04 août 2025

Chronique littéraire : Dîner à Montréal de Philippe Besson (Julliard).

Résumé de l’éditeur
Ils se sont aimés, à l'âge des possibles, puis quittés, sans réelle explication. Dix-huit ans plus tard, ils se croisent, presque par hasard, à Montréal. Qui sont-ils devenus ? Qu'ont-ils fait de leur jeunesse et de leurs promesses ? Sont-ils heureux, aujourd'hui, avec la personne qui partage désormais leur vie ?
Le temps d'un dîner de retrouvailles – à quatre – chaque mot, chaque regard, chaque geste est scruté, pesé, interprété. Tout remonte à la surface : les non-dits, les regrets, la course du temps, mais aussi l'espérance et les fantômes du désir.
À leurs risques et périls.

Notre chronique
J’apprécie énormément l’écriture de Philippe Besson et les thématiques qu’il privilégie et ce texte ne m’a pas déçue ! 
Dîner à Montréal est en effet un roman introspectif remarquable. Un roman de silences, de regrets et de vérités inavouées.
Un tête-à-tête manqué, un dîner à quatre. Dix-huit ans après, les retrouvailles se jouent sous les regards d’autrui, entre faux-semblants et émotions à vif. 
« C’est blanc ou noir, ça ne peut pas être gris, et moi je suis convaincu justement que tout tient dans la zone grise. »
Le narrateur guette chaque mot, chaque geste, chaque hésitation… Philippe Besson excelle dans l’art de décrire ces moments suspendus.
« Je préfère m’attarder sur les pensées à distance. J’ai toujours aimé l’idée que quelqu’un quelque part à un moment donné s’intéresse à nous sans que nous n’en sachions rien, au fait que nous-mêmes nous ayons de temps à autre un élan vers un tiers qui ne peut pas s’en douter. Et parfois, nous nourrissons l’espoir absurde, ridicule, que cette préoccupation soit partagée, comme si convoquer l’image d’une personne provoquait une connexion avec elle.
Je n’ai pas su que Paul pensait à moi, je l’ai espéré. Il n’a rien connu de mes esquisses de lui. Mais ça a existé. »
L’amour d’hier peut-il survivre aux blessures du temps ? La question traverse le roman. La solitude, la rancœur, le manque… autant de spectres qui rôdent autour de cette table. 
« Le manque, il a entretenu le sentiment aussi. Et tu m’as manqué. Beaucoup. Vraiment beaucoup. C’est terrible, le manque, il te ronge, il te tord le ventre. C’est une sensation physique, ça ne te quitte pas. Et il y avait la vexation, la honte, parce que je n’avais pas été choisi. On croit que ça tue le sentiment, mais non, ça le maintient en vie au contraire, ça fait qu’il est toujours là, comme pour nous rappeler notre défaite. Il y avait la rancœur, parce que j’étais convaincu que tu avais fait le mauvais choix, ou au moins que tu avais fait ton choix pour de mauvaises raisons. Et la rancœur, elle aussi, elle garde le sentiment vivace. Et puis je n’arrivais pas à te remplacer, au début. Je n’avais envie d’aucun homme. Ou alors ils ne s’intéressaient pas à moi, ils devaient voir ma mélancolie, ça tient toujours à l’écart la mélancolie. Ou tout simplement j’étais redevenu un type lambda, sur qui on ne se retourne pas. Ça rendait encore plus précieux que toi, tu te sois retourné, un jour. Alors oui, je t’ai aimé longtemps, après. »
Philippe Besson nous rappelle que les retrouvailles ne sont jamais innocentes : elles réveillent les douleurs enfouies et révèlent ce que l’on a tenté d’oublier.
Comme chez Tennessee Williams, les personnages oscillent entre désillusion et espoir ténu, entre ce qui aurait pu être et ce qui ne sera jamais.
L’écriture est ciselée, à la fois fluide et précise, marquée par cette mélancolie lumineuse propre à Besson. Tout se joue dans l’implicite, et si tout est là, à portée de main, l’essentiel semble toujours échapper aux protagonistes.
Un roman délicat, intime. Une lecture troublante, qui laisse en suspens cette question universelle : faut-il vraiment rouvrir les portes du passé ? 
Et je conclurai avec deux courtes citations de ce bel ouvrage qui nous parle également de littérature : 
« Je suis tenté de lui signaler que l’amour de la littérature ne fabrique pas nécessairement un don – si c’en est un – pour l’écriture, cependant une nouvelle fois je m’abstiens. »
« Surtout il ne faut pas prendre les livres au pied de la lettre, on en rajoute pour émouvoir ; la réalité est toujours en deçà, elle est décevante, c’est pour ça que ce n’est pas elle qu’on raconte. »


 À découvrir !

Pour aller plus loin
Un instant d'abandon (à venir)

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