bien entendu prêt pour une deuxième « saison » si c’est possible, avec l’espoir de découvrir les visages de tous les membres du groupe !
Pascal Abriat.
Pour aller plus loin
L'interview d'Adeline Bienvenu
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