Qu’est-ce qui t’a inspiré cette nouvelle aventure de Mister Dingle ?
J’ai longtemps cherché le point de départ de mon histoire que je voulais locale, mais aussi originale. J’avais sélectionné plusieurs lieux, mais aucun ne me satisfaisait pleinement. Il manquait la petite étincelle jusqu’au jour où une amie m’a parlé d’une anecdote historique célèbre chez nous : la visite de Charlie Chaplin en Soule.
Était-ce d’abord le cadre du Pays basque, l’univers du cinéma, ou ton duo de héros qui t’a soufflé l’intrigue ?
C’est donc ma passion du cinéma qui m’a guidée dans un premier temps. J’avais envie de raconter un peu les coulisses du muet aux plus jeunes. Le Pays basque est un cadre particulièrement cinématographique : le temps change souvent, les couleurs sont magnifiques. C’était ma seconde source d’inspiration.
Pourquoi avoir choisi l’année 1934 et le tournage d’un film de Chaplin comme toile de fond ? Est-ce une manière de rendre hommage au cinéma muet et à ses pionniers ?
L’année 1934 s’imposait : dans le tome 1, Eugenia et Mister Dingle vivent une déconvenue. Même s’ils résolvent leur enquête, leur réputation est entachée. Je ne voulais pas trop m’éloigner de cette période afin de les remettre dès le début du roman en difficulté. Ils tirent le diable par la queue, Mister Dingle travaille pour le cinéma pour gagner sa vie et personne ne leur fait confiance. Ils vont devoir doublement faire leurs preuves, car tout le monde se souvient de l’enquête de l’automne précédent.
J’ai choisi Charlie Chaplin à la fois pour la résonnance locale, mais aussi comme facilitateur pour expliquer le cinéma muet. Lors de mes animations en classe de 6e, j’ai constaté que les enfants connaissaient encore le personnage de Charlot même s’ils ignoraient presque tout du muet. C’était donc une bonne clé d’entrée pour expliquer tout le reste : l’ambiance cabaret des projections quand il n’y avait pas de bande-son, les contraintes d’un tournage, les métiers oubliés, et tout ce qui fait que le cinéma d’aujourd’hui reste encore magique. Sans ces pionniers, tout cela n’existerait pas. J’adore le cinéma, d’une façon ou d’une autre il habite tous mes romans.
Eugénia et Mister Dingle forment un tandem attachant et plein d’esprit. Comment construis-tu leur complicité ? Y a-t-il un modèle réel (animal ou humain) derrière ce duo ?
Mister Dingle existe bel et bien : il s’appelle Bilbo et vit avec un de mes amis auteur. J’ai beaucoup discuté avec son maître avant d’écrire ce deuxième opus. Il m’a parlé des habitudes de Bilbo, de ses mimiques, de ses manies. Je me suis inspirée de tout cela pour rendre Mister Dingle encore plus vivant et communicatif. Eugénia, quant à elle, est le fruit de mon imagination. Elle dit et fait ce que j’aimerais parfois dire ou faire…
Ton roman joue avec les codes du polar classique tout en les détournant. Quels auteurs ou œuvres policières t’ont influencée ?
Adolescente, j’ai aimé les romans d’Agatha Christie et le personnage de Sherlock Holmes. Désormais, je lis beaucoup de polars nordiques et de romans noirs américains. Avec Les enquêtes de Mister Dingle, j’essaie de rendre hommage aux rouages d’une intrigue « à l’ancienne » tout en ajoutant une touche de modernité dans les clins d’œil féministes, historiques ou sociaux. J’avais envie de parler de la lutte des classes et de ce que la mort du muet a fait à certains métiers, par exemple.
On sent une atmosphère très visuelle, presque cinématographique. Est-ce lié à ta manière d’écrire, comme si tu « filmais » tes personnages ?
Je déroule un film dans ma tête quand j’écris et je m’efforce de le décrire à mon lecteur qui n’a ni le projecteur ni la toile de fond devant lui ! Je suis visuelle dans mon premier jet et c’est seulement lors des lectures de correction, qui sont nombreuses, que je retravaille le rythme, les formulations, etc.
L’humour occupe une place essentielle dans l’écriture de ce roman. Comment parviens-tu à l’équilibrer avec le suspense et la tension de l’enquête ?
J’écris d’abord un scénario de mon histoire : ses rebondissements, ses péripéties, son chapitrage. Une fois que ce squelette est posé, je m’y tiens, je me « fais mon film » et je me le projette tout en écrivant. Les pointes d’humour viennent de ce que je vois en écrivant : expressions cocasses des protagonistes, reparties dans un dialogue, c’est souvent de l’impro dans le flot de l’écriture. Le tout est retravaillé ensuite pour équilibrer et ne pas tomber dans trop d’humour ou, a contrario, trop de sérieux.
Le roman s’adresse à un jeune public, mais il séduit aussi les adultes. Est-ce une intention dès le départ ?
Oui. J’écris avant tout ce qui m’amuse sans me poser la question de l’âge du lecteur. Évidemment, Les enquêtes de Mister Dingle s’adressent aux plus jeunes et il y a un travail spécifique sur le style, le rythme, la taille des chapitres ou le vocabulaire. Cependant, j’essaie d’écrire des livres que les parents pourraient lire à leurs enfants sans s’ennuyer et qui pourraient créer des espaces de dialogue entre adulte et enfant. J’ai bien conscience que le contexte social du roman peut échapper à un lecteur de dix ans, mais peut-être posera-t-il des questions à l’adulte assis à côté de lui ? Et dans le cas contraire, cela ne sera pas un frein à la compréhension de l’histoire. Ce même enfant s’en souviendra peut-être plus tard quand il abordera les années 30 au collège et il fera un lien supplémentaire dans la compréhension de notre histoire commune.
Le livre aborde aussi, en filigrane, la curiosité, la persévérance et la confiance. Y a-t-il une volonté éducative ou symbolique de ta part ?
Voilà des qualités qui portent tous les auteurs ! Il faut un savant cocktail des trois pour avancer dans l’écriture d’un roman comme dans la vie. Elles se cultivent, ces qualités, et la lecture est un bon moyen de jardiner.
Peux-tu nous donner un petit indice sur la prochaine enquête de Mister Dingle (s’il y en a une de prévue) ? Le cinéma cédera-t-il la place à un autre univers ?
Plusieurs lieux se distinguent pour le tome 3, mais je n’ai pas encore eu la petite étincelle qui m’a fait mettre le tome 2 en chantier. Quant au cinéma, il sera probablement remplacé par une autre de mes passions. Affaire à suivre…
Et (comme toujours) le mot de la fin ?
L’art sous toutes ses formes est notre trésor, continuons à le soutenir contre vents et marées !
Pour aller plus loin
Les enquêtes de Mister Dingle, Panique en coulisses (à venir)

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bonjour !
Votre commentaire sera bientôt en ligne.
Merci d'échanger avec nous !
Gabriel et Marie-Hélène.